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mas de Lescun maréchal de Foix, le bâtard de Savoie, le comte de Saint-Pol, blessés à mort; une quantité d'autres pris, parmi lesquels se trouvaient le roi de Navarre, le duc de Nevers, le maréchal de Montmorency, le marquis de Saluces, le prince de Talmont, le vidame de Chartres, les

seigneurs de Brión, de Lorges, de la Rochepot, d'Annebault, de la Meilleraye, de Montpesat, de Boissy, le poëte Clément Marot et l'historien Fleuranges. Bonnivet, désespéré, se jeta au plus épais des ennemis pour ne pas survivre au désastre. Huit mille autres Français périrent; les Impériaux

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Portrait de François Ier.

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- D'après une peinture du temps, conservée au Musée du Louvre sous le no 109, et attribuée à Clouet, dit Jeanet.

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ne perdirent que sept cents hommes. Le roi, blessé à la jambe et au visage, fut forcé de rendre son épée à Lannoy, vice-roi de Naples, et de se reconnaitre prisonnier de l'empereur. Son orgueil était brisé. Il écrivit à sa mère, étant gardé dans une Lente devant Pavie, c'est-à-dire presque au sortir

du combat, une lettre qui longtemps a passé pour ne contenir que ces mots : « Madame, tout est perdu fors l'honneur », et cette forme, qui touchait au sublime, l'avait rendue populaire; mais le sublime, ici, était de l'invention d'un historien du dixseptième siècle (le P. Daniel), et le prisonnier

écrivit à Louise de Savoie, pour la rassurer, quelques mots plus simples (1). Il fit aussi porter à Charles-Quint, en Espagne, le billet suivant :

« Si plustost la liberté par mon cousin (2) et le vice-roy de Naples m'eust été donnée, je n'eusse si longuement tardé envers vous faire mon devoir comme le temps et le lieu où je suis le méritent, n'aiant autre confort en mon infortune que l'estime de vostre bonté, laquelle, si luy plaist, usera par honnesteté à moy de l'effect de la victoire, aiant ferme espérance que vertu ne vouldroit me contraindre de chose qui ne fut honneste; vous suppliant de juger de vostre propre cœur ce qu'il vous plaira faire de moy, estant seur que la volonté d'un tel prince que vous estes ne peut estre accompagnée que d'honneur et magnanimité. Parquoy, s'il vous plaist, moiennant la seureté que mérite la prinse d'un roy de France, lequel on veult rendre amy et non désespéré, povez estre seur de faire un acquest: au lieu d'un prisonnier inutille, de rendre à jamais un roy vostre esclave. Doncques pour ne vous ennuier plus longuement d'une fàcheuse lettre, fera fin avec ses humbles recommandations à vostre bonne grâce, celuy qui n'a aise que d'atendre qu'il vous plaise le vouloir nommer, en lieu de prisonnier, vostre bon frère et amy, FRANÇOIS. »

Sous l'élégance un peu ampoulée de ce langage, qui était selon la mode du temps, il est facile de sentir la contrainte douloureuse et même la prière. Mais François se retrouve tout entier dans cette noble adresse qu'il envoya quelques jours après aux seigneurs et aux parlements du royaume :

<< Mes amys et bons subjets, soubs la coulleur d'autres lettres j'ai eu le moyen et la lyberté de vous pouvoyr escryre, estant seur de vous rendre grant plesyr de savoyr de mes nouvelles, lesquelles, selon mon infortune, sont bonnes, quar la santé et l'onneur, Dieu mercy, me sont demeurés sains, et entre tant d'infélisytez n'ay receu nul plus grant plesyr que savoir l'obéissance que portez à Madame, en vous monstrant bien estre vrays loyaulx subjetz et bons Françoys, la vous recommandant tousjours et mes petys enfans qui sont les vostres et de la choze publyque, vous asseurant qu'en contynuant en dylygence et démonstrassyon qu'avez fet jusques icy, donerés plus grant envie à nos ennemys de me delivrer que de vous fere la guerre. L'empereur m'a ouvert quelque party pour ma delivrance, et ay espérance qu'il sera raysonnable et que les choses bientost sortyront leur effet; et Coyez seurs que comme pour mon honneur et celluy de ma nassyon, j'ay plustost esleu l'onneste pryson que l'onteuse fuyte, ne sera jamès dyt que sy je n'ai esté si eureulx de fayre bien à mon royaulme,

