pagnons, du mauvais exemple qu'ils leur avoient donné par leur fuite, par leurs vols, &c. après quoi je dis la fainte Meffe en action de graces. Ils y affifterent avec d'autant plus de plaifir & de dévotion, que plufieurs d'entr'eux ne l'avoient pas entendue depuis quinze ou vingt ans ; & lorfqu'elle fut finie, je les préfentai à M. le Gouver neur, qui confirma le pardon que je leur avois promis de fa part: enfuite on les remit à leurs maîtres refpectifs. On dépêcha auffi-tôt un nombreux détachement pour aller faire le dégât dans leurs plantations, & pour tâcher de prendre ou tuer ceux qui refteroient, s'ils ne fe rendoient pas volontairement; mais une maladie qui fe mit dans la troupe, auffi-tôt qu'elle arriva sur les lieux, fit échouer cette opération : en forte que ceux que j'avois laiffés au nombre feulement de dix-fept, tant grands que petits, foit hommes ou femmes, & qui m'avoient fait dire qu'ils viendroient bientôt après moi, n'ont pas tenu parole, & font encore dans les bois. Il s'y en eft même joint quelques autres depuis ce temps-là. Si le nombre augmentoit à un certain point, ce feroit un très-grand malheur pour cette colo nie. Mais les fages mefures que nos Meffieurs prennent pour l'empêcher, paroiffent nous mettre à couvert d'un tel défordre. Je vous prie cependant, mon Révérend Pere, de joindre vos vœux aux nôtres pour obtenir cette grace du Ciel. Je fuis, &c. LETTRE Du Pere Ferreira, Miffionnaire Apoftolique à Connani, á Monfieur * A Connany, ce 22 Février 1778. MONSIEUR, J'ai reçu jeudi dernier, dix-neuf du préfent, la lettre que vous m'avez écrite. Ce jour-là même j'eus un accès de fievre, & un fecond trois jours après, qui m'obligea de me mettre au lit, & de prendre le lendemain un vomitif: le Pere Padilla en fit autant, attaqué luimême d'une fievre tierce depuis quinze jours, qui eft dégénérée en fievre quarte; cette fievre, qui ne l'a point quitté jufqu'à préfent, l'a extraordinairement af foibli. Il me charge de vous dire bien des chofes, & vous prie, ainfi que moi, de préfenter nos refpects à Monfeigneur le Préfet, à la lettre duquel nous n'avons pu répondre, tant à caufe de notre fituation actuelle , que parce que le temps néceffaire nous a manqué. Nous lui avions déja écrit d'Oyapoc par le Capitaine qui nous a conduit ici. Que vous dirai-je de notre état actuel? Nous habitons dans un petit carbet, où nous fommes expofés à toutes les injures de l'air; la pluie & le vent y pénetrent, & nous fommes d'autant plus fenfibles à cette incommodité, que nous avons plus à fouffrir du côté de la fanté, & que nous fommes moins dans le cas d'y remédier pour le préfent. Je paffe fous filence tous les autres défagrémens inféparables de la carriere dans laquelle nous ne faifons que d'entrer, & qui nous font adorer en filence les décrets d'un Dieu qui confole dans les tribulations, & qui n'humilie fes Minif tres que pour les rendre plus actifs, & plus propres à fes deffeins. Nous lui fommes déja redevables de la fatisfaction que nous avons d'être parmi les Indiens, prefque tous déferteurs du Portugal, qui ont eu le bonheur d'être inftruits dès leur enfance des principes de la Religion. Il eft vrai que, par le défaut de Miffionnaires, ces premieres femences de l'Evangile font restées incultes parmi eux; mais ils nous témoignent la plus grande joie d'être à même aujourd'hui de mettre en pratique ce qu'ils ont appris dans leur jeuneffe; ils viennent à nous avec empreffement, & confentent volontiers à conftruire leurs carbets autour de nous & à former une bourgade; nous en attendons inceffamment quinze ou feize familles. Nous avons déja baptifé quinze petits enfans & beaucoup d'autres nous feront préfentés lorfqu'un temps moins pluvieux permettra aux parens de remonter de l'embouchure des rivieres appellées Maribanaré & Macari. y a même des adultes qui demandent le baptême, que nous ne pouvons leur accorder que dans un cas de néceffité, parce qu'ils ne font pas fuffifamment inftruits nous fçavons là-deffus l'inten tion de Notre Seigneur; il a dit à fes premiers Miniftres: Allez, enfeignez : baptifez; mais ce qui nous caufe beaucoup d'embarras, ce font les mariages, ou plutôt le concubinage de nombre d'Indiens du Para, où ils ont laiffé leurs femmes,& réciproquement des Indiennes leurs maris qui ont formé d'autres alliances ici, & ont même des enfans de leur commerce criminel, fouvent avec plufieurs, quelques-uns même avec leurs parentes. Il y en a d'autres qui, quoique Chrétiens, ont contracté avec des infidelles, & des fidelles avec des Indiens. payens. Nous avons déja la promeffe de quelques-uns de ceux qui n'ont qu'une concubine, de faire, en face de l'Eglife, ce que nous leur prefcrirons à cet égard. Ce font ces fortes de mariages, mon cher confrere, qui nous mettent dans le cas de recourir au Pere des lumieres; nous vous prions de les demander également pour nous. Après vous avoir expofé l'état de notre Miffion quant au fpirituel, je vous dirai, pour ce qui concerne le temporel, que nous avons à notre service une très-bonne Blanchiffeuse Indienne, & fon fils âgé de 20 ans, dont nous fommes on ne peut pas plus contens ; il eft industrieux, fidele, laborieux, nous fait bonne cuisine, & fert bien la Meffe. Il fut jadis domeftique d'un Prêtre Miffionnaire parmi les Indiens du Para. Nous avons en outre deux enfans d'onze à douze ans, deux chaffeurs & deux Pêcheurs. Moyennant une certaine |