vouloir être plus considéré que les autres citoyens, lors même que vous ne faites que l'acte d'un simple citoyen? Vous ne prétendez pas sans doute tromper le peuple; vous ne voulez pas, par une enveloppe extraordinaire. lui faire croire que vous n'êtes point des hommes ordinaires! C'est pourtant lui mentir; c'est l'avilir, que de multiplier à ses yeux des signes exterieurs qui lui ommandent une vénération superstitieuse. Une nation libre ne doit révérer que deux choses, la loi et la vertu. Si l'habillement particulier d'un magistrat lui attire des respects, c'est parce qu'il est le signe de la loi. Voilà pourquoi il ne le porte que lorsqu'il fait agir ou parler la loi. Que diroit-on en effet d'un maire qui iroit aux champs, au marché, au cabaret, revêtu de son écharpe? Que diroit-on d'un juge assez fou pour se couvrir dès le matin, en sortant de son lit, du chapeau à plumes dont la loi l'a décoré sur son tribunal. Nous avons connu un des ci devant grands seigneurs, bouffi de tous les vents de la vanité; son cordon bleu lui avoit tourné la tête; il ne pouvoit s'en séparer. Telle étoit sa manie, que, dans le bain même, il le portoit. II 11 en avoit fer blanc, dont il ornoit son corps tout nu au milieu de l'eau. - Eh bien, la soutane d'un prêtre, hors du temple et hors des. actes religieux, moins ridicule peut-être, est aussi déplacée. un en Ainsi, comme signe d'une corporation, comme imitation d'un corps réfractaire, comme marque de distinction, comme prétexte d'orgueil, comme moyen d'avilissement, comme instrument de fanatisme, comme signal de trouble, comine abus ridicule et dangereux, le costume ecclésiastique devoit être prohibé. Seroit-on arrêté par un faux scrupule? Craindroit-on que cettte loi ne blessât la règle ecclésiastique? Consultez les oracles de l'église; étudiez les mœurs des premiers chrétiens, et la discipline des premiers prêtres: par-tout vous verrez que l'affectation des habits singuliers est née de la corruption du régime, de l'imi tation des prêtres payens et idolâtres. Dans l'âge pri. mitif du christianisme, les ecclésiastiques célébrèrent long-temps les cérémonies, revêtus des habillemens communs. Les costumes mêmes de nos cérémonies, la chasuble, la dalmatique, l'étole, et l'aube, étoient alors des habits vulgaires. Les manteaux et les habits longs étoient un faste mondain, que réprouvoit la vraie piété. ،، Avouez-le, disoit Tertullien (1), n'êtes-vous " pas chargés plutôt que revêtus de vos robes traînan"tes? Ce n'est pas un habit, c'est un fardeau que vous " portez ». Le pape Célestin I, du petit nombre des sages pontifes qui ont honoré le patriarchat romain, écrivoit aux évêques des Gaules ces paroles remarquables : ،، Il faut nous distinguer du peuple, non par les " vêtemens, mais par la doctrine et par les mœurs. " Gardons-nous de chercher à en imposer aux yeux >> des simples par un extérieur singulier ... Dira-t-on que cet abus se fût réformé de lui-même ? Quelle réforme espérer, lorsqu'on a vu les nouveaux évêques, à peine élevés à la dignité pontificale, s'environner de tout l'attirail fastueux de l'ancien régime ? Qu'attendre de gens occupés à parer leurs têtes de mitres d'or, leurs robes de franges brillantes, leur cou d'agraffes et de chaînes précieuses, leurs doigts de diamans, et leurs pieds de souliers tissus d'or et à talons rouges ? Qu'espérer enfin, en voyant ces prélats, imitateurs fidèles de la pompe judaïque, et des usages corrompus des bateleurs ultramontains, célébrer leurs messes pontificales (1) avec l'appareil le plus indécemment magnifique, s'asseoir sur un trône qui (2) On connoît toutes les momeries insolentes dont nos anciens prélats aristocrates avoient dégradé cette cérémonie; ils ea avoient fait une véritable comédie. L'un d'eux, cardinal, et surtout très-entête de sa haute naissance, voyoit des femmes chuchotter pendant qu'il disoit une basse messe. Il se retourna; et au lieu de dire le dominus vobiscum, il leur cria tout en colère, et aussi rouge que sa calotte: Morbisu, mesdames, quand ce seroit un laquais qui vous diroit la messe!... semble rivaliser l'autel consacré à Dicu même, y attendre les génuflexions idolâtres des lévites courtisans, y'recevoir d'un cortège de prêtres leurs égaux, les services honteux que rendent aux sultans de l'Asie les plus vils de leurs esclaves (1) ? Quant à ceux qui prétendroient que cette prohibition est contraire à la liberté, c'est leur avoir répondu que d'avoir prouvé le danger des costumes ecclésiastiques (2) Quelle liberté seroit-ce que celle qui empêcheroit la société de faire les lois qui lui sont utiles (3) ? 