(1) Commençant ainsi : « Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie, qui est sauve, et pour ce, en vostre adversyté, ceste nouvelle servira quelque peu de reconfort... » (*) Charles de Bourbon.

que pour envye d'estre délivré je y face mal; se estimant bien eureulx pour la lyberté de son pays toute sa vie demeurer en pryson, votre roi, » FRANÇOYS. »

La France ne fut pas assaillie sur son territoire par la coalition victorieuse. Les deux partis étaient également épuisés par la lutte, et les espérances de l'ennemi semblaient dépassées sans qu'il eût besoin de continuer la guerre. La consternation se répandit dans le royaume avec la nouvelle du désastre, et il y eut un moment d'anarchie. Chaque ville, croyant déjà les Impériaux ou les Anglais à ses portes, tacha de pourvoir d'elle-même à sa défense. Le Parlement de Normandie déclara que les deniers de la province n'en sortiraient plus, et qu'ils serviraient à lever des troupes pour elle; celui de Paris, adjoint aux notables de la ville, saisit de même les deniers publics, et excita le duc de Vendôme, le plus considérable des princes du sang, à enlever le pouvoir à la régente. Les soldats, peu ou point payés, se répandaient dans les campagnes et se livraient au pillage; des gens d'armes logés dans Montargis la brûlèrent (27 juillet) parce que les habitants ne voulaient pas leur donner d'argent. D'autres, au nombre de six à sept mille hommes, ravagèrent Chartres, Meaux, Provins, Melun, «et faisoient des maulx infinis et disoient estre d'ordonnance et au roy et qu'ils n'estoient point payez, et n'y sçavoit on mettre remède, au moyen du gros nombre qui y estoit. >> « Le mercredi vingt et unième jour de juing, M. le comte de Braine, gouverneur de Paris, M. Morin, prevost des marchans de la ville, avec les archers, arbaletriers et hacquebutiers de la dite ville, partirent pour aller à l'encontre de plusieurs gens d'armes italiens et françois qui estoient à l'environ de Paris, à quatre ou six lieues de Pontoyse et autres lieux voisins, qui faisoient beaucoup de maulx ès villes et villages, tant en bruslemens, pilleries et violations de femmes et meurtres. Et fut dit qu'il vouloient prendre par force les religieuses de l'abbaye de Maubuisson, près Pontoyse, et vouloient entrer dedans Pontoise, mais ilz ne purent. Il en fut pendu quelque nombre et en fut amené environ trente qui furent menez au petit Chastelet de Paris, pour faire leur procès; et estoient gens d'armes qui revenoient delà les monts de la journée de Pavie.» (Bourg. de Paris.)

L'imminence du péril rapprocha les esprits; toutes les forces vives du pays se groupèrent autour de la régente; le duc de Vendôme fut le premier à lui apporter son concours; Lautrec fit de même, quoiqu'il eût en elle une ennemie déclarée, et la régente, de son côté, oublia ses inimitiés et ses préférences. Dans ces circonstances difficiles, Louise de Savoie, inspirée par le sentiment maternel, déploya, pour fortifier le royaume, pour délivrer son fils et pour chercher des appuis, une intelligence et une vigueur inattendues. Les ennemis, du reste, vinrent d'eux-mêmes à son aide. Florence, Venise et le pape, étant les plus proches,

furent les premiers effrayés de ce qu'une victoire de hasard eût porté si haut tout d'un coup le prestige de Charles-Quint. Henri VIII ouvrit également les yeux à l'évidence, et trouva plus sûr pour lui de laisser à la France ses provinces que de la démembrer au profit d'un voisin déjà colossal. Il signa, dès le 30 août, un traité de neutralité dans lequel il avait fait insérer, comme condition, que la France n'acceptât aucune diminution de territoire pour la délivrance de son roi. Ainsi commençaient à se poser d'elles-mêmes les bases du système moderne de la sécurité des États européens fondée sur un mutuel équilibre. D'autres idées d'une nouveauté bien plus étrange apparaissent en même temps. Le très-chrétien roi de France, qui avait aspiré, comme ses prédécesseurs, à se mettre à la tête de l'Europe pour refouler les Turcs loin des frontières de la Hongrie, s'efforça, au contraire, une fois prisonnier, de nouer des intelligences avec eux. Il ne craignit pas de solliciter du sultan Soliman II une diversion contre l'Autriche, et d'établir avec lui des relations amicales qu'il entretint pendant tout son règne, au grand scandale des vrais chrétiens et en dépit de ses propres préjugés.

