Lille. Cette ville va être entourée et couverte par trois camps. Les opérations et les projets des généraux, concertés entre eux seuls, sont voilés du plus profond secret. La disposition et la confiance des troupes sont parfaites. Les approvisionnemens sont abondans. ÉVÉNEMENS ET NOUVELLES. VARSOVIE. Les hostilités entre les Russes et les Polonais ont déjà commencé. Les Russes ont été vigoureusement repoussés, en voulant passer le Dniester. L'impératrice a fait précéder ses armées par un manifeste qui est un monument curieux du mépris des despotes pour les peuples et pour la justice. Le fer et la flamme à la main, elle prétend forcer la nation et son prince à rétablir l'absurde constitution qu'ils ont aboli d'un vœu unanime. Si l'on veut l'en croire, c'est pour assurer l'indépendance des Polonais qu'elle prend les armes! ce sont les principes républicains qu'elle vient défendre ! Pour comble de dérision, tandis qu'elle s'annonce en Pologne comme protectrice de la liberté contre la monarchie, Catherine se déclare en France protectrice de la monarchie contre la liberté. Nous parlons souvent des affaires de Pologne; c'est que la destinée de cet empire est, ainsi que la nôtre, ce qui va décider du sort de l'Europe et de l'humanité pendant plusieurs siècles. Si le roi de Prusse et le roi de Hongrie persistent à laisser l'impératrice opprimer la Pologne, pour venir eux-mêmes écraser la France avec toutes leurs forces, l'Allemagne et l'Italie entière doivent trembler. Dès-lors, en Europe, nul prince ne pourra gouverner; nul peuple ne pourra prospérer; nul commerce ne pourra fleurir; nul écrit n'osera paroître; nul homme n'osera penser et respirer sans la permission de ces trois puissances. DÉPARTEMENS. Une grêle affreuse a ravagé les envi 1 rons de Troyes, Quatorze municipalités ont vu périr teurs. PARIS: Les autres ministres qui étoient restés, ont aussi donné leur démission: M. Dumouriez lui-même n'a pu résister à l'opinion publique. Le 15, un décret de l'assemblée a supprimé, sans indemnité, tous les droits casuels de lods et vente, etc., à moins que le propriétaire ne produise le titre primitif. ΑΝΝΟNCES. Manuel des contribuables, ou recueil de toutes les loiss proclamations et instructions sur les contributions directes. Vol. in-18 de 420 pages. Prix, 36 sous broché, 45 sous relić. Il n'existoit point encore de collection de ce genre, et l'on payoit 18 ou 20 liv. à l'imprimerie royale, toutes les lois qu'on trouve ici pour 36 sous. A Paris, chez tous les libraires; dans les départemens, chez tous les imprimeurs de département et de district, et les principaux libraires. Instructions patriotiques et militaires pour la garde nationale, 1 vol. Prix, 24 sous, et 36 sous franc de port. Chez Varin, libraire, rue du Petit-Pont Saint-Jacques, à Paris. 12 Les droits de l'homme et un fusil sont deux choses qui se tiennent de bien près; il faut apprendre à se servir de l'une et de l'autre. Ce petitrecueil enseignera aux bons villageois l'exercice des armes et l'exercice de la liberté. De l'Imprimerie de DESENNE, rue Royale, butte S. -Roch, 4.25 ET QUARANTIEME SEMAINE DE LA SECONDE ANNÉE DE LA FEUILLE VILLAGEOISE. Jeudi 28 Juin 1792. SITUATION ACTUELLE DE LA FRANCE. L'ÉPOQUE où nous sommes arrivés est fortement et fidèlement marquée dans la lettre qu'on va lire. Elle fut remise au roi le 10 juin, er le 13, on éloignale ministre courageux qui l'avoit écrite. Les princes ne peuvent souffrir les vérités fâcheuses. On dit souvent qu'il faut les en plaindre. A la bonne heure s'ils ne perdoient qu'eux-mêmes ! Mais c'est le peuple qui porte la peine de leurs fautes. Ma pitié s'est usée sur les maux du peuple. Quant aux princes aveugles, qu'on me sache gré de renfermer dans mon cœur les sentimens qu'ils m'inspirent. Lecteurs, méditez sérieusement ce tableau de la situation où se trouve l'empire français. Supposez que cette lettre ait été écrite pour vous; prenez pour vous les conseils donnés au monarqne, ils ne seront pas tout à fait