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bien perdue; car, ainsi que nous donnions la chasse (aux fuyards), M. de Nemours vint trouver quelques gens de pied qui se rallioient; si voulut donner dedans; mais le gentil prince se trouva si mal accompagné qu'il y fut tué. Dont, de toutes les desplaisances et deuils qui furent jamais faits, ne fut pareil que celuy qu'on a démené et qu'on démène encore en nostre camp; car il semble que nous ayons perdu la bataille. Bien vous prometsje, Monsieur, que c'est le plus grand dommage que de prince qui mourut cent ans a, et s'il eust vécu âge d'homme, il eust fait des choses que oncques prince ne fit; et peuvent bien dire ceux qui sont de deçà (en Italie) qu'ils ont perdu leur père;

et moi, Monsieur, je n'y sçaurois vivre qu'en mélancolie, car j'ay tant perdu que je ne le vous sçaurois écrire.»>

Cette grande perte rendit en effet la victoire inutile. Le brave Jacques de Chabannes, sire de la Palisse, remplaça Gaston de Foix; mais il fut obligé de rétrograder pour n'être pas pris entre les Espagnols et les Suisses. Ceux-ci étaient de nouveau descendus de leurs montagnes, ramenant avec eux le fils de Ludovic le More, Maximilien Sforza, pour lui conquérir le duché de Milan. L'empereur Maximilien agissait de concert avec eux. La Palisse, que la désertion avait affaibli pendant sa retraite, et qui n'avait plus que huit à dix mille hommes, se retira tout à fait, laissant seulement des garnisons dans les citadelles de Crémone, de Milan et de Novarre, et abandonnant à leur sort le duc de Ferrare et la république florentine, ses alliés. Le pape Jules II put voir en mourant (24 janvier 1543) son œuvre presque accomplie, les étrangers chassés de l'Italie, et Maximilien Sforza investi par la Sainte Ligue du duché de ses pères.

Ce n'était cependant qu'une partie des revers de Louis XII. Henri VIII, qui rêvait de renouveler aux dépens des provinces françaises les anciens exploits de l'Angleterre, lui avait déclaré la guerre. Il avait envoyé ses flottes inquiéter les côtes de la Bretagne, et appuyer du côté de la Guyenne un mouvement plus sérieux de Ferdinand le Catholique. Ferdinand, qui convoitait depuis longtemps la Navarre espagnole, trouva dans la mort de Gaston de Foix, dont la sœur, Germaine de Foix, était sa femme, un prétexte pour envoyer dans ce pays une armée, et bientôt pour en chasser le roi titulaire, Jean de Foix, que la France soutenait, mais auquel elle n'envoya de secours que lorsqu'il n'était plus temps. C'est depuis lors que la haute Navarre et Pampelune, sa capitale, sont demeurées espagnoles.

Entouré d'ennemis de toutes parts, et ne voulant pas encore renoncer à ses droits sur le Milanais, Louis revint à ses alliés naturels, les Vénitiens, et se décida, non sans peine, à conclure avec eux (24 mars 1543) un traité d'après lequel il leur abandonnait le Crémonais et devait recommencer, de concert avec eux, la conquête de son duché. Ceux-ci le préféraient toujours à l'empereur, et les malheureux Lombards faisaient des voeux pour son retour depuis qu'ils se voyaient livrés, par la restauration de Sforza, à la brutalité des hallebardiers suisses, plus terrible encore que celle des gendarmes français. Une armée française se dirigea donc d'Asti sur Alexandrie, puis sur Novarre, pendant que les troupes vénitiennes s'avançaient du côté de Vérone. La première était conduite par ce même Louis de la Trémouille qui avait si heureusement ouvert la même campagne, par le même chemin, quatorze ans auparavant. Comme jadis, les Italiens s'empressèrent d'envoyer à sa rencontre pour offrir leur soumission, et Maximilien Sforza vint, comme avait fait son père, s'enfermer à No