Charles-Quint accueillit avec une modération hypocrite la nouvelle du triomphe qui lui avait si peu coûté. «Madame la régente, écrivit-il, j'ay receu voz lettres gracieuses et piteuses pour l'infortune survenue au roy vostre fils. Il m'a despleu que d'heure (1) il n'a voulu entendre à la paix d'entre luy et moy et conséquemment de toute crestienté; laquelle sçavez mieux que autre ay pourchassée de mon pouvoir sans avoir esté ouy de vostre fils; mais Dieu qui est conservateur du sang humain, qui cognoist ma vraie intention, m'a de sa grâce donné victoire, de laquelle ne veulx user par vouloir extrême, mais persévérer en ce bon vouloir de la paix universelle. »> Son bon vouloir fut celui d'un homme résolu à tirer de sa grasse fortune tout le gain possible. Le 28 mars, il envoya de Madrid à ses ambassadeurs, pour traiter de la rançon de son prisonnier, des instructions dans lesquelles il commençait par établir qu'en droit la France lui appartenait tout entière. Voici comment, en effet, il argumentait dans cette pièce curieuse : « Combien que, selon les anciennes querelles, pourrions non-seulement demander ce qui nous appartient à cause de nos traités de Bourgogne faits avec nos prédécesseurs, mais encore eussions licitement pu prétendre tout le demeurant, attendu que peult apparoir comme pape Boniface VIII priva le roy Philippe le Bel de tout le royaulme de France et de tout ce qu'il tenoit et le adjugea et concéda à l'archiduc Abel d'Austriche, duquel nous sommes successeur tant en l'empire que en son patrimoine. Et n'est cestuy moindre tiltre que celuy par lequel le pape Zacharie priva le roy Childerich dudict royaulme de France et le conceda au roy Pepin, duquel ont prétendu droit

(*) Quand il en était temps. (Voy. p. 32.)

tous les roys de France. Et c'est le mesme tiltre par lequel fut occuppée la comté de Tholoze, lors appartenant au roy d'Arragon, duquel sommes successeur en la couronne; à cause de laquelle pourrions aussy licitement prétendre la visconté de Narbonne et tout le pays de Languedoc. Et oultre ce pourrions prétendre les comtés de Champaigne et de Brie, desquelles fut faite concession à madame Jehanne, reine de Navarre, fille du roy Louis Hutin, procréée de feu madame Marguerite de Bourgongne, qui lors prétendoit la succession du royaulme de France. Aussy pourrions licitement prendre à cause du saint empire tout le Daulphiné, lequel estant par le daulphin Humbert baillé au fils aisné des rois de France à telle condition qu'il ne pust estre uni ny annexé de la couronne de France, ains deust toujours demeurer à la personne du fils aisné ou premier successeur de la dite couronne, avec obligation d'en faire le debvoir au saint empire; et pour non l'avoir faict pourrions prétendre à la dévolution et commise du dict Daulphiné. Et sous couleur de ces vieilles querelles, comme provoquez, eussions licitement, en poursuyvant nos victoires, peu parvenir par armes à aultres prétentions. »>

« Néantmoins, ajoute Charles-Quint, pour demonstrer le grant desir que nous avons au bien de paix, pour éviter l'effusion de sang chrestien et pour employer les communes armes contre les infidelles, avons advisé de laisser à part toutes les dictes querelles plus vieilles et nous défendre seullement aux plus fraisches. »

Il se réduisait donc, dans sa prétendue modération, à vouloir seulement mettre à exécution les projets que la coalition avait formés avant la guerre, c'est-à-dire à demander pour lui, le duché de Bourgogne et tout ce que possédait Charles le Téméraire à l'époque de sa mort, y compris une partie de la Picardie; pour le roi d'Angleterre, ses anciennes provinces; pour le duc de Bourbon, la restitution de tous ses domaines, plus la Provence et la création d'une royauté indépendante; enfin, i exigeait que le roi de France renonçât à ses droits de suzeraineté sur la Flandre et l'Artois, à ceux qu'il prétendait sur Milan, Naples et Gènes, qu'il épousât Éléonore d'Autriche, sa sœur, et qu'à la tête d'une flotte et d'une armée de vingt mille hommes, il menât l'empereur à Rome pour son couronnement, ou le suivît comme son lieutenant dans une expédition contre les Turcs.

