Henri IV et qui a été remplacée dans toutes les éditions par magnanime, épithète faible comparativement à cette réduplication du mot Grand; ce qui me porte à croire que lorsque cette supplique fut lue à Louis XIV, ces vers Du Grand, du Grand HENRY qu'il contemple la vie ; Dès qu'il pût se vanger, il en perdit l'envie : un froncement de sourcil avertit que LOUIS LE GRAND s'en trouvait offensé. ÉLÉGIE. Remplissés l'Air de cris, et vos Grotes profondes (1), Et que l'Anqueüil enflé ravage les trézors Dont les regars de Flore ont embelly ses bors. On ne blâmera point vos larmes innocentes; Vous pouvés donner cours à vos douleurs pressantes; Les Destins sont contens, Oronte est malhûreux. Pour luy les plus beaux jours sont de secondes nuits; Hostes infortunés de sa triste demeure, En des goufres de maux le plongent à toute heure. Les atraits enchanteurs de la prospérité! Dans les palais des Roys cette plainte est commune; On n'y conoît que trop les jeux de la Fortune, Ses trompeuzes faveurs, ses apas inconstans : Mais on ne les conoît que quand il n'est plus temps. Il est bien mal-aizé de régler ses dézirs; Le plus Sage s'endort sur la foy des Zéphirs. Jamais un Favory ne borne sa carière; Il ne regarde point ce qu'il laisse en arière : Et tout ce vain amour des Grandeurs et du bruit, (1) Toutes les éditions portent, << en vos grottes profondes. » Tant d'exemples fameux, que l'Histoire en raconte, Ne sufizoient-ils pas sans la perte d'Oronte? C'est par-là que les Roys sont semblables aux Dieux. La plus belle victoire est de vaincre son Cœur. Et c'est étre innocent que d'étre malhûreux (1). BOSSUET, dans son manuscrit des Sermons (t. II, p. 261, Bibl. Imp.), écrit de sa main : « Sa vangeance nous poursuiura a la vie et a la mort et ny en ce monde ny en l'autre iamais elle ne nous laissera aucun repos. Ainsi n'atandons pas lheure de la mort pour pardonner à nos ennemis, mais plustost pratiquons ce que dit l'apostre, que le soleil (1) Fouquet fut arrêté en 1661. L'élégie ne parut dans les Recueils publiés par la Fontaine qu'en 1671. Cependant on la trouve imprimée dans le Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, tant en prose qu'en vers, in-18, Cologne, 1667, t. II, p. 195, sous le titre d'Élégie pour le malheureux Oronte. Mais, ajoute Walckenaer, « il est probable que la Fontaine fit d'abord imprimer cette pièce séparément et sur une feuille volante comme il a fait pour beaucoup d'autres de ses ouvrages. » (Histoire de la vie et des ouvrages de J. de la Fontaine, t. I, p. 100.) Ce que présumait Walckenaer se trouve donc réalisé par la présence de cet exemplaire. ne se couche pas sur vostre colere (ce cœur tandre, ce cœur paternel), l'apostre ne peut comprendre qu'un chrestien, enfant de paix, puisse dormir d'un sommeil tranquille ayant le cœur ulcéré et aigri contre son frère, ni qu'il puisse gouster du repos uoulant du mal a son prochain dont Dieu prend en main la querelle et les interests. Mes frères, le iour decline, le soleil est sur son panchant, lapostre ne nous donne guere de loisir et uous nauez plus guere de tems pour lui obéir; ne differons pas dauantage une œuvre si necessaire, hastons-nous de donner a Dieu nos ressentimens: le iour de la mort sur lequel on reiette toutes les affaires du salut n'en aura que trop de pressées; commancons de bonne heure a nous preparer les graces qui nous seront necessaires en ce dernier iour et en pardonnant sans delai asseurons-nous leternelle misericorde du Père, du Fils et du Saint-Esprit. >> J'ajouterai ici aux exemples cités précédemment p. 54, p. 55 et 73, les caractères suivants de son écriture. Souvent il supprime les doubles lettres; ainsi, dans le début du Sermon de la Pénitence au temps du Jubilé, on lit dans son manuscrit : « Quelle merveilleuse nouvelle nous aprenons aujourd'hui, » et p. 4 et 5, aprenons, et aprendre, p. 92. Il écrit aussi atendre, abatre, alantif, flater, froter. Ailleurs il écrit une tandre éducation, p. 99; il écrit aussi sepulcre sans h, p. 27 des Sermons. Voyez pour son opinion au sujet de l'orthographe, plus haut p. 130 et suiv. RACINE ET BOILEAU. A Mer le maréchal de Luxembourg. de Fleurus. Félicitations sur la victoire « Au milieu des louanges et des complimens que vous receués de tous costés pour le grand seruice que vous venés de rendre à la France, trouués bon, Monseigneur, qu'on vous remercie aussi du grand bien que vous aués faict à l'Histoire, et du soin que vous prenés de l'enrichir. Personne jusqu'ici n'y a trauaillé avec plus de succez que vous, et la bataille que vous venés de gagner fera sans doute un de ses plus magnifiques