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temps. Le dernier de cette famille des Sforce étant mort Charles-Quint s'empara du duché, qui est resté depuis à la maison d'Autriche, et qui lui appartient encore.

Pavie est après Milan la ville la plus considérable de cet état; Lodi et Cremone ont aussi de l'importance. Cette dernière est dans la partie du duche la plus voisine de celui de Mantoue, qui, après avoir eu pendant plusieurs siècles des princes particuliers, est aussi allé se fondre dans les immenses possessions de la maison d'Autriche. Mantoue, qui en est la capitale, est une des plus anciennes qui existent, puisque, selon quelques historiens, elle étoit bâtie plusieurs siècles avant Rome. Piétola, petit village près de Mantoue, et qu'on nommoit autrefois Aridès, est à jamais célèbre par la naissance du plus grand des poètes latins, de Virgile, dont les villageois ne doivent pas ignorer le nom, puisque dans ces temps reculés il a fait un beau poème sur l'agriculture.

Le Mantouan est resté à peu près tel qu'il étoit sous les anciens ducs de Gonzague; mais le Milanais a perdu plusieurs parties de son territoire, qui en ont été démembrés, soit en faveur des Suisses, soit surtout en faveur du roi de Sardaigne. Il est dans l'ordre des choses possibles qu'il soit un jour réuni tout entier aux états de ce monarque: peut-être même le temps n'est-il pas éloigné où toutes les possessions de la maison d'Autriche en Italie retourneront d'après le vœu des peuples, à des princes italiens jusqu'au moment où les peuples seront assez éclairés pour ne se donner à aucun prince, pour se constituer à la française, et, comme nous, ne reconnoître plus de souverain que la loi.

A droite du duché de Mantoue, sont ceux de Parme et de Plaisance, réunis dans un même état, qui n'a que vingt lieues de longueur, autant de largeur, et soixante de circonférence. Des montagnes de l'Apennin dont il est proche, découlent quelques rivières et une infinité de ruisseaux limpides qui le traversent pour aller se perdre dans le Pô. Quelques-unes sont navigables une partie de l'année, et le commerce en retire alors de grands avantages; mais souvent

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aussi elles y portent obstacle, parce qu'ayant la rapi dité, la mobilité des torrens, et coulant sur un terrein très-plat, elles l'inondent et interceptent les communications.

On connoît peu les révolutions qu'éprouva ce pays depuis la chute et le démembrement de l'empire romain. Les papes étant parvenus à la souveraineté temporelle, vinrent à bout de se former un état, qu'ils nommèrent état de l'église; comme si l'église qu'ils appeloient toujours sainte et universelle, pouvoit avoir en quelque lieu du monde une domination particulière et un gouvernement profane. Le duché de Parme fut compris dans cet état; Paul III, qui étoit de la famille Farnèse, et qui avoit été marié avant d'être pape, le céda en souveraineté à son fils Pierre-Louis Farnèse, sous les conditions féodales de vassalité et d'une redevance annuelle. Les descendans de ce pape ont gouverné Parme et Plaisance jusques dans ce siècle, où le dernier prince de cette famille étant mort sans enfans, la reine d'Espagne, qui étoit une Farnèse, hérita du duché, et en transporta la souveraineté à la branche de la maison de Bourbon régnante en Espagne.

Les Parmesans, sans être consultés, eurent donc pour souverains des princes espagnols, parce qu'une princesse italienne avoit épousé un roi d'Espagne : et remarquez que dans le même temps les Espagnols étoient soumis à un prince né français, parce que leur dernier roi lui avoit légué toute la monarchie espagnole, ou les lui avoit légués eux-mêmes, sans leur consentement, comme on donne par testament une terre, une maison, un meuble ou un troupeau.

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✓✓ Parme est une grande et belle ville située sur la rivière de Parma, qui lui a sans doute donné som nom; elle est assez peuplée; les habitans y sont industrieux; la campagne, fertile en blé en vins, en pâturages, ressemble à un vaste jardin bien cultivé; l'abondance des mûriers y fait de la soie un des principaux objets de commerce. La ville de Plaisance, capitale du duché réuni à celui de Parme, est fort ancienne, et paroît avoir été fondée par une Colonie romaine, dans les premiers siècles de la République; les Goths, et ensuite les différens partis, aussi barbares que les Goths et les Vandales, qui déchirèrent l'Italie après la destruction de l'empire, la prirent et reprirent, la ruinèrent, la rétablirent, la possédet, et se l'arrachèrent tour à tour pendant plusieurs siècles, jusqu'au moment où, réunie aux états du pape, elle fut donnée par lui aux Farnèses.

En parlant de cette ville et de Parme, et de toutes les autres villes des nombreux états d'Italie, je ne dis rien des palais, des monumens, des églises, des tableaux, des statues, ni de tous les chef-d'œuvres des arts qu'on y trouve en abondance; tout cela fait peu de chose pour le bonheur des villageois italiens, et doit intéresser fort peu ceux de France. La descriptión du pays, ses productions, quelques traits de son gouvernement, de son histoire et du caractère de ses habitans; voilà ce qui peut leur plaire, les instruire, et sur tout contribuer à leur bonheur, en leur apprenant à comparer le sort des autres peuples avec celui dont la révolution française les destine à jouir.