De pareilles propositions soulevèrent l'étonnement et la colère par toute la France. Malgré l'importance exagérée que les préjugés dynastiques attribuaient encore à la personne du roi, les plus intimes conseillers de la couronne refusèrent de traiter de la paix sur de telles bases. Le malheureux roi, désespéré, répétait qu'il passerait plutôt sa vie en prison, et parlait d'abdiquer. Mais il n'en parla pas longtemps; l'accomplissement d'un acte aussi réellement grand dépassait la force de son caractère. Sincèrement persuadé que la magnani

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présence de Lannoy, que le roi de France n'avait pas le pouvoir d'aliéner une province de son royaume. Du reste, sauf les aliénations de territoire, François offrait de tenir toutes les autres clauses du traité, et, pour la partie inexécutable, de payer un dédommagement de deux millions d'écus. Il avait aussi fallu des sommes énormes pour obtenir de Henri VIII un complet désistement de ses prétentions et la confirmation de ses dispositions pacifiques. Le premier soin de François Ier fut de ratifier l'alliance conclue avec ce prince. Il tourna ensuite ses regards vers l'Italie. Les malheureux Italiens, livrés sans défense aux brigandages de la soldatesque impériale et espagnole, recurent comme l'espoir du salut la proposition

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mité qu'il sentait en lui-même ne pouvait manquer absolument dans l'âme d'un puissant prince, il voulait voir Charles-Quint, s'entretenir avec lui. Il obtint du vice-roi de Naples, Lannoy, d'être conduit de la forteresse de Pizzighettone, près Milan, à Gênes; de là il fut embarqué pour l'Espagne, et, arrivé à Valence (fin de juin), il espéra. Six semaines après, on l'amena à Madrid, où on l'emprisonna dans une tour des remparts. Charles-Quint ne se démentit en rien de sa politique impitoyable; il ne se laissa point voir et maintint froidement toutes ses conditions. Alors François Ier fut saisi d'un découragement profond. Doutant de sa propre vertu, il prit en secret la précaution fàcheuse de protester d'avance entre les mains de l'un des ambassadeurs de France à Madrid, l'évêque d'Embrun, que s'il lui arrivait de consentir « par détention et longueur de prison » à céder la Bourgogne, ou à faire quelque autre concession exorbitante, cette concession serait nulle (16 août). Enfin, il tomba dangereusement malade. Jusqu'à ce moment, l'empereur avait vu tout marcher au gré de ses desseins; son prisonnier, déchiré par les souffrances morales, pouvait, dans un moment de défaillance, consentir à tout; mais il ne fallait pas que la mort vînt le lui ravir! Son cœur s'amollit quand il conçut la crainte de perdre son gage; il adoucit la captivité du malade, il permit à Marguerite d'Angoulême, sa sœur, qui attendait depuis longtemps un sauf-conduit à la frontière, de venir le consoler; lui-même, enfin, alla le voir (48 septembre) et lui donner quelques bonnes paroles.

TRAITÉ DE MADRID. PAIX DE CAMBRAI.

François revint à la vie; mais, avec la santé, il retrouva l'inexorable dureté de Charles-Quint. Il lutta encore, il rédigea et signa un acte d'abdication qu'il n'eut pas le courage d'envoyer. Le 43 janvier 4526, il renouvela devant ses plénipotentiaires les réserves peu loyales qu'il avait déjà faites contre les promesses qu'on lui arrachait, et le lendemain, 44, il signa le traité de Madrid, par lequel il accordait tout ce qu'avait exigé l'empereur, lui donnait ses deux fils pour otages de sa parole, et s'engageait à venir reprendre sa prison si, dans le délai de quatre mois, toutes les clauses convenues n'étaient pas exécutées. Charles-Quint ne s'était désisté de son obstination que sur un seul point: il avait renoncé à la cession de la Provence et sacrifié la royauté de son allié Bourbon.

TORE

Monnaie de François Ier (écu d'or pour le duché de Bretagne).

pour recommencer la lutte; et quand son ennemi le somma définitivement d'accomplir le traité de Madrid, l'accusant de manquer à sa parole, il répondit que l'empereur en avait « menti par la gorge», et tous deux s'adressèrent réciproquement une provocation de duel en champ clos, qui n'eut, du reste, aucune suite.

