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ci plutôt des piles de maçonnerie, sur lesquelles était appuyé le beffroi « alta fabrica lignorum » ?

Petit nombre des clochers anciens en Anjou

A quoi tient le petit nombre des clochers anciens dans notre beau pays, si riche autrefois en grandes abbayes, en vastes églises, en oratoires de toute sorte? A plusieurs causes évidemment.

La principale est la nature même de la pierre, tendre, friable, peu résistante à l'action de la pluie et de la gelée. Prenons pour exemple les flèches de la cathédrale. Terminées vers 1180, elles durent être refaites en 1355, en 1516 et en 1835 (1) soit une durée de deux à trois siècles. Beaucoup d'autres ne résistèrent pas plus longtemps aux intempéries.

Quelle différence entre notre tuffeau si tendre et les excellentes pierres calcaires de l'Ile de France, de la Normandie ou le granit de Bretagne, employés pour les flèches de Caen, de Coutances, de Bayeux et de SaintPol-de-Léon.

D'autre part, la foudre, les ouragans, les tremblements de terre renversèrent peu à peu plusieurs de nos plus beaux clochers (2), celui de Tiercé en 1497, celui de Ver

(1) Monographie de la Cathédrale d' Angers, par Louis de Farcy, t. Ier, p. 70, 72, 70 et 80.

(2) Petite chronique de l'abbaye de Saint-Aubin, année 1177. Pinnaculum sancti Albini corruit, quod reedificatum, corruit anno domini MCCCL. Il s'agit du clocher de la croisée de l'église abbatiale.

Nova Bibliotheca Labbei, t. Ier, p. 280. Chronique de Saint-Aubin. MCXCII vigilia sancti Martini Vertavensis factus est ventus vehementissimus, qui pinnaculum unius turris beati Mauricii fecit

corruere.

Questions angevines, par Célestin Port, p. 143. Année 1497,

nantes en 1711; celui de l'abbaye de Saint-Nicolas en 1751 et celui de Saint-Pierre de Saumur en 1775.

En outre, les guerres et les dévastations commises par les Huguenots, les Révolutionnaires, en ruinèrent un certain nombre.

Enfin, le mauvais goût non moins que le désir des architectes de se ménager de la besogne, firent sacrifier de nos jours quelques anciens clochers, parmi lesquels celui de Tiercé, couronné d'une flèche de 280 pieds et celui de Longué sont à regretter.

En vingt années, de 1843 à 1863, quatre-vingt-deux églises ont été reconstruites en entier dans le diocèse; et quatre-vingt-quinze ont subi de grosses réparations, sans parler de tous les travaux antérieurs et postérieurs à cette période. Après celà, comment s'étonner qu'il reste si peu d'anciens clochers en Anjou ?

Emplacement des clochers

Neuf fois sur dix, le clocher s'élève au-dessus de la croisée dans les édifices du xre au XIVe siècle. A partir du xve, aucun clocher nouveau n'est établi en cet endroit, à moins qu'il n'en remplace un d'une date antérieure, comme à la Trinité d'Angers, à Miré, à Menil et à Saint-Denisd'Anjou.

Ordinairement, on les construit alors dans l'angle de la nef et d'un transept ou à l'extrémité de celui-ci, presque jamais dans l'axe de l'église et sur la façade,

le 14 mai, la terre trembla: le clocher de Tiercé chut à terre. P. 152. Année 1751, le 25 mars, tremblement de terre. Plusieurs clochers tant en ville comme celui de Saint-Nicolas, qu'à la campagne, tombèrent. - P. 153. Année 1775, le 30 décembre. Le tonnerre tomba sur l'église Saint-Pierre de Saumur et fit beaucoup de dégâts au clocher.

comme aujourd'hui. Citons cependant les clochers de Rochefort et celui de Baugé, formant porche à l'entrée de l'édifice.

Clochers sur la croisée

Lorsqu'à l'aurore du xe siècle, il s'agit d'élever un clocher à Saint-Martin, à Saint-Serge ou à la Cathédrale d'Angers, l'emplacement parut tout indiqué au maître de l'œuvre. La croisée de ces trois édifices présentait un aspect similaire : sur de massifs piliers, montés en assises de tuffeaux, coupées de distance en distance par un triple rang de briques, de puissants arceaux portaient une sorte de lanterne à quatre faces, percées chacune de deux fenêtres prenant jour au-dessus des toitures. Pas de voûte, un simple plafond en bois, puis une toiture peu élevée. L'architecte ne pouvait souhaiter une base plus solide : il lui suffisait d'enlever la toiture primitive, de relever les murs pour y placer le beffroi et de le protéger des intempéries par une nouvelle couverture.

