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la marque et le caractère de l'intelligence. » Dans le livre que je lis, une bonne pensée me rapporte, comme le fera chaque vérité, et me remet sous les yeux l'image de l'àme entière. La même âme devient une épée qui discerne, sépare les mauvaises pensées que je trouve dans ce même livre et les émonde. Nous sommes plus sages que nous ne le pensons. Si nous n'intervenions pas dans notre pensée, si nous agissions simplement, si nous savions voir comment les choses existent toutes en Dieu, alors nous n'aurions pas de peine à comprendre les choses particulières, aucun objet, aucun homme. Car le Créateur des choses et des personnes se tient debout derrière nous et jette sa terrible omniscience au-dessus de nous et au-dessus de tous les objets.

Mais outre cette reconnaissance subite d'elle-même dans les différents passages de l'expérience individuelle, l'âme révèle aussi la vérité. Ici nous chercherons à nous fortifier par sa présence et à parler de cet événement d'un ton plus digne et plus haut. Car la révélation de la vérité par l'âme est le plus haut événement de la nature, parce qu'alors elle ne nous donne plus seulement quelques parties d'elle-même, mais se donne elle-même tont entière, passe dans l'homme qu'elle illumine et devient cet homme lui-même, car elle l'attire à elle en proportion de la vérité qu'il reçoit.

Nous désignons les mouvements qui annoncent l'âme, les manifestations de sa nature sous le nom de révélations. Ces révélations sont toujours accompagnées de l'émanation du sublime. Car cette communication est une inondation de l'esprit divin dans notre esprit. Notre esprit n'est que le cours d'un petit ruisseau particulier, avant d'être grossi par les vagues de la mer de la vie. Chaque appréhension distincte de ce commandement qui part du centre du monde agite les hommes, de plaisir et de respect. A la réception d'une nouvelle vérité ou à

l'accomplissement d'une grande action, un frissonnement passe à travers tous les hommes. Dans ces communications, la puissance de voir n'est pas séparée de la volonté d'agir, mais l'intuition provient de l'obéissance et l'obéissance d'une joyeuse intuition. Chacun des instants où l'individu se sent envahi par ces intuitions est mémorable. Un certain enthousiasme accompagne toujours, grâce à la nécessité de notre constitution la connaissance individuelle de cette divine présence. Le caractère et la durée de cet enthousiasme varient avec l'état de l'individu, depuis l'extase, le transport et l'inspiration prophétique qui sont ses apparitions les plus rares, jusqu'au plus faible rayonnement de l'émotion vertueuse sous laquelle forme il échauffe, semblable à nos feux domestiques, toutes les familles et toutes les associations d'hommes et rend la société possible. Une certaine tendance à la folie a toujours accompagné les premiers moments où le sens religieux s'ouvre en l'homme, comme si l'excès de lumière devait l'éblouir. Les transports de Socrate, l'union de Plotin, la vision de Porphyre, la conversion de Paul, l'Aurore de Boehme, les convulsions de Georges Fox et de ses quakers, l'illumination de Swedenborg sont de cet ordre. Ce qui, dans le cas particulier à ces remarquables personnes fut un ravissement, s'est souvent manifesté d'une manière moins frappante dans d'innombrables exemples de la vie commune. Partout l'histoire de la religion trahit une tendance à l'enthousiasme. Le ravissement des moraves et des quiétistes, la pénétration du sens intérieur du Verbe dans le langage de l'Église de la nouvelle Jérusalem, les revivals des églises calvinistes, les expériences des méthodistes ne sont que les formes variées de ce frissonnement de respect et de plaisir qu'éprouve toujours l'âme individuelle, lorsqu'elle est sur le point de se confondre avec l'àme universelle.

La nature de ces révélations est toujours la même;

ciles sont toujours les perceptions de la loi absolue. Elles sont les solutions des questions particulières à l'âme. Elles ne répondent pas aux questions que pose l'entendement. L'âme ne répond jamais par des mots, mais répond en montrant la chose même dont on s'informe.

