: Souvenons-nous que la demeure de l'abbé était toute voisine c'est sans doute la raison du choix de cet emplacement, adopté après l'achèvement de la nouvelle nef, qui en remplaçait trois de style roman, écroulées à la suite des guerres des Anglais et des inondations. Les cloches. de l'abbé ne se trouvaient-elles point auparavant, comme à Saint-Aubin, à Saint-Nicolas, à Saint-Florent de Saumur, à Marmoutier, au Bec et ailleurs, dans une tour isolée de l'église? Je n'ai pu en avoir la certitude, mais c'est chose probable. Citons encore comme clochers latéraux, ceux de la façade de la Cathédrale et les deux de l'abbaye de SaintMaur, placés comme ceux de Saint-Germain-des-Prés à Paris, à l'entrée des bas côtés du choeur : il n'en reste plus les premières assises, mais le Gallicanum Monasticon nous en donne le dessin. que Le clocher du Thoureil Le singulier édicule, servant de campanile à l'église du Toureil et reproduit par Viollet-le-Duc, était-il véritablement au XIIIe siècle un clocher? Je ne le crois pas. Ce couloir de 3 mètres de long sur 0m70 de large dominait la Loire à pic, avant l'établissement de la route, qui longe le fleuve. Une porte lui donnait accès dans un escalier, aujourd'hui démoli, si bien que pour y accéder actuellement, il faut y grimper non sans difficulté par une échelle dissimulée près du confessionnal. Qu'était donc ce soit-disant clocher? A mon avis, une annexe du véritable clocher jadis établi sur la croisée dont les deux piles antérieures existent encore près de l'autel et dont les deux autres en arrière ont été découvertes avec les restes d'une abside très intéressante dans des fouilles pratiquées il y a quelques années. Le clocher se sera écroulé, renversé par la foudre ou la tempête et l'annexe en question aura été transformée tant bien que mal pour le remplacer. A mon sens, ce long couloir, communiquant jadis avec l'escalier du clocher et avec le clocher lui-même, s'avançant sur la tête d'un puissant contrefort jusqu'à la Loire, était une échauguette ou poste d'observation en temps de guerre pour surveiller la navigation, peut-être une sorte de phare, pour guider les mariniers, peut-être aussi une construction propre à enlever, par une roue comme au Mont-Saint-Michel, provisions ou munitions amenées dans des bateaux à pied d'œuvre, en cas de famine ou de troubles. Je ne prétends pas résoudre ce problème : il me semble toutefois que la forme si particulière de cet édicule m'autorise à le poser : il mérite d'attirer l'attention des archéologues, comme aussi je crois devoir signaler à l'administrafion le toit provisoire en carton bitumé, qui coiffe d'une façon si disgrâcieuse cet édicule et ne tardera pas à être emporté par le vent. Les Haraniers La très grande largeur de la croisée de certaines églises, de la Cathédrale en particulier, s'opposait à la construction de clochers en pierre dans cet emplacement traditionnel. On y substitua des flèches en charpente d'un faible diamètre, mais quelquefois d'une grande élévation et décorées avec luxe de plomberies dorées. Tel fut celui de Saint-Maurice, élevé dans la seconde moitié du XIIe siècle et prévu par l'architecte qui, au centre de la voûte, avait ménagé un passage pour les cloches d'un mètre de diamètre pour le moins. Renversé par un violent ouragan en 1452, il fut rétabli en 1463 et détruit à la Révolution. C'était dans le langage courant le Haranier, non point parce que la petite cloche sonnait principalement en Carême (temps du hareng), mais parce qu'elle servait à avertir les valets de la sacristie du moment précis de l'office, où ils devaient mettre en branle les grosses cloches des trois tours de la façade. Araisne ou Harainne, en vieux français, a le sens d'appel, signal, avertissement, commande. Le Chapitre de Saint-Laud d'Angers avait son haranier; il est mentionné dans les archives et les abbayes du Ronceray et de Saint-Nicolas possédaient aussi des clochers élancés, très menus et en charpente légère, dressés au-dessus des stalles; ils remplissaient le même but