pionage le plus perfide; on les circonvenoit de ruses et de pièges tendus à leur simplicité, à leur humanité; on les réduisoit à regretter cent fois le jour de n'être pas morts les armes à la main, comme leurs concitoyens et leurs amis. Nous sommes plus heureux que ce bon peuple d'Amérique. Nous ne sommes ni désarmés, ni pris au dépourvu. Nous sommes tous soldats, préparés aux dangers, exercés aux fatigues, brûlans de combattre, et sûrs de vaincre. Nous avons une constitution éta blie, autour de laquelle nous nous rallierons toujours. Quelque braves, quelque nombreuses que soient les troupes étrangères dont nous allons être attaqués, nous serons plus forts qu'elles, tant que nous serons unis. Ne craignons donc que les dissentions intérieures, germes empoisonnés du plus terrible des fléaux, de la guerre civile; obéissons aux lois, pour être dignes de les défendre; trompons ceux de nos ennemis qui, mêlés parmi nous, cachés sous le masque du patriotisme, veulent nous exciter à troubler l'ordre, à commettre des violences, à outrager la liberté que nous adorons, par des actes indignes d'un peuple libre, pour que leurs infames complices du dehors se réjouissent, et profitent de nos fautes, de nos désordres, de nos crimes. Echappons à leurs ruses infernales par notre respect pour la loi. Au lieu du fruit qu'ils espéroient, qu'ils ne recueillent que le désespoir et la honte; que n'espérant plus d'allumer entre nous l'incendie d'une guerre intestine, ils soient forcés ou de céder eux-mêmes, et de se ranger avec nous sous les drapeaux de la liberté, ou d'aller se réunir aux criminels conspirateurs qui provoquent et soulèvent contre leur patrie la fureur et les armemens de l'Europe entière. ! AGRICULTURE. Sur la Pomme de Terre. La première partie du bien-être d'un peuple est une subsistance facile : c'est par-là que le sort de l'homme civilisé est préférable à celui de l'homme sauvage. C'est par-là que l'agriculture est le premier des arts. Plusieurs nations anciennes ont honoré comme des dieux les mortels bienfaisans qui leur enseignèrent le labourage. Devenues plus éclairées, elles n'ont pas été moins reconnoissantes pour ceux qui leur procurèrent de nouveaux moyens de subsistance. Leurs histoires consacroient les noms de quiconque apportoit des pays lointains les semences, les graines, ou les tiges des plantes nourricières. Le cerisier, que Lucullus vainqueur transplanta du royaume de Pont en Italie, n'étoit pas, aux yeux de Rome, sa moindre conquête. Ce trophée champêtre décora son triomphe, et lui mérita les acclamations glorieuses du peuple romain. C'est ainsi que la guerre a plus d'une fois réparé ses crimes et ses ravages. Ainsi les conquérans effaçoient les larmes des peuples qu'ils avoient soumis, et fertilisoient la terre qu'ils avoient ensanglantée. C'est en donnant aux Gaulois nos pères les productions, nouvelles pour eux, des diverses provinces romaines, que César les consoloit de la perte de leur indépendance, et les captivoit par les jouissances, après les avoir subjugués par la violence des armes. Comment, depuis que la navigation s'est perfectionnée, nos contrées ne se sont-elles pas enrichies des productions de tous les climats? Ce n'est pourtant que dans ce siècle qu'on a vu les gouvernemens et les voyageurs faire entrer dans le plan de leurs expéditions lointaines le soulagement des vrais besoin de l'homme, l'accroissement des vraies richesses et les moyens de rendre communs à tout le globe, les biens propres à quelques pays. Le célèbre Cook, qui découvrit, dans la grande mer du Sud, l'isle célèbre et fortunée d'Otaïti, ne manqua pas d'offrir à ses habi . tans les productions curopéennes. Lorsqu'il y revint pour la seconde fois, quelle noble et douce satisfaction n'eut-il pas en voyant les champs et les jardins de ces bons insulaires couverts des grains et des fruits qu'il y avoit apportés, semés et plantés lui-même quelques saisons auparavant! Quel charme pour lui de revoir leurs cabanes entourées des animaux domestiques qu'il leur avoit appris à élever, pour s'en nourrir! Combien l'Amérique auroit procuré à l'Europe de richesses nutritives et de subsistances nouvelles, si le siècle qui la découvrit eût été moins fanatique, moins ignorant et moins barbare! Mais que ces idées étoient loin des papes usurpateurs, assez extravagans alors pour donner par une bulle le nouveau monde, habité ou désert, à à des rois et à des princes qui ne devoient jamais le voir ! Leur exemple légitima, sanctifia le brigandage des premiers navigateurs qui abordèrent cet hémisphère inconnu. L'Espagnol, à la voix de Rome, ne porta en Amérique que la mort et l'esclavage; l'Europe y perdit les trois quarts des récoltes de l'Espagne; elle n'y gagna que de l'or et des maladies infames. Vous apprendrez maintenant avec moins de surprise, que la POMME DE TERRE, cette plante si salubre, cette denrée si