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déjà fait de telles merveilles, que trois cents hommes eussent pu entrer de front par la brèche de la citadelle. Pendant la nuit, Galéas de San-Severino abandonna la place et s'enfuit vers Milan, suivi de toute la garnison, qui se fraya passage à travers un corps de Gascons postés de ce côté.

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Aussitôt averti de cette retraite désordonnée, Trivulce envoya quelques-uns de ses officiers avec leurs gens prendre possession de la ville et empêcher d'y entrer la tourbe des fantassins, qui ne demandaient que le pillage. « Toutefois, voyant, iceux piétons qui près de la brèche étoient, que les premiers entrés avoient mis la main aux boutiques, et que de bourdons, lances, harnois, hardes, chevaux en main, malles, boîtes et autres bagues légères sortoient chargés, tous ensemble se mutinèrent, et par l'ouverture des murailles sept ou huit mille à la foule entrèrent, disant qu'ils auroient du butin comme les autres. Voyant le comte de Ligny iceux en chemin de dévoy et propos dissolu, leur vint au-devant l'épée au poing, sur eux chargeant à tour de bras, en leur faisant défense sur ce que plus cher devoient avoir, que outre ne missent la marche et que si nulle force ou pillage faisoient, que la corde telle raison en feroit que nouvelles partout en seroient semées. Mais tant mal fut la défense autorisée, et la menace de Louis de Saint-Simon, qui d'une fenètre à eux parloit, peu estimée, que pour tant ne cessèrent; mais lâcherent un trait ou deux contre le comte de Ligny et ceux qui leur désordre vouloient empêcher. Ainsi les arbalètes bandées, les piques et hallebardes au poing, passèrent outre et partout commencèrent à rompre et briser portes et prendre, bagues et marchandises. Tout ce qu'ils purent par force emporter leur sembla loyal acquèt ; et pour mieux la solennité de guerre célébrer, après le pillage fait, par les maisons soufflerent le feu. Toutefois, afin que du tout ne demeurât justice irritée, les principaux auteurs du hutin furent pendus. » (Jean d'Auton.) Ludovic Sforza, en recevant de la bouche de son général les nouvelles de sa triste campagne, résolut de ne point attendre davantage, quoiqu'il tînt dans son château de Milan douze cents pièces d'artillerie et plus de trois mille soudards avec des vivres pour deux ans, ce qui en faisait une des plus fortes places du monde, « si leurs estomacs efféminés eussent été enflés de cœurs virils. » Prenant avec lui ses deux jeunes fils et ses ducats, « dont il avoit plus de trente mulets chargés », il s'enfuit vers les montagnes du Tyrol, sur les terres de l'empereur Maximilien. En trois semaines, il avait perdu tous ses États. Louis XII, qui s'était mis en marche sur la fin d'août pour rejoindre l'armée et prendre part aux exploits des siens, n'eut qu'à entrer pacifiquement en possession d'une conquête toute faite, et arriva en grande pompe à Milan, le 6 octobre.

Il apporta parmi ses nouveaux sujets sa bonté native. Il commença par adoucir les impôts, dont le poids excessif avait rendu Ludovic odieux; il promit même à cet égard plus qu'il ne pouvait

tenir; il se montra magnifique pour plaire aux Ita Italiens, goûta sincèrement leurs arts, leurs poëtes, leurs hommes de talent, et crut gagner tout à fait la population en lui laissant, à son départ, pour gouverneur, le Milanais Jean-Jacques Trivulce. Mais l'Italie s'est toujours déchirée elle-mème; il suffisait que Trivulce fût du parti guelfe pour être plus hai par les gibelins qu'un étranger, puis pour les haïr lui-même et les opprimer. D'un autre côté, le seigneur Ludovic, comme le nomment les chroniqueurs, n'était pas tout à fait un méprisable ennemi. Avec son or il se hâta, aidé par Maximilien, de rassembler une armée de Suisses, d'Allemands et de Francs-Comtois, à la tête de laquelle il déboucha bientôt des Alpes et reparut dans le nord de son pays (janvier 4500). Tout le Milanais repentant, et déjà las des Français, lui tendit les bras. Une formidable émeute éclata dans la capitale. Le gouverneur du duché, Trivulce, faillit y périr, assiégé dans son palais; et, après s'être vengé en foudroyant la ville à coups de canon, il fut obligé de battre en retraite et de se replier sur Novarre, puis sur Mortara. Les petits corps de troupes détachés aux environs de Milan le rallièrent comme ils purent, attaqués, poursuivis, harcelés sur toute leur route par les paysans lombards.