que les haraniers de la Cathédrale et de Saint-Laud. Le rituel de Saint-Martin de Tours mentionne la Campana irata (harainier) surnommée la Braillarde, à cause de sa voix grêle et perçante. De même, on appelait les clochettes du campanile du choeur de Chartres les Babillardes ailleurs on leur donnait le nom de Commandes. La bizarrerie de ce nom angevin le harainier m'a décidé à en dire ici quelques mots. Clochers sur la façade des églises. J'ai déjà cité ceux de Rochefort (fin du xvIe siècle) et de Baugé, commencé en 1630. Arrêtons-nous un instant à la tour, placée sur la façade de Saint-Maurice entre les deux flèches, dont j'ai parlé précédemment. C'est le chefd'œuvre de Jean de l'Espine. Entre les deux contreforts, sur lesquels sont fondés les clochers latéraux, il eut la hardiesse de lancer, parallèlement au mur de la façade, un arc énorme d'un mètre d'épaisseur et d'y asseoir au-dessus des orgues une très large tour, dont trois des faces sont pour ainsi dire suspendues dans le vide. Amortie en lanterne octogonale à deux étages, cette tour remplace l'ancien beffroi en charpente, détruit en 1533. On la restaure en ce moment et la Croix d'Anjou, renversée par l'orage en 1831, vient d'y être rétablie par M. Dussauze, à ma grande satisfaction. Le même Jean de l'Espine dirigea les travaux de la tour de Beaufort et de celle de la Trinité d'Angers. Quelques mots du clocher de Notre-Dame de Nantilly : il ne date que des premières années du XVIIe siècle. La partie antérieure seule est en maçonnerie jusqu'à la naissance de la flèche couverte d'ardoises; les trois autres faces sont en charpente et reposent sur la voûte en berceau de la première travée de la nef. Telle était aussi la disposition du clocher de l'église Saint-Jacques d'Angers, dont Berthe nous a conservé le dessin et que nous avons connu. Contrairement à l'usage ancien, et sauf celui de Morannes et celui de Martigné-Briand, placés sur le côté de l'église et remplaçant d'anciens clochers centraux, tous les clochers modernes sont établis au bas de la nef sur la façade (Sainte-Thérèse d'Angers, Beaupréau, nouvelle église de Notre-Dame de Chemillé, etc.) Quelques églises comme celles de Candé, de Saint-Joseph d'Angers et de Notre-Dame de Cholet en possèdent deux semblables à droite et à gauche du pignon. Campaniles des chapelles Les clochers-arcades étaient rares en Anjou je citerai néanmoins ceux de la ravissante chapelle du cimetière de Saint-Florent, de l'église de la Lande-Chasle, de la paroisse de Saint-Barthélemy, de Saint-Florent (avant la reconstruction de la façade) et de Tout-le-Monde. On leur préférait de petites tourelles octogonales, hexagonales ou rondes, assises sur le mur du pignon en encorbellement. Le xve siècle peut revendiquer ceux des chapelles du Percher et du Fresne: au xvie siècle, il convient d'attribuer les campaniles des châteaux de Launay, près Gennes, de la Rochefroissard et du grand Nozay, enfin je citerais pour le xvIIe siècle celui de la Gouberie, près Baugé. Ailleurs, à Boumiers, à la Bourgonnière, on profitait d'une tourelle d'escalier, conduisant à la tribune, pour la couronner d'une lanterne, renfermant et abritant la cloche celle de la Bourgonnière est d'une rare élégance. Tours isolées. En signe de leur puissance, les abbés de l'ordre de Saint-Benoit faisaient souvent ériger une tour séparée de leur église. Marmoutier en Touraine, le Bec en Normandie et Saint-Florent de Saumur, Saint-Aubin et Saint-Nicolas d'Angers, peut-être aussi Saint-Serge, dans notre ancienne province, nous en donnent la preuve. Un mot sur cha cune. Celle de Saint-Florent, dont on voit le dessin dans le Gallicanum Monasticon, était fortifiée, joignant le mur d'enceinte de l'abbaye et la cuisine du logis abbatial. La disposition de l'étage supérieur octogonal couronné d'une flèche en pierre très élevée, rappelle celle des clochers de Brantôme, de Saint-Léonard (Haute-Vienne) et de la cathédrale de Limoges. Elle dut être construite par un architecte de cette région et non par un Angevin. |