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125

V69

V.3

DE LOUIS XIV.

CHAPITRE XXΙΧ.

Gouvernement intérieur. Justice. Commerce. Police. Lois. Discipline militaire. Marine, etc.

On doit cette justice aux hommes publics qui ont

fait du bien à leur siecle, de regarder le point d'où ils sont partis, pour mieux voir les changements qu'ils ont faits dans leur patrie. La postérité leur doit une éternelle reconnaissance des exemples qu'ils ont donnés, lors même qu'ils sont surpassés : cette juste gloire est leur unique récompense. Il est certain que l'amour de cette gloire anima Louis XIV, lorsque, commençant à gouverner par luimême, il voulut réformer son royaume, embellir sa cour, et perfectionner les arts.

Non seulement il s'imposa la loi de travailler régulièrement avec chacun de ses ministres, mais tout homme connu pouvait obtenir de lui une audience particuliere, et tout citoyen avait la liberté de lui présenter des requêtes et des projets. Les placets étaient reçus d'abord paran maître des requêtesqui les rendait apostillés; ils furent dans la suite renvoyés aux bureaux des ministres. Les projets étaient examinés dans le conseil, quand ils méritaient de l'être; et leurs auteurs furent admis plus S. DE LOUIS XIV. 3.

I

d'une fois à discuter leurs propositions avec les ministres, en présence du roi. Ainsi on vit entre le trône et la nation une correspondance qui subsista malgré le pouvoir absolu.

Louis XIV se forma et s'accoutuma lui-même au travail; et ce travail était d'autant plus pénible qu'il était nouveau pour lui, et que la séduction des plaisirs pouvait aisément le distraire. Il écrivit les premieres dépêches à ses ambassadeurs : les lettres les plus importantes furent souvent depuis minutées de sa main; et il n'y en eut aucune écrite en son nom qu'il ne se fit lire.

A peine Colbert, après la chûte de Fouquet, eutil rétabli l'ordre dans les finances, que le roi remit aux peuples tout ce qui était dû d'impôts, depuis 1647 jusqu'en 1656, et sur-tout trois millions de tailles. On abolit pour cinq cents mille écus par an de droits onéreux. Ainsi l'abbé de Choisi paraît ou bien mal instruit, ou bien injuste, quand il dit qu'on ne diminua point la recette: il est certain qu'elle fut diminuée par ces remises, et augmentée par le bon ordre.

Les soins du premier président de Bellievre, aidés des libéralités de la duchesse d'Aiguillon, de plusieurs citoyens, avaient établi l'hôpital - général : le roi l'augmenta, et en fit élever dans toutes les villes principales du royaume.

Les grands chemine jusqu'alors impraticables, ne furent plus négligés, et peu-à-peu devinrent ce qu'ils sont aujourd'hui sous Louis XV, l'admiration des étrangers. De quelque côté qu'on sorte de Paris, on voyage à présent environ cinquante à soixante lienes, à quelques endroits près, dans des allées fermes, bordées d'arbres. Les chemins construits par les anciens Romains étaient plus durables, mais non pas si spacieux et si beaux.

Le génie de Colbert se tourna principalement vers le commerce, qui était faiblement cultivé, et dont les grands principes n'étaient pas connus. Les Anglais, et encore plus les Hollandais, faisaient par leurs vaisseaux presque tout le commerce de la France: les Hollandais sur-tout chargeaient dans nos ports nos denrées, et les distribuaient dans l'Europe. Le roi commença, dès 1662, à exempter ses sujets d'une imposition nommée le droit de fret, que payaient tous les vaisseaux étrangers; et il donna aux Français toutes les facilités de transporter eux-mêmes leurs marchandises à moins de frais. Alors le commerce maritime naquit; le conseil de commerce, qui subsiste aujourd'hui, fut établi, et le roi y présidait tous les quinze jours.

Les ports de Dunkerque et de Marseille furent déclarés francs; et bientôt cet avantage attira le commerce du Levant à Marseille, et celui du Nord à Dunkerque.

On forma une compagnie des Indes occidentales, en 1664, et celle des grandes Indes fut établie la même année : avant ce temps il fallait que le luxe de la France fût tributaire de l'industrie hollandaise. Les partisans de l'ancienne économie, timide, ignorante et resserrée, déclamerent en vain contre un commerce, dans lequel on échange sans cesse de l'argent qui ne périrait pas, contre des effets qui se consomment. Ils ne faisaient pas réflexion que ces marchandises de l'Inde devenues nécessaires, auraient été payées plus chèrement à l'étranger. Il est vrai qu'on porte aux Indes orientales plus d'especes qu'on n'en retire, et que par-là l'Europe s'appauvrit. Mais ces especes viennent du Pérou et du Mexique; elles sont le prix de nos denrées portées à Cadix; et il reste plus de cet argent en France que les Indes orientales n'en absorbent.

Le roi donna plus de six millions de notre monnaie d'aujourd'hui à la compagnie. Il invita les personnes riches à s'y intéresser; les reines, les princes et toute la cour, fournirent deux millions numéraires de ce temps-là; les cours supérieures donnerent douze cents mille livres; les financiers, deux millions; le corps des marchands, six cents cinquante mille livres. Toute la nation secondait son maître.

Cette compagnie a toujours subsisté. Car encore que les Hollandais eussent pris Pondichéri, en 1694, et que le commerce des Indes languît depuis ce temps, il reprit une force nouvelle sous la régence du duc d'Orléans. Pondichéri devint alors la rivale de Batavia ; et cette compagnie des Indes, fondée avec des peines extrêmes par le grand Colbert, reproduite de nos jours par des secousses singulieres, fut pendant quelques années une des plus grandes ressources du royaume. Le roi forma encore une compagnie du Nord, en 1669: il y mit des fonds comme dans celle des Indes. Il parut bien alors que le commerce ne déroge pas,

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