ont été jufqu'à préfent abandonnés. Je fuis, &c. A Guadalaxara, le zo de Février de l'année 1702. ABRÉGÉ D'UNE RELATION ESPAGNOLE; De la vie & de la mort du Pere Cyprien Baraze, de la Compagnie de Jefus, & Fondateur de la Miffion des Moxes dans le Pérou; imprimée à Lima par ordre de Monfeigneur Urbain de Matha, Evêque de la ville de la Paix. ON entend par la Miffion des Moxes un affemblage de plufieurs différentes Nations d'infideles de l'Amérique, à qui on a donné ce nom, parce qu'en effet la Nation des Moxes eft la premiere de celles-là qui ait reçu la lumiere de l'Evangile. Ces peuples habitent un pays immenfe, qui fe découvre à mefure qu'en quittant Sainte-Croix de la Sierra, on côtoye une longue chaîne de montagnes efcarpées qui vont du fud au nord. I eft fitué dans la Zone torride, & s'étend depuis dix jufqu'à 15 degrés de latitude méridionale. On en ignore entiérement les limites, & tout ce qu'on en a pu dire jufqu'ici, n'a pour fondement que quelques conjectures, fur lefquelles on ne peut gueres compter. Cette vafte étendue de terre paroît une plaine affez unie: mais elle eft prefque toujours inondée, faute d'iffue pour faire écouler les eaux. Ces eaux s'y amaffent en abondance par les pluies fréquentes, par les torrens qui defcendent des montagnes, & par le débordement des rivieres. Pendant plus de quatre mois de l'année, ces peuples ne peuvent avoir de communication entr'eux, car la néceffité où ils font de chercher des hauteurs pour se mettre à couvert de l'inondation, fait que leurs cabanes font fort éloignées les unes des autres. Outre cette incommodité, ils ont encore celle du climat dont l'ardeur eft exceffive: ce n'eft pas qu'il ne foit tempéré de temps en temps, en partie par l'abondance des pluies & l'inondation des rivieres, en partie par le vent du nord qui y fouffle prefque toute l'année. Mais d'autres fois le vent du fud qui vient du côté des montagnes couvertes de neige, fe déchaîne avec tant d'impétuofité, & remplit l'air d'un froid fi piquant, que ces peuples prefque nuds & d'ailleurs mal nourris, n'ont pas la force de foutenir ce dérangement fubit des faifons, fur-tout lorfqu'il eft accompagné des inondations, dont je viens de parler, qui font prefque toujours fuivies de la famine & de la pefte; ce qui caufe une grande mortalité dans tout le Pays. Les ardeurs d'un climat brûlant, jointes à l'humidité prefque continuelle de la terre, produifent une grande quantité de ferpens, de viperes, de fourmis, de mofquites, de punaifes volantes, & une infinité d'autres infectes, qui ne donnent pas un moment de repos. Cette même humidité rend le terroir fi ftérile, qu'il ne peut porter ni bled, ni vignes, ni aucun des arbres fruitiers qu'on cultive en Europe. C'est ce qui fait auffi que les bêtes à laine ne peuvent y fubfifter: il n'en eft pas de même des taureaux & des vaches; on a éprouvé dans la fuite des temps, lorfqu'on en a peuplé le pays, qu'ils y vivoient,& qu'ils y multiplioient, comme dans le Pérou. Les Moxes ne vivent gueres que la pêche & de quelques racines que de le pays produit en abondance. Il y a de cere tains temps où le froid eft fi âpre, qu'il fait mourir une partie du poiffon dans les rivieres: les bords en font quelquefois tout infectés. C'eft alors que les Indiens courent avec précipitation fur le rivage pour en faire leur provifion; & quelque chofe qu'on leur dife pour les détourner de manger ces poiffons à demi pourris, ils répondent froidement que le feu raccommodera tout. Ils font pourtant obligés de fe retirer fur les montagnes une bonne partie de l'année, & d'y vivre de la chaffe. On trouve fur ces montagnes une infinité d'ours de léopards, de tigres, de chevres, de porcs fauvages, & quantité d'autres animaux tout à fait inconnus en Europe. On y voit auffi différentes efpeces de finges. La chair de cet animal, quand elle est boucannée, eft pour les Indiens un mets délicieux. Ce qu'ils racontent d'un animal, appellé Ocorome, eft affez fingulier. Il est de la grandeur d'un gros chien; fon poil eft roux, fon museau pointu, fes dents fort affilées. S'il trouve un Indien défarmé, il l'attaque & le jette par terre, fans pourtant lui faire de mal, pourvu que l'Indien ait la précaution de contrefaire le mort, Alors l'ocorome remue PIndien, tâte avec foin toutes les parties de fon corps, & fe perfuadant qu'il eft mort effectivement, comme il le paroît, il le couvre de paille & de feuillages, & s'enfonce dans le bois le plus épais de la montagne. L'Indien échapé de ce danger, fe releve auffi-tôt, & grimpe fur quelque arbre, d'où il voit revenir peu après Pocorome accompagné d'un tigre qu'il femble avoir invité au partage de fa proie; mais ne la trouvant plus, il pouffe d'affreux hurlemens en regardant fon camarade, comme s'il vouloit lui 'témoigner la douleur qu'il a de l'avoir trompé. Il n'y a parmi les Moxes ni loix, ni gouvernement, ni police; on n'y voit perfonne qui commande ni qui obéiffe; s'il furvient quelque différend parmi eux, chaque particulier fe fait juftice par fes mains. Comme la ftérilité du pays les oblige à fe difperfer dans diverfes contrées, afin d'y trouver de quoi fubfifter, leur converfion devient par-là très-difficile, & c'eft un des plus grands obftacles que les Miffionnaires aient à furmonter. Ils bâtiffent des cabanes fort baffes dans les lieux qu'ils ont choifist pour leur retraite, & chaque cabane eft habitée par ceux de la même famille. Ils |