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varre avec les Suisses qui le défendaient. Mais les Suisses qui avaient vendu Ludovic le More n'étaient inspirés que par la passion du lucre; dans la lutte à laquelle ils prenaient depuis treize ans une part si active, ils s'étaient formé des idées plus hautes; ils s'enorgueillissaient du titre de défenseurs du saintsiége que Jules II leur avait décerné; ils avaient reculé les limites de leur pays du côté de Bellinzona et de la Valteline; ils étaient animés enfin par la pensée de dominer eux-mêmes en Italie plutôt que de verser leur sang pour y asseoir la domination française. L'armée de la Trémouille était campée à la Riotta, près Novarre, quand le matin, 6 juin 1543, les Suisses sortirent en silence de la ville au nombre de vingt mille hommes, s'avancèrent jusqu'en vue du camp ennemi à la faveur d'un petit bois qui les couvrait, et de là s'élancérent, tête baissée, sur l'artillerie française, quoiqu'elle emportât, par files entières, ces fantassins qui n'avaient pas un canon avec eux. Le camp de la Trémouille fut culbuté, toute son artillerie prise, ses soldats allemands ou gascons taillés en pièces, et ses gens d'armes battirent en retraite jusqu'en deçà des Alpes, bien que les Suisses, n'ayant pas non plus de cavalerie, ne pussent les poursuivre.

Telle fut la triste issue des efforts persévérants de Louis XII pour implanter sur le sol italique la prédominance française.

LOUIS XII REJETÉ définitivemenT DE L'ITALIE.— SA MORT. PROSPÉRITÉ INTÉRIEURE SOUS SON RÈGNE.

La défaite de la Riotta était due en partie à l'insuffisance des moyens que le roi avait mis à la disposition de son général pour attaquer le Milanais, la France étant attaquée elle-même ou menacée de tous les côtés à la fois. On craignait, du côté des Pyrénées, la perfidie bien connue du roi d'Aragon. On craignait pour la Guyenne; les flottes anglaises débarquaient des troupes à Calais et se montraient tout le long des côtes. La marine française, qui n'en était pas à ses débuts, comme on l'a vu plus haut (p. 3), les affronta glorieusement, quoiqu'elle fût bien inférieure en force. Sir Edward Howard, amiral anglais, qui venait inquiéter la Bretagne, fut battu dans le port du Conquêt par un hardi marin gascon, Préjean de Bidoulx (25 avril 4513), et mourut quelques jours après de ses blessures. L'amiral de Bretagne, Hervé Primauguet, à la tête d'une vingtaine de navires, rencontra, peu de mois après (10 août), à la hauteur de l'île d'Ouessant, toute la flotte anglaise, composée de quatre-vingts voiles, et, ayant pour aide un vent favorable, n'hésita pas à courir au combat. Il montait la Cordelière, « navire surpassant les autres en grandeur, que la reyne Anne avoit fait construire et équipper. Se voyant investi de dix ou douze navires d'Angleterre, et n'ayant moyen de se développer, il voulut vendre sa mort; car ayant acroché la Régente d'Angleterre, qui étoit la prin

cipale nef des Anglois, il jetta feu de sorte que la Cordelière et la Régente furent bruslées et tous les hommes perdus tant d'une part que de l'autre. » (Mart. du Bellay, liv. Ier.) Le reste des vaisseaux bretons et normands purent regagner la côte, grâce à l'héroïsme de leur commandant.