Se voyant triompher avec autant de facilité qu'il avait été vaincu, et déjà rentré en possession de la plus grande partie de ses États, Ludovic marcha droit à Novarre, et s'en empara après un siège acharné. L'armée française était tellement réduite qu'il lui eût été impossible de soutenir la lutte sans l'arrivée de la Trémouille, qui amena de France quelques centaines de gens d'armes, et celle de dix mille Suisses qui le suivirent. Les deux armées se trouvaient alors à peu près égales, les Français comptant vingt mille hommes et les Lombards plus de trente mille. Or les compagnies de Suisses se trouvaient composer la principale force de chacun des deux partis. Les Suisses formaient alors la plus redoutable infanterie de l'Europe; braves, aguerris et ne trouvant pas de quoi vivre dans leurs montagnes, ils se mélaient avec avidité aux guerres de tous leurs voisins, qui achetaient leurs bras au poids de l'or; mœurs belliqueuses plutôt qu'honorables, mais grâce auxquelles ils purent fonder leur indépendance entre la France et l'Autriche. En présence les uns des autres sous les murs de Novarre, ces mercenaires, au lieu de s'entre-tuer, s'entendirent, et, par une odieuse trahison, ceux de Sforza le livrèrent aux Français (40 avril 4500). Le malheureux duc fut envoyé à Loches et tenu dans une dure captivité. Immédiatement le Milanais revint à l'obéissance; les troupes de Louis XII occupèrent de nouveau Milan; seulement, au lieu de Trivulce, le roi nomma pour gouverneur un neveu du cardinal d'Amboise, Charles d'Amboise, sire de Chaumont-sur-Loire, homme plein de douceur et de lumières. Croyant avoir ainsi consolidé sa conquête, lui avoir assuré une bonne administration intérieure et s'être ménagé des ap

puis en remplissant les diverses promesses qu'il avait faites à la Savoie, à Venise, à Florence et aux Borgia, le roi tourna ses regards vers Naples, où devait s'accomplir la seconde partie de ses projets.

La couronne de Naples était alors portée par Frédéric d'Aragon, oncle et successeur de ce Ferdinand que Charles VIII avait si rapidement détrôné (t. Ier, p. 536). Frédéric offrait de se reconnaître vassal de la France; mais c'était son héritage tout entier qu'on voulait. Il semblait devoir trouver

un protecteur naturel dans son parent le roi de Sicile, qui était en même temps le puissant roi de Castille et d'Aragon, Ferdinand V, dit le Catholique. Par malheur pour lui, ses États étaient convoités aussi par ce monarque insatiable. Les diplomaties espagnole et française ourdirent une machination perfide et convinrent, par un traité qui fut signé à Grenade le 14 novembre 1500, du partage, qui devait dès lors s'opérer sans coup férir, des États napolitains. Frédéric, sans défiance, ouvrit ses places aux Espagnols, et quand les Français

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Médaille d'or de Louis XII, conservée au cabinet des médailles de la grande Bibliothèque de Paris (1).

arrivérent, renforcés de leurs auxiliaires suisses et de troupes italiennes commandées par César Borgia, le malheureux roi s'aperçut que ses alliés étaient des traîtres. Les habitants de Capoue se firent inutilement massacrer pour arrêter un moment les soldats du Nord. Toute résistance sérieuse était impossible, et Frédéric, préférant à son perfide cousin un ennemi déclaré, se rendit aux Français (août 1501). En échange de sa renonciation au trône de Naples, Louis XII lui accorda le comté du Maine à titre héréditaire, et une pension de 30 000 livres; il mourut en France trois ou quatre ans après.

