Ce qu'il rieux, caustique et mordant, ou sur un ton léger, plaisant et badin; se déchaîner avec force contre le vice, ou se borner à une simple raillerie. Dans le premier cas, il doit employer un style ferme, plein et nerveux; dans le second, un style fin, agréable et enjoué; mais toujours simple, naturel et facile, parce que le style de la satyre est le plus conforme au style ordinaire. Quelque ton que prenne le poète, ses pensées doivent être vives, pressées, d'une vérité frappante, et enchaînées avec grace; ses préceptes sur-tout sages, solides, clairs et lumineux. Pour que la satyre soit un genre d'éfaut ob- crire vraiment honnête et recommandans la Sa- dable, il faut qu'elle soit générale et tyre des réglée par les bienséances. Les vices ou server mœurs. les ridicules de l'humanité doivent y être exposés dans tout leur jour par des peintures vives et naturelles, des caractères exprimés avec vérité, des portraits finis, sans que les personnes y soient nommées ou désignées. Le poète qui préconise la vertu, et qui attaque en général les mœurs corrompues, mérite les plus grands éloges. Mais celui qui veut flétrir ou humilier les personnes, est digne lui-même d'opprobre et de châtiment. L'exemple suivant, pris au hasard dans les Satyres de Boileau, fera voir de quelle manière le poète satyrique doit combattre les vices généraux de la société. Un avare idolâtre et fou de son argent, Et met toute sa gloire et son souverain bien L'un et l'autre, à mon sens, ont le cerveau troublé, Voyez encore avec quelle force de raison et quelle vigueur de style, il s'élève en général contre ces nobles orgueilleux qui, se glorifiant de leurs vains titres, et des belles actions de leurs ancêtres, traînent des jours oisifs dans le sein de la mollesse. Que sert ce vain amas d'une inutile gloire, (1) Il tenoit une académie de jeu très-fréquentée en ce temps-là. server Il ne peut rien offrir aux yeux de l'univers Montrez-nous cette ardeur qu'on vit briller en eux, Et dormir en plein champ le harnois sur le dos? Voyez de quel guerrier il vous plait de descendre Ne sert plus que de jour à votre ignominie, En vain tout fier d'un sang que vous déshonorez, Et d'un tronc fort illustre une branche pourrie. Ce qu'il Lorsque le poète satyrique s'érige en faut ob censeur des ouvrages d'esprit, il faut dans la que, dirigé par un goût sûr, il se montre Satyre des toujours sans amertume, sans passion, ouvrages sans partialité. Il est fâcheux pour la d'esprit. gloire de Boileau, ordinairement saine, qu'il se soit laissé entraîner par la prévention contre le Tasse et Quinaut. Le poète étant dans l'obligation de précautionner ses lecteurs contre le mauvais goût, doit indiquer les sources où l'on pourroit le puiser, et peut par conséquent nommer les ouvrages. Mais il s'interdira les personnalités, et ne parlera jamais des auteurs: les règles de la bienséance l'exigent. Boileau les a aussi quelquefois violées : il a pris plaisir à tourner en ridicule l'indigence de quelques écrivains médiocres de son temps; et en cela il ne doit pas être imité. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce genre de poésie. On pourra y appliquer le peu que j'ai dit de la critique dans la Rhétorique française. La satyre étoit chez les Grecs une es- Poètes sa pèce de drame qui tenoit de la tragédie tyriques. et de la comédie. Les Romains lui donnèrent la forme, le caractère, le tour qu'elle a aujourd'hui. Cette invention est due à Lucile, chevalier romain, né l'an 147 avant Jésus-Christ, dans le temps que les lettres commençoient à s'introduire en Italie: ses satyres ne nous sont point parvenues. Horace, si célèbre dans le beau siècle d'Auguste, perfectionna ce genre de poésie. Philosophe aimable et plein d'urbanité, poète ingénieux et délicat, il n'attaque les vices et les travers des hommes qu'en riant, ou en les couvrant de ridicule. Point d'aigreur, point d'emportement dans sa critique: elle est toujours douce et badine, assaisonnée du sel de la plaisanterie et de toutes les graces de l'enjouement. Il ne déchire jamais; il pique avec finesse; et les portraits qu'il fait, même dans le genre odieux, ont toujours quelque chose d'agréable. Le P. Sanadon, jésuite, est encore celui qui a le mieux traduit ses satyres, ainsi que ses autres poésies. Perse, né à Volterre dans la Toscane, l'an 34 de l'ère chrétienne, inférieur à Horace pour la grace et la délicatesse, a plus de force et de chaleur. Il montre un grand fond de raison dans ses satyres. Mais son style trop serré est bien souvent obscur. Le P. Tarteron l'a traduit; et après lui, Sélis. Juvenal, né à Aquino, ville du royaume de Naples, vers le milieu du premier siècle de l'ère chrétienne, fait, dans toutes ses satyres, une guerre ouverte au vice. Il ne cache jamais la vérité, quelque affreuse qu'elle puisse être, et ne prend pas même soin de l'envelopper. Ce sont les invectives les plus violentes, le fiel le plus âcre et le plus amer. Ce satyrique mord avec fureur son imagination brûlante emploie presque toujours l'hyperbole, et la pousse, : |