La révélation est la subite découverte de l'âme. La notion populaire de la révélation, c'est la bonne aventure. Dans les oracles passés de l'âme, l'entendement cherche à trouver des réponses à ses questions sensuelles, et entreprend de forcer Dieu à nous dire combien de temps les hommes existeront, ce qu'ils feront, quelle sera leur société, quels seront même leurs noms, leur pays et la date de leur naissance. Mais nous devons réprimer cette basse curiosité, et ne pas essayer de voir par le trou des serrures. Une réponse en paroles est trompeuse, il n'y a réellement pas de réponse pour les questions que vous posez. Ne demandez pas qu'on vous fasse une description des contrées vers lesquelles vous vous dirigez. La description ne vous les représentera pas; demain vous aborderez sur leurs rives et vous les connaîtrez en les habitant. Les hommes parlent de l'immortalité de l'âme, du bonheur céleste, de l'état du pécheur et d'autres choses analogues. Ils rêvent même que Jésus a laissé des réponses, précisément sur ces questions-là. Mais jamais, même un instant, ce sublime esprit n'a parlé leur patois'. L'idée de l'immutabilité est essentiellement associée à la vérité, à la justice, à l'amour, à tous les attributs de l'âme. Jésus, vivant dans ces sentiments moraux, sans souci de la fortune sensuelle, ne s'inquiétant que des manifestations de ces vertus, n'a jamais séparé l'idée de durée de l'essence de ces attributs, n'a jamais prononcé une syllabe touchant la durée de l'âme.

Patois; ce mot se trouve en français dans l'original.

Il fut donné à ses disciples de séparer l'idée de durée, des éléments moraux, d'enseigner l'immortalité de l'àme comme une doctrine, et de la prouver. Mais dès le moment où cette doctrine de l'immortalité était enseignée séparément, l'homme était déjà tombé d'un degré. Pendant le temps de l'amour, dans l'adoration de l'humilité, il n'est pas question de durée. Aucun homme inspiré ne se pose ces questions et ne s'abaisse jusqu'à ces preuves. L'âme est vraie avec elle-même, l'homme dans lequel elle est répandue ne peut s'écarter du présent qui est infini pour aller chercher un futur qui serait fini.

Ces questions, que nous avons l'ambition de poser au sujet de l'avenir, sont un aveu du péché. Dieu n'a point de réponse pour elles. Aucune réponse en paroles ne peut répondre à une question posée par les choses. Ce n'est pas un décret arbitraire de Dieu, mais la nature de l'homme elle-même qui jette un voile sur les faits de demain; car l'âme n'a à nous donner à déchiffrer aucun autre problème que celui de la cause et de l'effet. Grâce à ce voile qui couvre les événements, elle enseigne aux enfants des hommes à vivre dans le jour présent. La seule manière d'obtenir une réponse à ces questions est d'abandonner toute basse curiosité, de nous laisser emporter par les flots du temps qui nous entraînent dans les secrètes profondeurs de la nature, de travailler et de vivre, de vivre et de travailler encore, et alors, insensiblement, l'âme en avançant se trouve avoir formé pour elle une nouvelle condition; et les questions et les réponses à ces questions ne forment plus qu'une seule et même chose.

Ainsi c'est l'âme qui perçoit et révèle la vérité. A la clarté de cette flamme sereine, impersonnelle, parfaite, qui brille jusqu'à ce qu'elle dissolve toutes les choses dans les vagues et les lames d'un océan de lumière, nous

nous voyons et nous nous connaissons les uns les autres, nous comprenons quel esprit chacun de nous possède. Qui donc peut montrer les fondements de sa connaissance du caractère de certains individus dans son cercle d'amis? aucun homme ne le peut. Cependant leurs actes et leurs paroles ne peuvent parvenir à nous donner le change. Quoique nous ne sachions rien de mauvais sur son compte, nous ne nous confierons pas à l'homme que voilà. Des signes authentiques, au contraire, se sont manifestés pour nous indiquer que nous pouvions nous confier à cet autre, que son caractère est digne de notre intérêt, bien que nous l'ayons rarement rencontré. Nous nous connaissons parfaitement les uns les autres, nous comprenons lesquelles d'entre nos actions ont été en rapport avec notre caractère, nous comprenons si ce que nous enseignons ou contemplons n'est qu'une inspiration ou est en outre un honnête effort.

Tous nous sommmes d'excellents juges des esprits. C'est notre vie et notre puissance spontanée qui possèdent cette diagnostique et non pas notre entendement. Tout ce qui compose la société, son commerce, sa religion, ses amitiés, ses querelles, n'est qu'une immense investigation judiciaire du caractère. En pleine cour d'assises ou en petit comité, ou encore par la simple confrontation de l'accusateur et de l'accusé, tous les hommes se présentent pour être jugés. Malgré leur volonté, ils laissent voir ces bagatelles qui nous aident à lire dans le caractère. Mais qui juge et que jugeons-nous? Ce n'est pas notre entendement qui juge. Ce n'est pas parla ruse ni par la science que nous lisons dans les caractères. Non, la sagesse de l'homme sage consiste en ceci qu'il ne juge pas les hommes, qu'il les laisse se juger euxmêmes, et se contente ensuite de lire et d'exprimer le verdict qu'ils ont porté sur eux-mêmes.

La volonté privée est ainsi anéantie par la vertu de

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