Louis profita peu de cette triste victoire. Les Espagnols ne tardèrent pas à laisser voir clairement leur mauvaise foi, et, dès l'année 1502, les deux nations étrangères qui s'étaient implantées sur le territoire napolitain s'y faisaient la guerre ouvertement. Les Espagnols eurent bientôt le dessous, au point d'être à peu près expulsés de la Péninsule. Il ne leur restait que cinq places, dans l'une desquelles, Barletta, leur fameux général Gonsalve de Cordoue resta sept mois assiégé. Ferdinand V alors se montra prêt à accueillir des propositions de paix que le roi de France était, de son côté, encore mieux disposé à recevoir. Un rapprochement très-marqué s'était récemment opéré entre les maisons d'Au

(") Cette médaille, frappée à Tours, et offerte au roi à son entrée dans cette ville, est attribuée au sculpteur Michel Colombe. Les tours que l'on voit sur le revers sont l'emblème de la ville. Le porc-épic rappelle que Louis XII avait été grand maître de l'ordre du Porc-Épic, fondé par son aïeul. Quoiqu'il eût supprimé cet ordre à son avénement au trône, Louis XII conserva le porc-épic dans

ses armes.

triche et de France, non pas à l'avantage de cette dernière. L'épouse de Louis, qui n'eut jamais l'humeur française, et qui était restée dans son cœur la duchesse de Bretagne, avait poussé son mari à fiancer leur fille, Madame Claude de France, âgée de deux ans, avec Charles d'Autriche, petit-fils de l'empereur Maximilien. Charles était un enfant d'un an; mais, héritier futur, par son grand-père, des États autrichiens; par son père, l'archiduc Philippe, des Pays-Bas; par sa mère Jeanne, fille de Ferdinand V et d'Isabelle, des royaumes de Castille, d'Aragon, de Sicile, de Portugal, et d'empires immenses dans ce nouveau monde qui semblait surgir alors du sein de l'Océan, cet enfant se trouvait, dès son berceau, destiné à une grandeur inouïe, et fut en effet CharlesQuint. L'égoïsme maternel éblouit Anne de Bretagne, et elle eût sacrifié volontiers la France en favorisant un mariage qui pouvait ajouter aux vanités de sa fille, dût la Bretagne être livrée à la maison d'Autriche.

Ces négociations étaient conduites, de concert avec Louis XII et le cardinal d'Amboise, par l'archiduc Philippe, tant en son nom personnel que comme fondé de pouvoir de son père Maximilien et de son beau-père Ferdinand. Une partie des articles concernait le royaume de Naples, duquel il était dit que les rois de France et d'Espagne renonçaient tous deux à leurs droits sur Naples en faveur des jeunes fiancés. La guerre devenait donc inutile, et les troupes françaises qui tenaient les Espagnols serrés de si près à Barletta reçurent l'ordre de rester sur la défensive. Pendant ce tempslà, Ferdinand V envoyait renforts sur renforts à Gonsalve de Cordoue, avec ordre d'agir, malgré toute signification de traité conclu. Les Espagnols,

donc, rompirent tout d'un coup l'inaction générale en se jetant sur l'ennemi sans défiance. Le brave Stuart d'Aubigny, accablé par le nombre au combat de Seminara (24 avril 4503), fut obligé de se réfugier dans une forteresse voisine et de se rendre. Huit jours après, le vice-roi français de Naples, Louis d'Armagnac, duc de Nemours, fils unique de celui qui avait été décapité par Louis XI (voy. t. Ier,

Louis XII, demi-statue en albâtre, par Laurent de Mugiano, conservée au Musée de la Renaissance, au Louvre (1).

p. 529), fut défait et tué près de Cérignoles. Naples se rendit. Il ne resta pour refuge aux débris de l'armée française que Venosa, place de l'intérieur, et le port de Gaěte.

Louis XII espéra se venger. Il lança deux armées sur les Pyrénées, l'une pour agir en Biscaye, l'autre en Roussillon. Mais on s'était préparé de longue main à les bien recevoir; elles n'eurent aucun succès. Une troisième armée, conduite par

(1) Cette demi-figure a été trouvée au château de Gaillon, où elle avait été apportée de Milan, en 1508. La tête, ayant été détruite, a été refaite au commencement de ce siècle. La partie inférieure de la statue, telle qu'on la voit actuellement au Louvre, est un travail encore plus moderne.

