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fait parler Auguste à son favori, qui tramoit une conspiration contre lui. Tout est grand dans ce morceau; tout y est d'une simplicité sublime: il n'y a pas un seul mot à retrancher. C'est là la vraie éloquence qui convient à la tragédie. Lisez aussi le discours que Racine (tragédie de Mithridate, acte 3e, scène 1ere) met dans la bouche du roi de Pont, faisant part à ses enfans de son dessein d'aller attaquer les Romains dans Rome même. Il est admirable par la grandeur des sentimens, et par la richesse de l'élocution.

Je peux certainement mettre à côté des beaux exemples que je viens d'indiquer, la scène2° de l'acte2° de la tragédie de Rhadamisthe par Crébillon. Elle se passe entre Pharasmane, roi d'Ibérie, qui méditoit la conquête de l'Arménie, dont son fils Rhadamisthe, qu'on croyoit mort après une longue absence, étoit souverain. Les Romains qui vouloient donner un roi à cette province, avoient envoyé un ambassadeur à Pharasmane pour le lui déclarer. Cet ambasssadeur étoit Rhadamisthe lui-même, que son père ne reconnoissoit pas, parce qu'il ne l'avoit point vu depuis sa plus tendre enfance.

Les descriptions font un très-bel effet dans la tragédie. Mais il faut qu'elles soient liées au sujet, qu'elles y soient même nécessaires, et toujours dictées

par le sentiment ou la passion. Un personnage qui décrit un objet, doit avoir un grand intérêt à le faire. On peut voir la description que fait Bérénice (tragédie de ce nom par Racine, acte 1o, scène 5o), et celle que fait Andromaque de la prise de Troie (tragédie du même auteur, acte 3e, scène 8).

Les narrations que fait le poète, pour instruire le spectateur de ce qui s'est passé avant l'action, peuvent servir d'ornement dans la tragédie. C'est pourquoi le style doit en être riche, brillant, animé, et sur-tout pathétique. Je peux proposer pour modèle celle d'Idoménée (tragédie de ce nom par Crébillon, acte jer, scène 2o).

Le dialogue est une partie du poème dramatique, sans la perfection de laquelle une tragédie ne peut être vraiment intéressante. Les personnages n'attachent le spectateur, qu'autant qu'ils se répondent à propos, directement et avec justesse. Le poète ne doit donc se permettre aucune négligence dans cette partie. Il faut, comme je l'ai déjà dit, qu'il lise sans cesse les meilleures pièces de Corneille, celles de Racine et de nos autres bons tragiques.Corneille sur-tout offre les meilleurs exemples en ce genre dans le plus grand nombre des scènes de ses bonnes tragédies. Voyez dans le 2o acte d'Horace, la 3 scène, où Curiace venant d'ap

prendre qu'il a été nommé avec ses deux frères pour le combat, maudit ce fatal honneur qui l'oblige de s'armer contre son beau-frère et son ami. C'est un chefd'oeuvre, autant par le sublime des sentimens que par la beauté du dialogue. Remarquez, après ces vers d'Horace:

Rome a choisi mon bras; je n'examine rien.
Avec une allégresse aussi pleine et sincère
Que j'épousai la sœur, je combattrai le frère;
Et pour trancher enfin ces discours superflus,
Albe vous a nommé ; je ne vous connois plus:

ceite réponse de Curiace :

Je vous connois encore ; et c'est ce qui me tue.

A ces mots, dit Voltaire, on se récria d'admiration: on n'avoit jamais rien vu de si sublime. Il n'y a pas dans Longin un seul exemple d'une pareille grandeur. Ce sont ces traits qui ont mérité à Corneille le nom de grand, non-seulement pour le distinguer de son frère, mais du reste des hommes.

Veut-on un dialogue vif, pressant et qui entraîne? on en trouvera un des plus parfaits modèles dans la tragédie de Polieucte du même poète (acte 2o, scène 6o).

Racine est en général trop tendre, trop élégant, trop riche en expressions, pour avoir aussi fréquemment que Corneille des traits de repartie et de réplique en un seul vers, en deux ou trois mots. L'endroit où il me paroît avoir le mieux

imité cette vivacité si prompte, cette chaleur rapide, qui anime les morceaux bien dialogués de Corneille, est dans l'acte 3 de Britannicus, la scène 8, où Néron vient de surprendre ce jeune prince aux pieds de Junie.

Quant au monologue, il faut se rappeler qu'il doit toujours être dans la tragédie un combat du cœur. On veut absolument que le spectateur s'intéresse à celui qui parle, et que les passions de ce personnage, ses vertus, ses malheurs, ses foiblesses, fassent dans son ame un combat noble, attachant et animé : sans ces conditions on ne lui pardonnera pas de parler à lui-même ; et le monologue ne fera jamais un bon effet. Je n'en connois pas de plus beau ni de plus propre à confirmer ce précepte, que celui d'Aganemnon, que j'ai rapporté dans l'analyse de la tragédie d'Iphigénie en Aulide.

nérales de

Tout ce que j'ai dit, soit dans cet ar- Récapituticle, soit dans celui du poème dramati- lation des que, peut, je crois, donner une notion règles gésuffisante de l'art et du mérite de la tra- la tragégédie. Voici en peu de mots à quoi ils se die. réduisent et en quoi ils consistent. Ce sont les propres paroles de Voltaire, dont je vais me servir.

Créer un sujet, dit-il; inventer un noeud et un dénouement; donner à chaque personnage son caractère, et le soutenir; faire en sorte qu'aucun d'eux ne

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paroisse et ne sorte sans une raison sentië de tous les spectateurs; ne laisser jamais le théâtre vide; faire dire à chacun ce qu'il doit dire, avec noblesse sans enflure, avec simplicité sans bassesse; faire de beaux vers qui ne sentent point le poète, et tels que le personnage auroit dû en faire s'il parloit en vers : c'est-là une partie des devoirs que tout auteur d'une tragédie doit remplir..... Il faut tenir le cœur des hommes dans sa main; il faut arracher des larmes aux spectateurs les plus insensibles, il faut déchirer les ames les plus dures. Sans la terreur et sans la pitié, point de tragédie; et quand vous auriez excité cette pitié et cette terreur, si avec ces avantages vous avez manqué aux autres lois, si vos vers ne sont pas excellens, vous n'êtes qu'un médiocre écrivain, qui avez traité un sujet heureux.... Resserrer un événement illustre et intéressant dans l'espace de trois heures; ne faire paroître les personnages que quand ils doivent venir; former une intrigue aussi vraisemblable qu'attachante; ne rien dire d'inutile; instruire l'esprit et remuer le coeur; être toujours éloquent en vers, et de l'éloquence propre à chaque caractère que l'on représente; parler sa langue avec autant de pureté que dans la prose la plus châtiée, sans que la contrainte de la rime paroisse gêner les pensées; ne se pas permettre

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