Quelques jours après (16 août) eut lieu la déroute à laquelle est resté dans l'histoire le triste nom de « journée des éperons. » Les troupes anglaises débarquées à Calais avaient été, dès le 17 juin, mettre le siége devant Térouanne; elles étaient commandées par Henri VIII en personne et par l'empereur Maximilien son allié, qui était venu lui faire l'honneur de se ranger sous ses ordres, et à sa solde, en simple volontaire. Louis XII avait dirigé une armée au secours de la place. La gendarmerie française exécuta un mouvement simulé vers les hauteurs de Guinegate, pour favoriser le ravitaillement des assiégés; mais au retour elle se vit coupée par un corps considérable des ennemis. Les généraux, qui avaient reçu du roi l'ordre d'éviter tout engagement sérieux, commandèrent la retraite; mais cette retraite subite exécutée en présence des assaillants se changea, au bout de peu d'instants, en une fuite immense qui emporta tout, au grand galop, jusqu'au camp. Quelques braves, qui essayérent vainement d'arrêter cette panique, et voulurent du moins se servir de leurs épées plutôt que de leurs éperons, Bayard, la Palisse, Longueville, la Fayette, parvinrent à amortir l'effort des Anglais, mais restèrent prisonniers. Térouanne se rendit et fut rasée. Henri VIII alla ensuite mettre le siége devant Tournai, dont il s'empara aussi (24 septembre), et heureusement il fut rappelé en Angleterre par une diversion des Écossais. Pendant que ces choses se passaient dans le Nord, les Suisses, excités par l'empereur et par Marguerite d'Autriche, avaient osé envahir la Bourgogne et envoyer une armée formidable devant la riche et populeuse cité de Dijon, qui n'avait que de faibles remparts et peu de défenseurs (7 septembre). L'alarme y fut extrême. La Trémouille, gouverneur de la province, était parvenu à s'y jeter avec quelques milliers d'hommes; mais il jugea plus prudent de traiter que de combattre, et, profitant de la loyale simplicité des Suisses en matière diplomatique, il eut l'adresse de les renvoyer chez eux avec un traité dérisoire de pacification générale (traité de Dijon; 48 septemb.) et de belles promesses que, plus tard, le roi ne voulut pas ratifier.

La mauvaise saison venue, les ennemis de la France s'étaient ajournés au printemps pour recommencer de concert leurs hostilités; mais l'hiver rasséréna l'horizon politique. Le successeur de Jules II, le pape Léon X, brillant admirateur des arts et des lettres, n'avait cependant pas le génie de son prédécesseur au lieu de rêver comme lui l'indépendance et la grandeur de l'Italie, il était surtout préoccupé de grandir sa propre famille, celle des Médicis, et cherchait à se rapprocher de

Louis XII pour s'en faire un appui. Il travailla donc sincèrement à procurer la paix, dont le roi de France avait besoin, et traita pour sa part avec lui (mars 4544). Celui-ci s'était montré fort blessé de ce que, dans le traité de Dijon que les Suisses avaient cru conclure, on avait stipulé qu'il renonçait à tous ses droits sur le duché de Milan; mais les événements le conduisaient forcément à ce résultat. De guerre lasse, il laissa pour quelque temps le fils de Ludovic le More paisible possesseur du Milanais, et acquit à ce prix la neutralité du pape, des Suisses et de l'empereur.

Anne de Bretagne mourut le 9 janvier 4544. La fin de son influence, qui, sur le trône même de France, avait toujours été si peu française, parut au plus grand nombre un bonheur dont le premier effet fut de permettre enfin l'accomplissement du mariage de Madame Claude avec François d'Angoulême. Leur union fut célébrée le 18 mai à SaintGermain-en-Laye. La mort de la reine eut aussi pour conséquence de suggérer les bases d'une paix sérieuse entre la France et l'Angleterre. Henri VIII avait accordé Marie, sa sœur, à l'archiduc Charles d'Autriche; mais, fatigué des lenteurs qu'on apportait à réaliser ce mariage et des menées perpétuellement astucieuses de Maximilien et de Ferdinand, il prêta l'oreille à des propositions toutes différentes. Des seigneurs français, prisonniers à Londres depuis l'affaire de Guinegate, principalement le duc de Longueville, qui jouait habituellement à la paume avec lui, cherchèrent à le rapprocher de leur souverain; «<et ledit sieur (de Longueville), qui estoit homme sage et de bon esprit, mena tellement l'affaire, de poste en poste, que le mariage feust conclud de madame Marie d'Angleterre et du roy de France.» (Fleuranges.) Les deux époux, âgés, le mari de cinquante-trois ans, et la femme de seize, furent unis, le 9 octobre, à Abbeville, où on leur fit, au bruit de la joie populaire, « des nopces triomphantes. »>