Louis de la Trémouille, franchit les Alpes et se dirigea vers le sud de la Péninsule italique; elle ne put arriver et se joindre aux défenseurs de Gaěte qu'à la mauvaise saison (octobre), et se fondit sous les pluies du ciel aidées du débordement des rivières, du déchaînement des fièvres pestilentielles et aussi de la tactique habile de Gonsalve de Cordoue. Les Espagnols, plus obéissants à la discipline, plus sobres, plus endurcis aux rigueurs d'un climat insalubre, finirent par mettre leurs adversaires en pleine déroute, leur enlevèrent artillerie et bagages, puis arrivèrent à Gaëte sur le talon des fuyards. Trois jours après, la place se rendit sous la condition que tous les Français se trouvant sur le territoire napolitain, y compris les prisonniers faits pendant la campagne, pourraient se retirer librement avec armes et bagages (janvier 4504). Ils se retirèrent, en effet, par mer, et gagnèrent Gênes. « Presque tous les capitaines principaux moururent à leur retour, les uns de deuil, de leur perte, les autres de mélancolie de leur défortune, les autres de peur de la malveillance du roi, et les autres de maladie et de lasseté.» (Jean d'Auton.) Un des héros de la campagne, Louis d'Ars, qui se maintenait à Venosa, ne voulut pas accepter la capitulation, mais le roi lui envoya l'ordre de revenir. Après avoir laissé garnison dans quelques petites villes qu'il tenait encore, il s'embarqua avec quatre cents hommes qui lui restaient, et gagna la Lombardie par Ancône. « Si, le roi étoit lors bien marri. Ce dont ne devoit sembler de merveille. Mais à tous ses ennuyeux malheurs vertueusement résista, et combien que il eût le cœur dolent, si montra-t-il riant visage comme celui qui contre les efforts d'adversité affermit son propos. »> (Jean d'Auton.)

Vaincu par le sort des armes, il revint aux négociations qu'il avait abandonnées pour cette malheureuse guerre. Ferdinand V, qui avait besoin maintenant de tranquillité pour assurer sa domination à Naples, consentit sans peine une trêve de trois ans, et peu après un triple traité fut conclu à Blois (22 sept. 1504). Le premier était une coalition de Louis XII avec l'empereur Maximilien et le pape Jules II, qui venait de remplacer Alexandre VI, pour châtier une alliée commune, la seigneurie de Venise, qui, en trahissant chaque parti tour à tour, était parvenue à s'agrandir aux dépens de tous, et qui avait surtout le tort d'être une république inquiétante par sa puissance. Le second traité stipulait une alliance perpétuelle entre Louis, Maximilien et l'archiduc d'Autriche Philippe, alliance dont les premiers effets devaient être l'investiture du Milanais donnée au roi par l'empereur et l'exécution de la promesse de mariage qui avait eu heu précédemment entre Charles d'Autriche et Claude de France. Le troisième traité de Blois assurait pour dot à Madame Claude le duché de Bretagne, le comté de Blois, le Milanais, Asti, Gènes, et de plus, si son père mourait sans héritier mâle, le duché de Bourgogne.

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au temps des croisades, lorsqu'elle partageait avec Venise l'entrepôt de l'Orient, était tombée de la protection des Sforza sous celle des rois de France. Louis XII gouvernait les Génois avec sa bénignité habituelle, lorsqu'on apprit tout à coup qu'ils s'étaient révoltés, qu'ils en avaient appelé à la protection de l'empire et de Maximilien, qu'enfin tout le nord de l'Italie s'agitait, enhardi par l'exemple. Le pape Jules II, Génois lui-même, proclamait le moment venu pour l'Italie de recouvrer son indépendance. A Gênes, cependant, ce mouvement n'avait d'abord rien d'hostile à la France; ce n'était qu'un épisode des éternelles dissensions républicaines. La noblesse se montrait insolente, le peuple aveugle, exigeant et jaloux. A la faveur du régime français, encore tout imprégné de féodalité, les patriciens crurent pouvoir faire revivre leurs vieilles prétentions; le parti de la plebe prit les armes, et les expulsa des châteaux que quelques-uns d'entre eux tenaient du roi à titre de fief. En vain celuici envoya des avertissements pacifiques; les riches bourgeois, « le peuple gras », comme les appelle Jean d'Auton, voulaient sagement accepter ses offres bienveillantes; mais les violents l'emportèrent, et dans leur premier élan, forçant le château de Gênes, ils massacrèrent la petite garnison fran- . çaise qui l'occupait. Ils avaient mal calculé leurs