A l'orient du duché de Parme, est situé celui de Modène; la ville du même nom, qui en est la capitale, est très-ancienne, et passe pour avoir été bâtie par une Colonie romaine. Elle éprouva le même sort que les autres villes d'Italie, pendant les guerres qui signalèrent le renversement de l'empire. Les Lombards la relevèrent après l'avoir détruite. Conquise par eux, par Charlemagne, elle reprit ensuite sa liberté; mais trop foible pour la défendre contre des ennemis puissans, elle fut tour à tour soumise aux empereurs, aux papes, à la république de Venise, aux ducs de Milan, à ceux de Mantoue et de Ferrare. Les princes de la maison d'Este en acquirent enfin la souveraineté au treizième siècle, et ils la possèdent encore. Mais l'unique héritière de ces états, qui ont été agrandis à plusieurs époques, et qui forment, par leur étendue et leur richesse, un patrimoine considérable, ayant épousé un frère des deux derniers empereurs, Joseph et Léopold, ce patrimoine est destiné à se joindre avec tant d'autres, après la mort du duc actuel, à la masse énorme des possessions autrichiennes.

Voilà donc encore une souveraineté dont un mariage dispose! voilà des peuples qui seront gouvernés par une race étrangère, et qui sont donnés par contrat, comme une partie de propriété foncière! Les hommes étoient depuis si long-temps dans l'ignorance absolue de leurs droits, que cet ordre monstrueux de choses leur paroissoit naturel et juste. Maintenant, à mesure que les lumières s'étendent, et qu'ils apprennent à connoître ce que c'est qu'un peuple et ce que c'est qu'un gouvernement, cet état passif d'hommes que l'on ne consulte seulement pas avant de disposer d'eux, paroît un peu moins raisonnable. Dans quelque temps, peut-être, on aura peine à croire qu'il ait existé, que les princes se fussent ligués pour l'établir, et sur-tout que les peuples l'aient souffert.

Aux Rédacteurs de la Feuille Villageoise.

MESSIEURS,

Le curé d'Orville, qui vous aime sans vous connoître, vous prie de recevoir deux articles pour vos Feuilles si instructives.

Ils'est dévoué, comme vous, à porter les lumières dans les campagnes, et à mettre les villageois en garde contre les astuces de cette ancienne église, qui absolument ne veut pas se renouveler.

En trois mois, j'ai détruit dans ma paroisse les craintes serviles de la superstition. Mes paroissiens prient en hommes libres; au moins ils peuvent rendre compte dela manière dont ils passent le dimanche. Ils sortoient souvent de l'église, après s'être égosillés sur du latin qu'ils n'entendoient pas, et sans avoir fait une seule prière à DIEU. Nous observons l'ancien rite; mais plus de libera, plus de de profundis hurlés. Nous faisons notre prière telle que je vous l'envoie, prière qui nous tient lieu de prône, d'instruction religieuse, parce qu'elle renferme la morale civile et religieuse de tous les jours. Aprèsla messe, je les entretiens de votre Feuille, dans l'eglise, jusqu'à ce que le beau temps nous conduise sous un chêne.

Si vous voulez un tableau nouveau et riant, je crois que celui de mon maître d'école remplira vos vues; il est dans la plus exacte vérité.

Aug. COUET, curé d'Orville.

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28 Janvier 1792.

PRIÈRE

RELIGIEUSE

Des Citoyens du village d'Orville.

Dieu de bonté et de miséricorde, protège de bons villageois qui ont sans cesse besoin de tes bienfaits et de ton indulgence.

Exauce nos prières; nous ne te les faisons pas avec la froideur de l'habitude, mais avec cette sensibilité qui nous fait éprouver le besoin de t'implorer, et de ť'adorer dans les merveilles qui embellissent nos campagnes au retour du printemps.

Nous sommes sortis de cette servitude qu'un long usage du malheur et du mépris nous faisoit endurer; rends-nous dignes de laliberté, si précieuse à l'homme: le moyen de la conserver, c'est d'obéir aux lois, de payer les impôts, de ne pas endommager les propriétés, de travailler pour la prospérité de la nation, d'aimer notre roi, de respecter nos magistrats, nos juges, nos prêtres, et ces vieillards courbés sous le poids de leurs années, employées à la charrue ou à la bêche ; donne-nous ces qualités sociales et ces mœurs intègres qui conviennent aux citoyens d'un pays libre.

Mets la paix dans nos ménages, l'union dans nos familles, la probité dans nos conventions; fais que nous ne veuillions pas de mal à ceux qui te servent d'une manière différente de la nôtre; inspire-nous de bons exemples pour nos enfans; donne aux riches d'entre nous le goût de la bienfaisance, aux paresseux le zèle du travail et de l'aversion pour cette mendicité

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