perdus. Mais, diront quelques esprits pacifiques, pourquoi publier un écrit qui va jeter l'alarme ? Il est des hommes amollis et pusillanimes qui vous 0 droient toujours rester endormis dans une lâche securité. Ces gens-là se bouchent les oreilles à tous les bruits avant-coureurs du péril; ils n'écoutent que celui qui les rassure. Ce n'est pas qu'ils ne craignent rien; au contraire, ils ont peur, pour ainsi dire, qu'on ne leur fasse peur, et ils détestent quiconque les avertit des nuages suspendus sur leurs têtes. Mais le peuple généreux pour qui nous écrivons n'a point leur foiblesse ; au contraire, comme un malade intrépide, il veut connoître tout le danger de sa blessure; il crie sans cesse aux écrivains patriotes, ses vrais amis: Sentindles vigilantes, ne craignez point de me montrer vos craintes. Effrayez-moi, s'il le faut, à tort: oui, s'il le faut, éveillez-moi; appelez-moi, même en vain, et sur de simples apparences. Peu importe, pourvu que vous ne me laissiez pas surprendre. Oui, sans doute il est passé le temps où l'ami du bien pouvoit, par des ménagemens salutaires, écarter les défiances. Alors, jaloux d'inspirer la concorde, nous nous plaisions à supposer qu'elle existoit. Mais il est trop vrai que parmi tous ceux même qui invoquent la constitution, il en est un grand nombre qui ont projeté sa ruine. Il est trop vrai qu'un grand débat s'élève entre le roi et le corps législatif; il est trop vrai que la liberté est menacée par cette division; il est trop vrai que le peuple français a besoin encore de toute sa fermeté pour conserver cette liberté dont il a déjà goûté de si doux prémices. Eh! pourquoi dissimulerions-nous cette vérité, toute effrayante qu'elle s'offre à nos yeux ? Laisserons, nous tout perdre, dans la crainte de remuer quelque chose? LETTRE Ecrite au Roi par le Ministre de l'Intérieur, SIRE, L'état actuel de la France ne peut subsister longtemps; c'est un état de crise dont la violence atteint le plus haut degré; il faut qu'il se termine par un éclat qui doit intéresser votre majesté, autant qu'il importe à tout l'empire. Honoré de votre confiance, et placé dans un postes où je vous dois la vérité, j'oserai vous la dire tout entière; c'est une obligation qui m'est imposée par vous-même. Les Français se sont donné une constitution; elle a fait des mécontens et des rebelles; la majorité de la nation la veut maintenir; elle a juré de la défendre au prix de son sang, et elle a vu avec joie la guerra qui lui offroit un grand moyen de l'assurer. Cependant la minorité, soutenue par des espérances, a réuni tous ses efforts pour emporter l'avantage: de là cette lutte intestine contre les lois; cette anarchie, dont gémissent les bons citoyens, et dont les malveillans ont bien soin de se prévaloir pour calomnier le nouveau régime: de là cette division par-tout répandue, et par-tout excitée , car nulle part il n'existe d'indifférent; on veut ou le triomphe ou le changement de la constitution; on agit pour la soutenir ou pour l'altérer. Je m'abstiendrai d'examiner ce qu'elle est en ellemême, pour considérer seulement ce que les circonstances exigent, et me rendant étranger à la chose, autant qu'il est possible, je chercherai ce que l'on peut attendre, et ce qu'il convient de favoriser. Votre majesté jouissoit de grandes prérogatives qu'elle croyoit appartenir à la royauté. Elevée dans l'idée de les conserver, elle n'a pu se les voir enlever avec plaisir; le désir de se les faire rendre étoit aussi naturel que le regret de les voir anéantir. Ces sentimens qui tiennent à la nature du cœur humain, ont dâ entrer dans le calcul des ennemis de la révolution. Ils ont donc compté sur une faveur secrète, jusqu'à ce que les circonstances permissent une protection déclarée. Ces dispositions ne pouvoient échapper à la nation elle-même, et elles ont dû la tenir en défiance. Votre majesté a donc été constamment dans l'alternative de céder à ses premières habitudes, à ses affections particulières, ou de faire des sacrifices dictés par |