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elle-même. Un Breton, Pierre de Rohan, maréchal de Gyé, eut le courage de faire arrêter les bagages à Saumur et de s'opposer hautement aux projets de la reine, qui s'en vengea plus tard. La Bretagne voulait être indépendante, mais non pas autrichienne. Cependant Louis, au bord de la tombe, prêta l'oreille aux réclamations et aux prières de ses plus fidèles sujets. Il révoqua les concessions que sa complaisance avait faites à la reine, et ordonna, par acte testamentaire, qu'en dépit des traités de Blois, sa fille Claude fût mariée, conformément au vœu national, avec François, comte d'Angoulême, héritier présomptif du trône. Il semble qu'après l'accomplissement de cette mesure réparatrice l'apaisement de sa conscience l'ait rendu à la vie. Il guérit, renouvela, étant en pleine santé, la déclaration qu'il avait faite en faveur du jeune François (34 mai 1505), et, pour échapper aux obsessions d'Anne de Bretagne, résolut de s'en remettre à la décision du pays lui-même, en convoquant les États généraux. L'assemblée se réunit au château du Plessis, et demanda le mariage d'une voix unanime. « Tant, que le roi, vu l'opinion de son conseil et la prière de chacun, consentit ledit mariage; et devant tous, par la main de messire Georges, cardinal d'Amboise et légat en France, les fit fiancer, le jour de l'Ascension, dedans la grand'salle du Plessis-lez-Tours. De quoi, par tout le royaume de France, furent faits feux de joie.»> (21 mai 4506.) François avait douze ans, et Claude sept.

La maison d'Autriche perdit l'archiduc Philippe quelques mois après (25 septembre), et sembla dévorer cet affront; mais les occasions de vengeance ne devaient pas lui manquer.

La république de Gènes, riche et importante encore, bien que déchue de l'éclat dont elle brillait

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Gros d'argent portant d'un côté le nom de Conrad, le fondateur de la république génoise, et de l'autre celui de Louis XII (1).

forces. Bientôt ils eurent à soutenir les assauts d'une armée de cinquante mille hommes, essayèrent bravement de se défendre, et après plusieurs combats malheureux furent obligés de s'en remettre à la miséricorde du vainqueur (29 avril 1507). Louis entra triomphalement dans la ville, l'épée nue à la main, imposa de très-dures conditions, abolit les institutions républicaines, et fit décapiter le doge populaire avec soixante de ses adhérents.

A la nouvelle d'une preuve si convaincante et si rapide de sa force, les Italiens cessèrent leurs agitations. Maximilien ne cessa pas ses menaces et convoqua une diète des États allemands à Constance, pour demander des hommes et de l'argent afin de rendre le Milanais aux Sforza, et à l'Allemagne sa prépondérance en Italie. Il dévoila au

(') Le nom de Gênes, Janua, signifie «porte », et c'est une porte qui est figurée sur l'un des côtés de la monnaie.

sénat de Venise le traité perpétré à Blois contre la république, et lui proposa de s'unir à lui pour enlever le Milanais à la France et le partager ensuite. Venise s'y refusa; elle comprit qu'il était de son intérêt de rester fidèle à Louis XII malgré ses menées déloyales, joignit ses troupes aux siennes pour repousser les Allemands, et réussit à grandir encore son territoire en s'emparant de trois villes autrichiennes, Fiume, Goritz et Trieste. Puis, contente de ce succès, elle conclut une trêve avec Maximilien, toujours arrêté dans ses projets par la pénurie, et sans comprendre les Français dans le traité. Louis XII se montra très-irrité de ce manque d'égards; mais il ne put pas être déterminé, par un si faible motif, à devenir tout à coup le plus cruel ennemi des Vénitiens, et à renouveler sa coalition de Blois par un acte qui reçut le nom de Ligue de Cambrai, et qui fut en effet signé secrètement dans cette ville, le 10 décembre 1508. Louis XII, parce qu'il avait à regretter, comme duc de Milan, Bergame et Crémone; le pape Jules II lui-même, parce qu'il réclamait de son côté Faenza et Rimini; tous, parce qu'ils haïssaient une république de marchands florissante et fière, firent cause commune avec les Autrichiens et les Espagnols afin d'écraser ensemble le seul État italien qui fût assez favorablement placé et assez fort pour barrer l'Italie devant l'oppression germanique. Ce fut l'affaire de quelques jours. Venise comptait mille vaisseaux et trente mille marins; son ambassadeur disait au roi, quelque temps avant la guerre : «Sire, ce serait folie d'attaquer ceux de Venise; leur sagesse les rend invincibles.» Mais l'armée française s'ébranla au commencement du mois de mai (1509), et dans l'espace de trois semaines les Vénitiens avaient vu leurs troupes vaincues dans une grande bataille, à Agnadel (44 mai), le reste de leurs défenseurs démoralisés, et plusieurs de leurs meilleures places prises. Hors d'état de tenir la campagne, ils se renfermèrent dans leurs inexpugnables lagunes, attendant les événements.