Par surcroît de précaution et désireux de remplacer le plafond par une voûte d'un aspect plus monumental, il renforça l'angle intérieur des anciennes piles par des colonnes, partant de fond, et leur fit porter des arcs formerets, sur lesquels il reposa la coupole; ensuite, il construisit sur les vieux murs son clocher à deux étages, l'un décoré d'arcatures aveugles, l'autre percé de larges baies, souvent géminées. Une toiture peu élevée tout d'abord et d'un aspect sévère surmonta le tout.

Il économisait par ce procédé les trois quarts de la maçonnerie. D'autre part, l'opportunité de cet emplacement saute aux yeux rien ne convenait mieux pour le service divin, puisque du centre de l'église, de l'endroit même où les stalles étaient rangées, on pouvait sonner les

cloches. Cette transformation de la lanterne des églises antérieures au XIe siècle, parut si heureuse, qu'on adopta pendant quelques années cette disposition pour les édifices élevés par le pied. Voyez les clochers de Saint-Jean et de Notre-Dame de Geneteil, à Château-Gontier, d'Azé et de Menil, terminés vers 1020 et de quelques autres églises, à Vaulandry et à l'ancienne église des Verchers. On supprima bientôt, par économie et comme inutile, la coupole intérieure d'un aspect pourtant si monumental; à partir du XIIe siècle généralement, le niveau de la voûte du clocher ne diffère plus de celui des voûtes du chœur et des transepts, ni du lambris de la nef.

Les clochers de grande largeur, comme ceux de SaintPierre de Saumur, de Vernoil, etc., sont assis sans lanterne et directement sur les arcs doubleaux de la croisée, mais certains édifices, tels que la Cathédrale d'Angers, étaient tellement vastes, qu'on dut renoncer à remplacer l'ancien clocher du xie siècle par un autre, établi sur une nouvelle croisée de 16 mètres de large. Deux tours furent plantées sur la tête des contreforts de la façade, comme je l'ai expliqué dans le t. Ier de la Monographie de la Cathédrale.

A part cette exception et certains cas particuliers aux églises de Villevêque, de Vernantes, Blaison, etc., tous les clochers des Xie, XIIe et XIIIe siècles s'élèvent sur la croisée.

Tantôt ils possèdent deux étages, l'un décoré d'arcatures aveugles (servant d'ornementation et allégeant. d'autant le poids de la maçonnerie), l'autre de fenêtres à jour, souvent géminées pour laisser se répandre au loin le son des cloches; tantôt, ils en comptaient trois ou quatre, couronnés d'une flèche en pierre élégante, tels ceux de Cunault, de Notre-Dame de Chemillé; celui de l'abbaye du Louroux, écroulé si malheureusement en 1820, en possédait cinq. Le plan de ces clochers suivait

nécessairement celui de la croisée. Il est quelquefois parfaitement carré, quelquefois aussi il est barlong, la plus grande largeur dans le sens de la nef, à Saint-Martin d'Angers, ou bien dans le sens des transepts, à Saint-Jean de Château-Gontier et à Azé.

Exceptionnellement du carré, le clocher passait à l'octogone au moyen de trompes et d'encorbellements, comme à Saint-Laurent d'Angers (aujourd'hui détruit) et à Cheffes-sur-Sarthe.

Clochers latéraux

Certaines églises rurales ne possédaient ni transepts, ni croisée par conséquent. Une vaste nef lambrisée précédait un choeur avec abside, de moindre largeur et voûté en ce cas, quelle était la place du clocher? On l'adossait au mur de la nef dans le voisinage du chœur, comme à Villevêque à la fin du xre siècle, à Vernantes au XIIe siècle, à Souzay et au Puy-Notre-Dame, à Béhuard, aux Rosiers, au xve siècle, à Saint-Martin-de-la-Place au XVIIe et en maint autre endroit.

Ailleurs, après la ruine d'un clocher très ancien sur la croisée, on en bâtit de nouveaux au-dessus de l'un des transepts au Ronceray d'Angers, ou bien à l'extrémité d'un des transepts à Saint-Lambert-des-Levées, à Beaufort, etc. L'angle formé par la nef et l'un des transepts parut encore un endroit favorable: telle est la disposition adoptée à Trèves, à Blaison, à Montsoreau, à Nueil, au Lion-d'Angers, etc. Les clochers centraux de Cunault et de Précigné devinrent latéraux par suite de modifications postérieures à leur construction: ce sont deux cas particuliers curieux à constater.

Enfin, voici un rare exemple d'un clocher latéral, situé au bas de la nef. C'est celui de l'abbaye de Saint-Serge.

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