Mais Louis n'avoit pas grand besoin d'estre marié, pour beaucoup de raisons, et aussi n'en avoit-il pas grant vouloir; mais parce qu'il se voyoit en guerre de tous costez, qu'il n'eust pu soustenir sans grandement fouller son peuple, ressembla au pellican. Car après que la reine Marie eust fait son entrée à Paris, et que plusieurs joustes et tournois furent achevez, qui durèrent plus de six sepmaines, le bon roy, qui à cause de sa femme avoit changé toute manière de vivre (car, où souloit disner à huyt heures, convenoit qu'il disnast à midy, et où il souloit se coucher à six heures du soir, souvent se couchoit à minuyt), tomba malade à la fin du moys de décembre; de laquelle maladie tout remede humain ne le put garantir qu'il ne rendist son âme à Dieu, le premier jour de janvier (1545), après la minuyt. »

Le loyal serviteur du chevalier Bayard, qui rapporte ainsi la mort du roi en faisant l'histoire de son maître, y ajoute ce portrait du défunt : « Ce fut en son vivant ung bon prince, saige et vertueux.

Plusieurs victoires obtint sur ses ennemys; mais, sur la fin de ses jours, fortune luy tourna un peu son effrayé visaige. Il fut plainct et ploré de tous ses subjects, car il les avoit tenus en paix et en grande justice; de façon que, après sa mort, et toutes louanges dictes de luy, fut appelé Père du peuple.»- Le dict feu roy estant au château des Tournelles de Paris, dit un second chroniqueur, feust commencé à luy faire son enterrement, comme on a de coustume faire aux autres rois ; qui sont belles cérémonies et antiques. Et en portant son corps des dictes Tournelles à Nostre-Dame, avoit gens devant avecques des clochettes, lesquelles sonnoient. Et crioient : «Le bon roi Louis, » père du peuple, est mort!» (Fleuranges.)

La douleur publique était sincère. Beaucoup de gens blâmaient le défunt des guerres malheureuses qu'il avait faites en Italie, «disant qu'il debvoit, ainsi que feit le roy Louys onziesme, borner son royaume et non point sortir dehors »; mais la France en avait peu souffert, et la tranquillité, relative des trois derniers règnes, du dernier surtout, après les désastres précédents, l'avait portée à un degré de prospérité inouï jusqu'alors. Un contemporain, Claude de Seyssel, gentilhomme et bel esprit savoyard que Louis XII s'était attaché, et qu'il avait fait évèque de Marseille, nous a laissé de cette phase heureuse le tableau suivant, qui, pour avoir été tracé du vivant du roi, et d'une plume enthousiaste, n'en est pas moins conforme à la vérité :

« Vray est qu'il est plus pompeux en habillemens (Louis XII) et accoutremens de sa personne que ne feut le dict roy Louys onziesme. Car sans point de faulte celuy-ci feut en celle partie trop extresme; tellement qu'il sembloit bien souvent mieulx un marchand ou homme de basse condition que un roy; qui n'est pas bien séant à un grand prince. Mais le roy qui est à présent ha en cecy gardé tellement la médiocrité que on ne luy pourroit imputer d'estre excessif en trop, ne en peu. Aussi l'ha-il gardé touchant la despense de bouche dont l'autre estoit par trop excessif et curieux. Et néantmoings ha tenu tels moyens que son royaume est beaucoup plus riche d'argent et de toutes choses qu'il ne feut jamais auparavant; quoyque veuillent maintenir plusieurs gens au contraire, disant que les guerres d'Italie ont espuisé ledict royaume d'argent. Et pour monstrer qu'ainsi soit comme je dis, l'on veoid généralement par tout le royaume bastir grands édifices tant publiques que privez, et sont pleins de dorures, non pas les planchers tant seulement et les murailles qui sont par le dedans, mais les couvertes, les toits, les tours et images qui sont par le dehors. Et si sont les maisons meublées de toutes choses trop plus somptueusement que jamais ne feurent. Et use-l'on de vaisselle d'argent, en tous estats, sans comparaison, plus qu'on ne souloit, tellement qu'il ha esté besoin sur⚫ cela faire ordonnance pour corriger cette superfluité. Car il n'y ha sorte de gens qui ne veuillent