Louis XII avait conduit ses soldats lui-même; c'est lui qui, à la journée d'Agnadel, passant à la tête de ses colonnes dans un moment où, dirigés par un brave général, Barthélemy d'Alviane, les Italiens avaient l'avantage, s'écriait : «Que quiconque avoit peur eût à se mettre derrière lui, et que vrai roi de France ne mouroit point de coup de canon.» Après avoir pris possession de Crémone et des autres terres qu'il réclamait, il s'en revint en France, laissant chacun de ses alliés saisir ce qu'il voulait des dépouilles du vaincu.

Mais, débarrassé du plus terrible et du plus acharné de ses ennemis, le sénat de Venise releva la tête. S'étant rapproché du pape, qui, ayant repris ses terres de Faenza et de Rimini, ne souhaitait plus que l'expulsion des étrangers, il recommença vigoureusement les hostilités contre l'Autriche. Après avoir perdu Padoue, Vérone et Vicence, dont une petite armée autrichienne s'était emparée, il reprit la première de ces villes. Maxi

milien résolut de la ravoir. Il parvint à rassembler quatre-vingt mille hommes de troupes allemandes, soutenus de deux cents canons et de quinze à vingt mille Français; puis, croyant tout emporter avec cette force énorme, il vint mettre le siége devant Padoue; mais la noblesse vénitienne qui s'y était renfermée fit une défense héroïque, et les assiégeants se retirèrent après vingt jours d'inutiles efforts (15 sept.-3 octob. 1509).

Cette guerre se poursuivit avec acharnement, et durant plusieurs années ensanglanta tout le nord de la Péninsule. Les Vénitiens, d'abord seuls contre tous, se raffermirent peu à peu. Le grand pape Jules II, fidèle à leur alliance par la haine qu'il portait à tous les envahisseurs étrangers, couvrit Venise de la protection du saint-siége, lui procura l'appui de la partie dévote de la Suisse, la coopération des Espagnols du royaume de Naples, et, se mettant lui-même, malgré son âge, à la tête de ses troupes, il fit la guerre en personne aux généraux de Louis XII. Ses forces ne répondaient pas à son courage; mais il appelait à son aide les armes spirituelles et une infatigable activité diplomatique. A la fin de l'année 4544, Louis, qui n'avait d'abord combattu qu'à contre-cœur le chef de l'Église, se voyait à son tour entouré d'une coalition dans laquelle Jules II avait fait entrer jusqu'au nouveau roi d'Angleterre, Henri VIII, et faisait menacer la Guyenne d'une expédition anglaise. Cette coalition s'appelait elle-même la «< Sainte Ligue. » Louis avait essayé d'abord de résister par des moyens pacifiques, en opposant aux bulles pontificales une assemblée d'évêques français tenue à Tours (sept. 4540), puis un concile schismatique rassemblé à Pise (sept.-nov. 4544). Mais, sur ce terrain, le pontife triompha sans peine : l'assemblée gallicane de Tours produisit docilement les réponses que le roi lui dicta; mais les évêques de Bretagne, également dociles aux ordres de leur duchesse la reine Anne, protestèrent en faveur de l'autorité papale; quant au concile de Pise, il tomba sous le faix d'une impuissance voisine du ridicule.

Le roi ouvrit donc l'année 4542 par un redoublement de vigueur dans la conduite des opérations militaires. Le chef de ses troupes en Italie, Charles d'Amboise, gouverneur du Milanais, était mort (en mars 1541) découragé de ses insuccès et des difficultés de sa position. Louis le remplaça par son neveu Gaston de Foix, duc de Nemours, fils de Marie d'Orléans et de Jean de Foix, vicomte de Narbonne. Gaston, jeune homme de vingt-deux ans à peine, se trouva être un héros. En quelques jours il fit des prodiges; il repoussa, moitié de gré, moitié de force, les Suisses, qui menaçaient Milan; courut à Bologne, que la Sainte Ligue assiégeait, et la délivra (7 févr.); de là il se jeta sur Brescia, qui s'était donnée aux Vénitiens, et qu'il saccagea avec férocité (49 fév.); puis il marcha droit à l'armée hispano-papale pour frapper un grand coup. En effet, il la tailla en pièces dans une glorieuse et sanglante bataille qu'il lui livra sous les murs

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