ET QUARANTE-SEPTIEME SEMAINE DE LA SECONDE ANNÉE DE LA FEUILLE VILLAGEOISE. Jeudi 23 Août 1792. EXPOSITION Des motifs d'après lesquels l'Assemblée Nationale a proclamé la convocation d'une Convention Nationale, et pro? noncé la suspension du pouvoir exécutif entre les mains du roi. JAMAIS conspiration plus profonde et plus vaste ne fut tramée contre la liberté d'aucun peuple. Jamais événement plus mémorable n'a sauvé la liberté publique des attentats de la tyrannie. Nous avons fait voir, par le simple récit des faits et des opérations de l'assemblée nationale, combien, dans l'étonnante journée du 10 avût, elle a été grande et digne du peuple généreux qu'elle représente. Nous comptions aujourd'hui développer à nos lecteurs le fil de toute cette trame perfide, et rendre frappante à tous les esprits la nécessité des mesures extrêmes qu'a prises le corps législatif. Il vient lui-même de soumettre à la nation, à l'Europe entière, à la postérité, le compte sévère de ses motifs. Cette exposition mérite en effet de passer à la postérité la plus reculée. Le ton de simQuatrième Partie. X plicité, de dignité, de franchise qui y règne, en fera, dans la suite des siècles, un des plus beaux monumens de notre histoire. Sa longueur ne nous permet pas de la donner toute entière; d'ailleurs elle rappelle dans plusieurs de ses parties les événemens antérieurs. Nous les avons consignés dans nos Feuilles précédentes, en rendant compte des débats de l'assemblée. Pour éviter toute répétition, toute longueur, nous ne ferons que rappeler sommairement ces faits déjà connus. Nous donnerons plus d'étendue à ce qui regarde la conduite actuelle de nos législateurs, dans les circonstances difficiles où le cours irrésistible des choses les a comme précipités. A l'ouverture de la session, les émigrés rassemblés sur la frontiète ne pouvoient devenir dangereux que par leurs intelligences avec ceux de l'intérieur et avec les prêtres fanatiques. Le premier soin de l'assemblée fut de réprimer les factieux et les réfractaires. Le refus que fit le roi de sanctionner ces deux décrets, prouva que le véto, prétendu suspensif, devenoit définitif, par la manière de l'employer, et qu'il donnoit au roi le pouvoir illimité de rendre nulles toutes les mesures que le corps législatif croiroit nécessaires au maintien de la liberté. De là ces premiers soupçons qui s'élevèrent contre le pouvoir exécutif. Ils redoublèrent, lorsqu'on vit la lenteur et la mollesse que le ministère mettoit dans ses négociations avec les puissances étrangères qui se di soient alliées de la France, et qui donnoient cependant asile et secours aux émigrés armés contre elle. La ligue des rois prenoit une activité nouvelle. A la tête de cette ligue ennemie paroissoit l'empereur beau-frère du roi des Français; et dans le même temps, on s'obstinoit à ne pas rompre avec lui un traité onéreux pour nous, et l'on sacrifioit l'espérance, alors fondée, d'une alliance avec la Prusse. *L'assemblée nationale força le ministère à demander à l'empereur des explications sur sa conduite. Ces explications furent illusoires, et même injurieuses àl'indépendance et à la souveraineté nationales. L'em pereur y répétoit d'absurdes calomnies contre le corps législatif et les sociétés populaires; il protestoit de son désir de rester l'allié du roi, et il venoit de signer avec la Prusse une nouvelle ligue contre la France, en faveur de l'ancienne autorité du roi des Français. Le roi n'ayant fait donner au corps législatif aucun avis de ces ligues, de ces traités faits en son nom, l'assemblée nationale, frappée de cette connivence visible entre le cabinet des Tuileries et celui de Vienne, fut obligé de décréter d'accusation le ministre des affaires étrangères Delessart. Ses collègues disparurent avec lui, et le conseil du roi fut formé de ministres patriotes. La politique du fils de Léopold étant la même que celle de son père, et ce jeune roi ayant même déclaré qu'il y avoit entre les deux nations des griefs qui ne pouvoient être discutés avant d'avoir essayé la force des armes, l'avis unanime du conseil obligea le roi à proposer la guerre, et la guerre fut décrétée. Les hostilités du roi de Hongrie étoient évidentes; elles étoient ruineuses pour la France, en l'obligeant, en pleine paix, à se tenir sur le pied de guerre; elles étoient avilissantes pour une nation libre. Lui déclarer la guerre, ce n'étoit que la repousser, ce n'étoit que se défendre. Alors parut dans toute son évidence le projet qu'on avoit eu de nous laisser sans défense jusqu'au moment où la coalition des puissances étrangères seroit en état de nous faire la loi. Le précédent ministère avoit affirmé que tout étoit prêt pour entrer en pays ennemi; et la guerre étant déclarée, on