utile, originaire du Chili, n'a été connue en Europe qu'au commencement du 172. siècle, longtemps après la découverte de l'Amérique. Si on avoit su la multiplier par-tout, les peuples ne seroient pas aussi exposés aux disettes et aux famines. Son nom générique est la BATTATE, OU PATTATE; il y en a de plusieurs espèces. Nous ne parlerons que de la plus commune; c'est aussi la meilleure. Cette plante pousse une tige grosse comme le pouce, et qui s'élève à deux ou trois pieds de hauteur. Ses fleurs, qui paroissent en juin et en juillet, sortent par bouquets du sommet des tiges. Ce que les naturalistes appellent ses fruits, sont de grosses baies charnues, molles, et d'une couleur verte, mais qui jaunit en mûrissant; elles remplacent les fleurs, et contiennent une pulpe mucilagineuse et d'un goût désagréable. Mais ce n'est pas-là le véritable fruit de la plante. Elle pousse vers son pied, et cache dans le sein même de la terre trente ou quarante racines de diverses grosseurs, de formes irrégulières, tantôt plus longues. tantôt pl plus rondes, présentant des couleurs différentes, blanchâtres, jaunes, grises, purpurines. Ce sont ces racines qui donnent un aliment agréable, fortifiant, léger, tempérant: suivant les médecins, il a plusieurs bons effets pour la santé ; il est sur-tout un excellent anti-scorbutique. Voici sa culture. C'est à la fin de février ou commencement de mars qu'on sème la pomme de terre dans un champ bien labouré. On met les petites pommes ou racines tout entières; les grosses, on les coupe par tranches. Mais il faut observer qu'il se trouve sur chaque tranche un ou deux yeux; ces yeux sont les germes qui reproduisent la plante. Quelques agriculteurs ont soin de planter toujours des pommes entières, choisies parmi les plus grosses; its obtiennent ainsi une récolte plus abondante et de plus beaux fruits. , L'ensemencement est facile et simple. Ayez une charrue qui trace les rigoles; attachez y une trémie d'où sortent les tronçons des pommes de terre; qu'un rateau tenant également à la charrue, les recouvre à l'instant même. En peu de temps les germes se développent. Bientôt sort de chaque tronçon et se montre à la surface du sol, une petite pointe d'abord blanche, puis rouge et pourprée; c'est le principe de la plante et la promesse de ses fruits bienfaisans. A mesure que cette jeune tige s'élève, nourrissez-la, soutenezla, en l'environnant d'une terre fraîche et nouvelle. Elle répondra bientôt à vos soins, en multipliant ses fécondes racines. Défendue par le sol même des intempéries de l'atmosphère, sa récolte ne trompera jamais vos espérances. Jamais, quels que soient la rigueur ou le désordre des saisons, on n'a vu la pomme de terre manquer entièrement. Vers le mois d'août, vous pouvez faucher son feuillage touffu; vos bestiaux s'en nourriront facilement. C'est en automne, et presque dans tous le cours de l'hiver, que vous récolterez les pommes de terre. Elles peuvent se manger même crues; quoiqu'un peu acres au goût, on s'y accoutumeroit bientôt. Mais faites cuire la pomme ou dans l'eau, ou sous la cendre; à moins que par l'usage des mets ou des breuvages trop forts, vous n'ayez émoussé les organes de votre goût, vous la mangez avec plaisir, même sans apprêt; et ne fût-elle relevée que de quelques grains de sel, mêlée au beure, elle vous paroîtra délicieuse; un peu de lard en fait un excellent ragoût. La cuisine saura de cent manières peu dispendieuses varier cet aliment sain et flatteur. Dans nos grandes villes, il est offert chaque jour sur les tables les plus splendides, aux convives les plus sensuels. Celui qui écrit ces mots, ne passe guère de jours sans se faire un modeste régal de cette nourriture savoureuse. On retire de la pomme de terre une farine trèsblanche, laquelle, mêlée avec celle de froment, donne d'assez bon pain. Voici la méthode qu'on peut employer pour faire cette farine. On prend une varlope renversée, semblable à celle des tonneliers; on promène sur la longueur de cette varlope, garnie de son fer, une espèce de petit coffret sans fond, et rempli à peu près aux trois quarts de pommes de terre; elles doivent être pelées, et recouvertes par une planche qui entre dans l'intérieur du coffre. Sur cette planche on pose un poids qui presse les pommes. La planche doit aussi être percée de plusieurs trous qui laissent un passage à l'eau qu'on y verse, pour faciliter l'opération. La chose ainsi disposée, à l'aide des deux mains, on fait aller et venir sur la varlope le coffret garni de pommes de terre. Ce qui s'en trouve rapé à chaque mouvement, tombe en bouillie, par la lumière de la varlope, dans un vase placé dessous pour le recevoir; cette bouillie, incorporée avec telle quantité qu'on veut de farine de froment ou de seigle, compose le pain de pommes de terre. La plante aime une terre meuble, légère et un peu humide. Les terres laissées en jachère peuvent |