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des femmes trop plus grands, et le prix des héritages et de toutes autres choses plus hault. Et si trouve-l'on assez plus de vendeurs que d'acheteurs.

(1) Ce monument, l'un des plus beaux de la renaissance, fut exécuté, de 1517 à 1518, par ordre de François Ier. Il est tout entier en marbre d'Italie. On l'avait attribué d'abord, par erreur, à Paul Ponce Trebati; on paraît unanime aujourd'hui pour faire honneur à la fois de la composition et de l'exécution au statuaire français Jean Juste, de Tours, et à son frère Antoine. Les bas-reliefs représentent l'entrée de Louis XII à Milan, la journée où il força le passage des montagnes de Gênes, et la bataille d'Agnadel.

Et, qui est chose trop apparente, le revenu des bénéfices, des terres et des seigneuries est creu partout généralement de beaucoup. Et plusieurs en y ha qui à présent sont de plus grand revenu par chascune année qu'ils ne se vendoient, du temps mesme du roy Louys onziesme, pour une fois. Et pareillement les fermes des gabelles, péages, greffes et de tous autres revenus sont augmentées bien grandement et en plusieurs lieux plus de deux tiers; en autres, de dix parts les neuf. Aussi est l'entrecours de la marchandise tant par mer que par terre fort multiplié. Car pour le bénéfice de la

paix qui ha esté de ce règne, et pour l'auctorité et réputation que les François ont eu en Italie, Allemaigne, Espaigne, Angleterre et autres pays et provinces tant maritimes que terrestres, toutes gens (excepté les nobles, lesquels encore je n'excepte pas tous) se meslent de marchandise. Et pour un marchand que l'on trouvoit du temps dudict roy Louys onziesme, riche et grosser à Paris, à Rouen, à Lyon et austres bonnes villes du royaume, l'on en trouve de ce règne plus de cinquante; et si en ha par les petites villes plus grand nombre qu'il n'en souloit avoir par les grosses et principales citez. Tellement qu'on ne faict guère maison sur rue qui n'ait boutique pour marchandise ou pour art mécanique. Et font à présent moins de difficulté d'aller à Rome, à Naples, à Londres et ailleurs de là la mer, qu'ils faisoient autresfois d'aller à Lyon ou à Genève. Tellement que aucuns en y ha qui, par mer, sont allez chercher et ont trouvé des terres nouvelles. Car la renommée et l'auctorité du roy à présent régnant est si grande, que ses subjects sont honnorez et supportez en tous pays, et n'y ha si grand prince qui les osast outraiger ni permettre qu'ils le feussent en sa terre et seigneurie. L'on veoid aussi par tout le royaume faire jeux et esbattemens à grands frais et cousts, qui sont choses qui jamais ne se feirent, ne se peuvent faire en pays pauvre. Et si, suis informé par ceulx qui ont principale charge des finances du royaume, gens de bien et d'auctorité, que les tailles se recouvrent à présent beaucoup plus aisément et à moins de contraincte et de frais, sans comparaison, qu'elles ne faisoient du temps les rois passez. »

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François, comte d'Angoulême et duc de Valois, était cousin du roi défunt. Il descendait comme lui du frère de Charles VI, Louis d'Orléans, et de la belle Valentine de Milan; Jean, comte d'Angoulème, son grand-père, était le frère cadet du poëte Charles d'Orléans, père de Louis XII.