reconnut que nous n'avions ni approvisionnemens, ni armées, ni places en état de défense. Le ministère patriote se mit bientôt en état de tout réparer; aussi fut-il promptement renvoyé, et le premier systême d'inaction fut repris, après que le roi eut de nouveau paralysé, par son véto, les mesures urgentes prises par l'assemblée pour réprimer les machinations des fanatiques, et pour former un point de défense entre Paris et les frontières. La garde de dix-huit cents hommes accordée au roi, manifestoit un incivisme audacieux. La haine de la constitution, de la liberté, de l'égalité, étoient les meilleurs titres pour y être admis. Il fallut la dissoudre. Le roi y consentit ; mais il combla publiquement d'éloges ceux qu'il avoit reconnus pour des hommes justement accusés d'être des conspirateurs, ennemis de la liberté publique. Un nouveau ministère, choisi comme si l'on eût voulu écarter du gouvernement tout reste de confiance, ne produisit que trop cet effet. Dans le péril qui paroissoit menacer la chose publique, la défiance excita bientôt l'agitation parmi le peuple. Il ne pouvoit supporter l'idée que le roi eût la volonté'et le pouvoir d'écarter d'un seul mot toutes les mesures qui pouvoient sauver l'Etat: de là ces murmures contre le véto, contre la mobilité et la mauvaise composition du ministère; de là cette fameuse pétition du 20 juin, et les désordres imprévus qui en furent la suite; désordres exagérés par ceux qui surent en tirer parti contre le peuple, dont ils calomnièrent les intentions et la conduite. Ce que firent dans cette occasion le roi, les ministres, un de nos généraux, plusieurs directoires de département, et quelques juges de paix, tant contre le peuple que contre les législateurs du parti populaire, acheva de rendre odieux le pouvoir exécutif et ses agens. Le vertueux Pétion fut puni, par une suspension injuste, d'avoir épargné le sang. La fédération approchoit; le ministère employa les voies les plus arbitraires et les plus dures pour arrêter l'élan des citoyens français qui venoient de toutes les parties de la France renouveler ce pacte solemnel. Une réunion appaxente, que l'on crut sincère et fraternelle, dans le sein du corpslégislatif, fut bientôt reconnue pour un piège tendu au patriotisme. L'assemblée nationale vit alors que le salut public exigeoit des mesures extraordinaires: elle ouvrit une discussion sur les moyens de sauver la patrie, et finit, après le plus mûrexamen, par déclarer solemnellement que la patrie étoit en danger. Dans cette crise universelle de l'Empire, l'inaction du gouvernement fut la même; les préparatifs de guerre furent aussi mauvais et aussi lents. Les ministres se succédoient rapidement; mais le ministère paroissoit toujours le même. La déclaration féroce du prince de Brunswick, qui menaçoit de la mort tous les hommes libres qui oseroient se défendre, et promettoit aux lâches et aux traîtres une honteuse protection, devoit augmenter les soupçons, puisqu'elle étoit faite en quelque sorte au nom du roi des Français, et que le roi, au lieu d'en témoigner son indignation, se bornoit à déclarer froidement que cette pièce ne lui paroissoit pas authentique. Qui donc pourroit s'étonner que la défiance contre le chef suprême du pouvoir exécutif ait inspiré aux citoyens le désir de ne plus voir les forces destinées à la défense commune, à la disposition du roi, au nom duquel la France étoit attaquée; de ne plus voir le soin de maintenir sa tranquillité intérieure confié à celui dontles intérêts étoient le prétexte de tous les troubles? A ces motifs communs à la France entière, il s'en joignoit d'autres, particuliers aux habitans de Paris. Ils voyoient les familles des conspirateurs de Coblentz former la société habituelle du roi et de sa famille. Des écrivains soudoyés par la liste civile cherchoient, par de lâches calomnies, à rendre les Parisiens odieux ou suspects au reste de la France. On essayoit de semer la division entre les citoyens pauvres et les citoyens riches; des manœuvres perfides agitoient la garde nationale ou s'occupoient d'y former un parti royaliste. Enfin les ennemis de la liberté sembloient s'être partagés entre Paris et Coblentz, ,et leur audace croissoit avec leur nombre. La constitution chargeoit le roi de notifier à l'assemblée nationale les hostilités imminentes. et il avoit fallu de longues sollicitations pour obtenir du ministère la connoissance tardive de la marché des troupes prussiennes. La constitution prononce contre le roi une abdication légale, s'il ne s'oppose point, par un acte formel, aux entreprises formées en son nom contre la nation; et les princes émigrés avoient fait des emprunts publics au nom du roi, avoient acheté en N°. 47. Seconde Année. X 3 1 |