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qui ont foi dans leur œuvre, de ceux qui croient que c'est arrivé; vertu discrète que le scepticisme contemporain trouve plus facile de bafouer que de comprendre.

A cet idéal elle a donné sa vie tout entière, elle a sacrifié de légitimes pensées d'avenir et la régénération familiale dont elle a fait son devoir n'est point encore achevée à l'heure où nous la glorifions devant vous.

Une mort toute récente dont notre Compagnie porte le deuil ne nous a point permis d'entendre à la Commission l'avocat le plus qualifié de Thérèse Lemesle, celui qui a vu, de ses yeux, le développement de cette humble et belle vie. Mais nous savons d'ailleurs ce qu'en eussent pensé et dit son grand cœur et son haut esprit et nous associons M. Huault-Dupuy à notre décision, parce que nous sommes sûrs qu'il lui eût été doux de l'entendre proclamer et pour que la pauvre fille qu'il a connue comprenne qu'elle lui doit un peu sa récompense.

Ces récompenses que Julien Daillière nous a chargés de distribuer en son nom, ce sont en vérité de ces récompenses d'honneur dont a si bien parlé notre Montaigne : «< une bien bonne et proufitable coustume, dit-il, de « trouver moyen de recongnaitre la valeur des hommes << rares et excellents et de les contenter et satisfaire « par des payements qui ne chargent aucunement le <«< public et qui ne coustent rien au prince. >>

« Et ces loyers d'honneur, ajoute-t-il, n'ont aultre « prix et estimation que cette là que peu de gents en << jouissent. >>

Et nous croyons pourtant que beaucoup en sont dignes en notre pays d'Anjou que nous ne saurons jamais parce que, à l'exemple de la pauvreté sa compagne, la vertu est, comme on dit, honteuse, c'est-à-dire que sa pudeur la dérobe à la vue. L'individualisme, cette forme scientifique de l'égoïsme progresse mal parmi nos popu

lations, où l'aide charitable que les hommes se doivent était une coutume ancestrale avant qu'on en eût fait un droit civique sous le nom de solidarité.

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Les leçons de l'histoire il est bien permis de les invoquer ici en présence de l'éminent historien qui nous fait l'honneur de présider cette séance les leçons de l'histoire nous apprennent que les races vivent et que les peuples grandissent par le culte du devoir social. librement consenti. L'Anjou ne sera jamais le dernier à prendre sa part de ce devoir-là. En permettant d'en apporter devant vous les témoignages, l'œuvre de Julien. Daillière glorifie la province que nous aimons et relève nos yeux et nos cœurs vers un idéal de justice, parce que la charité, c'est encore la meilleure forme humaine de la justice.

RAPPORT SUR LE PRIX DE POÉSIE

Par M. A.-J. VERRIER

MONSIEUR LE PRÉSIDENT D'HONNEUR,

MESDAMES,

MESDEMOISELLES,

qui nous semblez plus spécialement déléguées par la Poésie, pour la représenter ce soir à la fête que nous donnons en son honneur,

MESSIEURS,

Je crois devoir user d'abord d'une précaution oratoire et, dans un exorde par insinuation, m'excuser de présenter à vos yeux la pitoyable ruine que les ouvrages du temps, qui ne respecte rien, pas même les

Superbes monuments de l'orgueil des humains,

a écrit le poète Scarron au majestueux début d'un sonnet fameux par l'inattendu et l'originalité de sa

(1) La Commission du Prix de Poésie se composait de Mar Pasquier, président, de MM. J. Joûbert, Mauvif de Montergon, Xavier de la Perraudière et A.-J. Verrier.

Ce rapport considérablement abrégé à la lecture, paraît ici

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«< chûte que le temps, dis-je, a faite de l'humain. chétif qu'est le rapporteur de la Commission du prix Daillière pour la poésie.

Certaines ruines, je ne l'ignore pas, ont leur charme, une vieille tour, par exemple, à demi écroulée, étroitement drapée - j'allais dire entravée dans son manteau de lierre et surmontée de touffes de giroflées rappelant les fleurons de la couronne de la noble châtelaine qui, jadis, anxieuse du sort de son époux, parti pour la croisade, y montait pour interroger la route poudreuse.

D'autres excitent notre admiration par leurs grandioses amoncellements et notre respect par les glorieux souvenirs qu'elles rappellent.

Un ouvrage, dont je connais surtout le titre, de notre compatriote Volney: Les Ruines ou Méditations sur les Révolutions des Empires, sut exciter autrefois l'intérêt du public lettré.

Il en va tout autrement des ruines de la pauvre humanité, la compassion, pour me servir d'un terme atténué, est le sentiment peu apprécié qu'elles inspirent.

Mais il est des occasions où le sentiment impérieux d'un service à rendre, d'un devoir à remplir, doit faire passer outre aux objurgations d'un vain amour-propre. J'espère, d'ailleurs que, lorsque je m'assoirai, je serai, comme le divin Ulysse, plus « présentable ».

Homère, en effet, nous parlant de son héros, au troisième livre de l'Iliade, vers 205 et suivants, met ces paroles sur les lèvres (littéralement la barrière des dents) du roi Anténor s'adressant à Hélène :

<< Le divin Ulysse est déjà venu autrefois ici en ambassade à ton sujet, avec Ménélas, ami de Mars... Se trouvaient-ils au milieu des Troyens rassemblés, s'ils étaient debout, Ménélas dépassait Ulysse de ses larges épaules; s'ils étaient assis tous les deux, Ulysse avait plus de majesté.

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