ornemens. Jamais il n'y en eut de si propre à estre racontée, et tout s'y rencontre à la fois, la grandeur de la querele, l'animosité des deux partis, l'audace et la multitude des combattans, une résistance de plus de six heures, un carnage horrible, et enfin une déroute entière des en nemis. Jugés donc quel agrément c'est pour des historiens d'avoir de telles choses à escrire, surtout quand ces historiens peuuent esperer d'en apprendre de vostre bouche mesme le detail. C'est de quoi nous osons nous flatter. Mais, laissant là l'Histoire à part, serieusement, Monseigneur, il n'y a point de gens qui soient si veritablement touchés que nous de l'heureuse victoire que vous aués remportée; car, sans conter l'interest general que nous y prenons avec tout le royaume, figurés vous quelle est notre joie d'entendre publier partout que nos affaires sont restablies, toutes les mesures des ennemis rompues, la France, pour ainsi dire, sauuée, et de songer que le heros qui a faict tous ces miracles est ce mesme homme d'un commerce si agréable, qui nous honore de son amitié, et qui nous donna à disner le jour que le Roi lui donna le commandement de ses armées. « Nous sommes avec un profond respect, Monseigneur, « A Paris, 8e de juillet 1690. » Parmi les notes que j'ai prises en parcourant les manuscrits de Racine déposés à la Bibliothèque impériale, j'ai remarqué ce passage dans sa lettre à l'abbé Levasseur, 1661 : « Je lis des vers, je tasche d'en faire, je lis les avantures de l'Arioste; je ne suis pas moi-même sans avanture..... Mais voilà les massons qui arrivent. » Et ailleurs, dans sa correspondance avec Boileau : « Je vas au cabaret deux fois par jour; je commande à des massons. >> Mme de SEVIgné. Dans une de ses lettres à Mme de Grignan, je vois écrits de sa main le mot tandresse quatre fois, et aussi par un a les mots commancement, entandre, contante. Voici cette lettre : A Angers, mercredy 29 septembre. << l'arive hier à cinq heures au pont de Se, apres auoir veu le matin a Saumur ma niece de Busy, et entandu la messe a la bonne Nostre Dame, ie trouue sur le bort de ce pont vn carosse a six cheuaux qui me parut estre mon fils. Cestoit son carosse et labé Charyer quil a enuoyé me receuoir, parcequil est vn peu malade aux Rochers. Cet abé me fut agreable, il a vne petite impression de Grignan par son pere et par vous auoir veue, qui luy donne un pris au dessus de tout ce qui pouuoit venir audeuant de moy. Il me donna vostre lettre ecritte de Versailles, et ie ne me contraignis point deuant luy de repandre quelques larmes tellement ameres que ie serois etoufée sil auoit falu me contraindre. Ha ma bonne et tres aymable, que le comancement a esté bien vangé. Vous affectes de paroistre vne véritable Dulcinee, ha que vous lestes peu, et que iay veu au travers de la peine que vous prenes a vous contraindre cette mesme douleur et cette mesme tandresse qui nous fit repandre tant de larmes en nous separant. Ha ma bonne, que mon cœur est penetré de vostre amitié, que ien suis bien parfaitement persuadée, et que vous me faches quand, mesme en badinant, vous dittes que ie deurois auoir vne fille come Mile Daleral et que vous estes imparfaite. Cette Aleral est aymable de me regretter come elle fait, mais ne me souhaittes iamais rien que vous. Vous estes pour moy toutes choses, et iamais on a esté aymee sy parfaitement dvne fille bien aymee que je le suis de vous. Ha quels tresors infinis mauez vous quelquefois cachés, ie vous assure pourtant, ma tres chere bonne, que ie nay iamais douté du fons, mais vous me combles presentemant de toutes ces richesses, et ie nen suis digne que par la tres parfaite tandresse que iay pour vous, qui passe au dela de tout ce que pourois vous en dire. Vous me paroisses asses mal contante de vostre voyage et du dos de M. de Brancas, vous aues trouué bien des portes fermées, vous aues, ce me semble, fort bien fait denvoyer vostre lettre. On mande icy que le voyage de la cour est retardé, peut estre poures vous reuoir M. de Lerme. Enfin Dieu conduira cela come tout le reste. Vous saves bien come ie suis pour ce qui vous touche, ma chere bonne, vous aures soin de me mander la suitte. Ie viens denvoyer la lettre que vous ecriues a mon fils; quelle tandresse vous y faites voir pour moy, quels soins, que ne vous dois ie point, ma chere bonne. Ie consens que vous luy fassies valoir mon depart dans cette saison; mais Dieu scait sy l'impossibilité et la crainte dvn desordre honteux dans mes affaires nen a pas esté la seule raison. SEUIGNÉ (1). » (1) Extrait de l'Isographie des hommes célèbres publiée par Delarue, t. IV. |