1 7 (1) Veut-on connoître tous les abus perpétués par les nouveaux évêques, même tous ceux qui ont été créés par eux et par leurs conseils épiscopaux? Qu'on lise un écrit très-bien fait, ayant pour titre: Grande réforme à faire dans le clergé constitutionnel. (A Paris rue basse du Rempart, n°.32.) Il est de M. Tolin, ecclésiastique très-instruit et très-zélé pour la pureté du christianisme. Croiroiton qu'un conseil épiscopal a lancé un arrêt de proscription et de censure contre cet ecrit? croiroit-on qu'il a osé, contre la loi et contre la constitution, l'envoyer aux quatre-vingt-trois sièges épiscopaux? croiroit-on qu'un club patriote a eu la foiblesse de servir la haine des prêtres et leur attentat contre la liberté des opinions, en adoptant et propageant cette sentence absurde, en expulsant l'auteur de cet écrit. M. Tolin partage la gloire d'avoir annoncé Fabolition des costumes, avec M. le curé de Saint-Laurent, dont nous avons analysé l'excellent ouvrage dans notre numéro 25. Le célèbre abbé Sieyes, qui a devancé tant de sages en fait de philosophie, avoit le premier, au mois de février 1790, présenté à l'assemblée constituante un projet de décret qui prononçoit expressément cette réforme. (2) Ces mêmes mécontens qui réclament pour la liberté des costumes, tout à l'heure ils demandoient à grands cris que les Bonnets rouges fussent prohibés, comme signe de ralliement qui excitoit l'esprit de parti. Eh bien, la calotte est plus pernicieuse que le bonnet; car elle annonce une cabale vivante et une cabale éteinte. (Nous tirons cette observation heureuse d'une lettre fort intéressante, qui nous a été écrite sur ce sujet par M. Marc-Antoine Jullien, jeune patriote.) i Quels individus seroient-ce que ceux qui voudroient que le bien public ne se fit pas, plutôt qu'on les empêchât de porter un déguisement nuisible ! Enfin quels prêtres seroient-ce que ceux qui ne voudroient pas se contenter des dehors et des droits du citoyen! Sont-ce là les seules considérations qui ont déterminé le décret du 6 avril? Non, sans doute; une multitude de vues politiques conseilloient l'abolition des costumes. Par exemple, il est certain que cette abolition est une conséquence nécessaire de la liberté et de l'égalité des cultes. Si les ministres catholiques ont une distinction, pourquoi les protestans, les juifs, et tout autre prêtre n'en porteroit-il pas une autre ? Et alors quelle variété, quelle bigarrure grotesque présenteroit la société! Elle ressembleroit à une mascarade antique. Ajoutons que cette réforme est le préliminaire indispensable d'une réforme plus salutaire encore. Tant que les prêtres sont vêtus autrement que les autres citoyens, on a de la peine à concevoir qu'une jeune femme consente à leur donner la main; qu'un village s'accoutume à les voir entourés de leurs petits enfans: et cependant quel est l'ami des mœurs, de la patrie, et de l'humanité, qui ne désire voir cesser le préjugé corrupteur du célibat forcé? ASSEMBLÉE NATIONALE. Tableau de la situation des finances. L'économie, a dit un ancien, est un grand revenu. L'ordre est la base de l'économie; le calcul est la base de l'ordre. Calculons donc, et balançons ce que nous devons et ce que nous avons. Chaque partie de nos dettes doit être couverte par une ressource, par un gage particulier. On va voir que cette comparaison ne nous est pas si désavantageuse qu'on le pense, et qu'on le dit sur-tout. La dette nationale se divise en trois parties. 19. La DETTE CONSTITUÉE, soit perpétuelle, soit viagère. Consistant dans les intérêts annuels de capitaux qui ne sont point susceptibles d'être remboursés. Voici en quoi elle consiste. 76 millions 845 mille liv. 102 millions 255 mille liv. 6 millions 66 millions 25 millions 291 mille live 276 millions 391 mille liv. Le gage de ces rentes dues par la nation est fondé sur la rentrée des contributions et sur la loyauté de la nation française. L'engagement qui garantit cette dette, est sacré comme la constitution même dont il fait partie. Aucun pouvoir n'a le droit de le rompre, ou d'y manquer. 20. La DETTE EN ASSIGNATS. L'émission, au premier mars, se montoit à 1950 millions. En défalquant les assignats brûlés à cette époque, il restoit en circulation 1531 millions. Cette dette se trouve, au nom de la loi, semée dans la main du pauvre, ou accumulée dans les coffies du riche. Tout homme qui a cent sous dans sa poche, est un créancier de l'Etat. De la solidité de ce papier dépend le salut public. Il lui faut un gage connu et certain. Les biens nationaux sont ce gage. Leur total se monte à 2 milliards 244 millions; mais il en faut déduire la somme payée sur le prix de ces domaines, et qui a donné lieu au brûlement d'une somme égale en assignats. Les domaines nationaux ne présentent actuellement qu'une ressource de 1833 millions. La plus grande partie est affectée à l'hypothèque des assignats non brûlés. Le reste forme un fonds de plus de deux cents millions dont on peut disposer; mais |