pices & fous la protection de NotreDame de Lorette, dont nous portions avec nous l'image. Cette étoile de la mer nous conduifit heureufement au port avec tous les gens qui nous accom pagnoient. Auffi-tôt que nous eûmes mis pied à terre, nous plaçâmes l'image de la fainte Vierge au lieu le plus décent que nous trouvâmes; &, après l'avoir ornée autant que notre pauvreté nous le put permettre, nous priâmes cette puiffante avocate de nous être auffi favorable fur terre qu'elle nous l'avoit été fur mer. Le Démon que nous allions inquié ter dans la paifible poffeffion où il étoit depuis tant de fiécles, fit tous fes efforts pour traverfer notre entreprise, & pour nous empêcher de réuffir. Les peuples chez qui nous abordâmes, ne pouvant être informés du deffein que nous avions de les retirer des profondes ténebres de l'idolâtrie où ils font enfevelis, & de travailler à leur falut éternel, parce qu'ils ne fçavoient pas notre langue, & qu'il n'y avoit, parmi nous, perfonne qui eût aucune connoiffance de la leur, s'imaginerent que nous ne venions dans leur pays, que pour leur enlever la pêche des perles, comme d'autres avoient paru vouloir le faire plus d'une fois au temps paffé. Dans cette penfée, ils prirent les armes, & vinrent par troupes à notre habitation, où il n'y avoit alors qu'un très-petit nombre d'Espagnols. La violence avec laquelle ils nous attaquerent, & la multitude de fleches & de pierres qu'ils nous jetterent fut fi grande, que c'étoit fait de nous infailliblement, fi la fainte Vierge qui nous tenoit lieu d'une armée rangée en bataille, ne nous eût protégés. Les gens qui fe trouverent avec nous, aidés du fecours d'enhaut, foutinrent vigoureufement l'attaque, & repoufferent les ennemis avec tant de fuccès, qu'on les vit bientôt prendre la fuite. Les Barbares, devenus plus traitables par leur défaite, & voyant d'ailleurs qu'ils ne gagneroient rien fur nous par la force, nous députerent quelques-uns d'entr'eux; nous les reçûmes avec amitié; nous apprîmes bientôt affez de leur langue, pour leur faire concevoir ce qui nous avoit portés à venir en leur pays. Ces députés détromperent leurs compatriotes de l'erreur où ils étoient; de forte que, perfuadés de nos bonnes intentions, ils revinrent nous trouver en plus grand nombre, & nous marquerent tous de la joie de voir que nous fouhaitions les inftruire de notre fainte Religion, & leur apprendre le chemin du Ciel. De fi heureufes difpofitions nous animerent à apprendre à fond la langue Monqui, qu'on parle en ce pays-là. Deux ans entiers fe pafferent partie à étudier & partie à catéchifer ces peuples. Le Pere de Salvatierra fe chargea d'inftruire les adultes, & moi les enfans. L'affiduité de cette jeuneffe à venir nous entendre parler de Dieu, & fon application à apprendre la doctrine chrétienne fat fi grande, qu'elle fe trouva en peu de temps parfaitement inftruite. Plufieurs me demanderent le faint baptême, mais avec tant de larmes & de fi grandes inftances, que je ne crus pas devoir le leur refufer. Quelques malades & quelques vieillards, qui nous parurent fuffifamment inftruits, le reçurent auffi, dans la crainte où nous étions qu'ils ne mouruffent fans baptême. Et nous avons lieu de croire que la Providence n'avoit prolongé les jours à plufieurs d'entr'eux, que pour leur ménager ce moment de falut. Il y eut encore environ cinquante enfans à la mammelle, qui, des bras de leurs meres, s'envolerent au Ciel, après avoir été régénérés en Jesus-Christ. . Après avoir travaillé à l'inftruction de ces peuples, nous fongeâmes à en découvrir d'autres à qui nous puffions également nous rendre utiles. Pour le faire avec plus de fruit, nous voulûmes bien, le Pere de Salvatierra & moi, nous féparer, & nous priver de la fatisfaction que nous avions de vivre & de travailler ensemble. Il prit la route du nord, & je pris celle du midi & de l'occident. Nous eûmes beaucoup de confolation dans ces courfes Apoftoliques car, comme nous fçavions bien : la langue, & que les Indiens avoient pris en nous une véritable confiance, ils nous invitoient eux-mêmes à entrer dans leurs villages, & fe faifoient un plaifir de nous y recevoir & de nous y amener leurs enfans. Les premiers étant inftruits, nous allions en chercher d'autres, à qui fucceffivement nous enfeignions les Myfteres de notre Religion. C'eft ainfi que le Pere de Salvatierra découvrit peu à peu toutes les habitations qui compofent aujourd'hui la Miffion de Lorette-Concho & celle de faint Jean de Londo: & moi tous le pays qu'on appelle à préfent la Miffion de |