personnes coupables de graves erreurs de raisonnement; fait étrange, parmi ces dernières il en est qui sont pourtant très familiarisées avec les mathématiques. Je sais bien qu'il est pénible de se débarrasser d'un certain bagage d'idées préconçues ; qu'il est difficile de s'assimiler des conceptions qui, a priori, choquent les habitudes ancestrales. Je sais, par expérience personnelle, quel effort nécessite la compréhension de la nouvelle théorie, et j'avoue qu'il m'a fallu deux années pour la connaître et pouvoir l'introduire dans mon enseignement; aussi, pendant le temps qu'a duré cette période d'incertitude, où mes idées étaient profondément troublées, ai-je opposé un refus systématique à toutes les demandes qui m'étaient faites d'un ouvrage ou même d'un simple article sur ces questions. Il m'est donc permis d'exprimer le regret que certains auteurs n'aient pas eu la même prudence. Qu'un physicien ou un mécanicien déclare être trop imprégné des idées anciennes pour pouvoir adapter son esprit aux conceptions einsteiniennes, je le féliciterai de sa franchise! mais ce que je trouve impardonnable, c'est de ne pas s'apercevoir qu'on ne comprend pas. Je dis cela pour des savants qui n'ont pas craint de contredire, parfois avec véhémence, MM. Einstein, Minkowski, Langevin, Weyl, Eddington; je m'adresse aussi à quelques auteurs qui ont écrit hâtivement des ouvrages où les idées relativistes sont déformées ; à ceux enfin qui, après des remarques prouvant à quel point les questions dont ils voudraient parler leur sont étrangères, ont, avec une audace qui frise l'inconscience, proposé de substituer leurs idées personnelles à celles des fondateurs de la théorie. De tels errements demandent une sanction. Je vois bien que certaines personnes vont me traiter d'« apôtre » de la « religion » nouvelle. Quelle exagération ! N'en déplaise à M. Bouasse, les relativistes ne demandent pas qu'on « adore » ; ils ne demandent pas qu'on accepte les idées d'Einstein comme articles de foi. Ils veulent seulement qu'on examine sans parti pris et sans idées à priori l'ensemble des faits les mieux établis, et qu'on cherche quelles sont les notions d'espace et de temps compatibles avec l'expérience. Tout esprit impartial sera forcé de reconnaître que la théorie nouvelle est seule en accord avec les faits actuellement connus. M. Metz commence par donner un exposé d'ensemble de la théorie, sans faire usage de formules mathématiques. De ce fait, cet exposé est nécessairement très restreint, mais il a l'avantage d'être mis à la portée du public, et il est suffisant pour faire comprendre les grands traits de la nouvelle théorie à toute personne qui possède les notions les plus élémentaires de géométrie. Jusqu'à ces dernières années, toutes les sciences ont admis deux notions a priori, en accord appa rent avec les faits anciennement connus, mais basées au fond sur une croyance naturelle des hommes. La première notion est celle d'un « espace absolu » dans lequel se meuvent les corps, univers infini où l'on peut imaginer les figures dont les propriétés sont régies par les lois de la vieille géométrie d'Euclide. Cette géométrie euclidienne suppose essentiellement un espace homogène (possédant les mêmes propriétés en tous ses points) et isotrope (ayant les mêmes propriétés dans toutes les directions autour d'un point); cet espace reste inaltéré par le voisinage de corps matériels; ses propriétés sont indépendantes de la distribution de la matière ; elles sont immuables. ; A cette conception vient s'ajouter la croyance à un temps absolu » unique et universel, indépendant lui aussi de la matière existante, dominant et régissant le cours des événements qui se déroulent dans l'espace. On était persuadé que la simultanéité de deux événements se produisant en des lieux différents avait une signification absolue ; on s'imaginait que la durée écoulée entre deux événements déterminés était la même pour tous les observateurs, quelles que fussent les positions de ceux-ci et leurs états de mouvement dans l'espace. Basée sur ces notions qui n'ont cependant rien d'expérimental, car elles sont essentiellement liées à la fiction du solide indéformable (qui permettrait de transmettre instantanément un signal), la mécanique classique était considérée comme une science rigoureuse, aux lois de laquelle devaient se plier tous les phénomènes physiques. Or ceci ne s'est pas vérifié pendant longtemps des savants éminents se sont efforcés de donner une explication mécanique des phénomènes optiques et électromagnétiques (1); ils n'ont pas abouti. La cause profonde de cet échec a été mise en pleine lumière par Einstein: la mécanique classique n'est pas compatible avec les lois de l'électromagnétisme, car celles-ci impliquent d'autres notions de l'espace et du temps. Il a fallu choisir, et le choix s'est trouvé imposé par la rigueur avec laquelle les lois de l'électromagnétisme ont été vérifiées dans des expériences d'une extraordinaire précision. Ce n'est pas l'électromagnétisme qu'il faut plier aux lois de l'ancienne mécanique; c'est au contraire la mécanique qui doit être remaniée de façon à être rendue compatible avec les lois de l'électromagnétisme : l'accord ne peut être fait qu'en renonçant à la mécanique classique, et aux notions d'espace absolu et de temps absolu dont elle dérive; l'accord n'est obtenu qu'en abandonnant d'une façon définitive la fiction des actions instantanées à distance, et en donnant son plein développement au point de vue opposé, celui des actions de proche en proche avec vitesse finie. La (1) Nous savons depuis Maxwell, que l'Optique est une branche de l'électromagnétisme; entre la lumière et les ondes de T. S. F., la seule différence est dans la durée de la période, de même que pour le son il y a des sons aigus et des sons graves. théorie d'Einstein est le prolongement nécessaire et le couronnement de la théorie électromagnétique de Faraday, de Maxwell et de Lorentz. L'espace et le temps ne sont ni absolus ni indépendants seul un mode d'union de l'espace et du temps possède une individualité, une réalité physique et constitue un Univers ou Espace-Temps à quatre dimensions (ce qui est le langage le plus commode pour exprimer qu'il faut quatre coordonnées, trois d'espace et une de temps, pour repérer un événement). On peut dire encore que chaque observateur décompose l'ensemble des événements en « espace » et en « temps », et que deux observateurs en mouvement l'un par rapport à l'autre font deux décompositions différentes. Les notions d'espace relatif et de temps relatif conduisent à une cinématique nouvelle, où la vitesse de la lumière apparaît comme la limite supérieure de la vitesse d'une portion de matière ou d'un signal. A cette cinématique est liée une dynamique dans laquelle il n'y a plus de masse invariable caractérisant une portion déterminéé de matière; la masse mesurée par un observateur croit indéfiniment à mesure que la vitesse de la portion de matière tend vers la vitesse de la lumière. De plus, et ceci est capital, la masse s'identifie avec l'énergie. Enfin les trois principes de conservation de l'ancienne dynamique : conservation de la masse d'un système matériel, conservation de l'énergie, conservation de la quantité de mouvement se trouvent, par la puissance de simplifica |