Ce nouveau roi de France était alors un jeune homme de vingt ans, grand, brun, adroit et fort, « le plus bel homme de son royaume, de bone grace, bien parlant, dextre de sa personne fust à pied ou à cheval, hardy en guerre plus que sage, amateur de touttes sciences et artz, et en icelles moyennement instruit luy mesme; il estoit libéral, magnanime, humain, et bref, de touttes vertus accompli, horsmis qu'il estoit subject à volupté. » (Chron. de Bonivard.) Son air chevaleresque, ses qualités brillantes, son goût des lettres et des arts, les craintes qu'avaient longtemps inspirées les desseins ténébreux d'Anne de Bretagne, toutes les circonstances de sa vie, conspiraient pour que ce jeune homme fût idolâtré. « Jamais roi n'avoit été vu en France de qui la noblesse s'éjouit tant. »> (Loyal servit. de Bayard.)

Les fêtes de l'avénement remplirent magnifiquement les premiers mois du règne. Louis XII, par compassion pour le peuple, qui portait tout le poids des impôts, s'était montré d'une extrême parcimonie; l'un de ses mots les plus heureux fut qu'il aimait mieux faire rire les courtisans par son avarice que faire pleurer le peuple par ses prodigalités. Son successeur se gouverna par d'autres maximes. Il ne se borna pas à vouloir être magnifique. Marié depuis quelques mois à peine avec une jeune fille de seize ans, François commença néanmoins à étaler ces mœurs légères qui ne l'abandonnèrent pas jusqu'aux derniers jours de sa vie, et qui ont attaché plus particulièrement à son règne un renom de galanterie dissolue. Ses amours adultères étaient déjà publiques à ce point qu'on les jouait, à Paris, sur le théâtre en plein vent de la place Maubert. Louis XII avait laissé une grande liberté aux « Enfants sans souci » et aux autres confréries qui, mêlant au rire « les choses morales et bonnes remonstrations », jetaient alors, dans leurs jeux grossiers, les fondements du théâtre moderne. François ayant appris les allusions que s'était permises à la place Maubert un prêtre nommé messire Cruche, grand fatiste, d'ailleurs, c'est-à-dire grand versificateur, « tost après envoya huict ou dix des principaux de ses gentilzhommes qui allèrent soupper à la taverne du Chasteau, rue de la Juifverie; et là fut mandé à faulces enseignes le dict messire Cruche, faignantz luy fayre jouer la dicte farce. Dont luy venu au soir à torches, il fut contrainct par les dictz gentilzhommes jouer la dicte farce; par quoy incontinent et du commencement, iceluy fut despouillé en chemise, battu de sangles merveilleusement et mis en grande misère. A la fin, il y avoit un sac tout prest pour le mettre dedans et le getter par les fenestres, et, finalement, pour le porter à la rivière; et eust ce esté faict, n'eust été que le pauvre homme cryoit très-fort, leur monstrant sa couronne de prestre qu'il avoit en la teste. Et furent ces choses faictes comme advouez de ce faire du roy.» (Journ. d'un bourg. de Paris.)

Après les plaisirs, la première pensée du roi fut de convoiter à son tour cette Italie qui avait si fatalement séduit ses deux prédécesseurs. Il avait d'ailleurs à les venger, et lui-même était avide de combats. «Il se voyoit paisible de tous côtés, jeune, riche et puissant homme et de gentil cœur, et gens autour de lui qui ne lui desconseilloient pas la guerre, qui est le plus noble exercice que peult avoir ung prince ou ung gentilhomme, quand c'est bonne querelle. » (Fleuranges.)

On fit promptement de vastes préparatifs. Le roi donna à Louise de Savoie, sa mère, l'administration et la régence (45 juillet ); à Antoine Duprat, premier président au Parlement de Paris, la principale place dans les conseils du royaume, avec le titre de chancelier; au duc Charles de Bourbon, l'épée de connétable, que personne n'avait portée depuis la mort de son cousin Jean de Bourbon (en

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