A peine François eut-il remis le pied sur la terre de France (18 mars), que les Espagnols purent juger de sa sincérité. Il devait ratifier le traité dans la première ville française où il entrerait. Rappelé à sa promesse en entrant à Bayonne, il répondit qu'il devait d'abord prendre l'avis de ses sujets de Bourgogne, ne pouvant les aliéner sans leur consentement. Puis il convoqua dans la ville de Cognac une assemblée de notables où il fut déclaré, en

Cependant l'Italie avait fait un effort de patriotisme; elle avait levé une armée purement ita(*) On croit que cette monnaie a été gravée par Matteo del Nassaro, graveur général des monnaies de France.

thériens, avides de signaler leur haine contre le catholicisme sur la terre qui en était comme la mère patrie. Leur chef, Georges de Freundsberg, ornait son cou d'une chaîne d'or qu'il avait fait faire exprès, disait-il, pour étrangler le pape. Bourbon feignit de se porter sur Florence, que le duc d'Urbin se hâta de protéger, puis, par un détour subit et une marche rapide, il arriva sous les murs de Rome avant que le pape fùt informé de son approche. Pour lui, prendre Rome c'était frapper la ligue au cœur, et peut-être s'assurer personnellement d'immenses avantages; car on dit qu'il roulait dans son esprit le vaste projet de fon

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Médaille de François Ier, par Benvenuto Cellini, conservée au cabinet des médailles de la grande Bibliothèque de Paris.

lienne, et prétendait chasser les bandes farouches qui l'opprimaient. Celles-ci étaient disséminées, sans chefs, sans discipline, et affaiblies par tous les excès; l'occasion était propice. Mais Charles de Bourbon, sur ces entrefaites, arriva d'Espagne, chargé de prendre le commandement au nom de l'empereur. Les Italiens, et surtout leur général, le duc d'Urbin, n'osèrent pas l'attaquer. Au mois de janvier 1527, Bourbon parvint à arracher de Milan ses troupes forcenées, dont il était à peine maître, et fit sa jonction, à Plaisance, avec un corps de douze à quinze mille lansquenets qui arrivaient d'Allemagne. C'étaient presque tous des soldats lu

ALORIT

der une royauté italienne. Mais personne n'a su ses secrets. Le lendemain (6 mai 1527), il posa la première échelle pour monter à l'assaut, et tomba mort le premier, frappé d'un coup d'arquebuse au flanc. Vivant, il aurait peut-être pu modérer ses compagnons, sa mort ne fournit qu'un prétexte de plus à leur fureur, et Rome fut livrée, sous les yeux du pape renfermé dans son château de SaintAnge, à toutes les horreurs d'un saccagement accompli par quarante mille hommes durant dix mois entiers. Elle n'avait pas tant souffert du temps des Goths et des Vandales. Charles-Quint désavoua hypocritement ce grand crime dont il profitait, et fit dire des messes pour la délivrance du saint Père.

Le roi François laissa éclater hautement son indignation, bien que la ligue eût été vaincue faute d'avoir obtenu les secours qu'il avait promis; et quand il était trop tard depuis longtemps (juillet 4527), il envoya Lautrec passer les Alpes avec vingtcinq mille hommes. Cette armée commença par des succès; elle s'empara cette fois de Pavie et pourchassa les Espagnols jusqu'à Naples; mais comme elle était mal payée, la désertion se mit dans ses rangs, puis la peste, qui emporta son général (46 août); elle finit par être entièrement dissipée.

Une seconde armée, de moitié moins forte, suivit la première, sous le commandement du comte de Saint-Pol, et voulut la rejoindre; mais elle en fut empêchée par les troupes impériales qui tenaient la Lombardie, et complétement mise en déroute au combat de Landriano, près Milan, où

Saint-Pol fut fait prisonnier par un habile capitaine espagnol, Antoine de Leyva (24 juin 1529).

Cette guerre interminable fatiguait l'Europe entière. On trouvait toujours des soldats pour la continuer, mais plus d'argent pour leur solde. L'Italie était épuisée par trente-cinq ans de ravages; la France commençait à renoncer à son espérance de s'étendre au delà des Alpes; CharlesQuint, triomphant sans avoir tiré l'épée, avait besoin de la paix pour résister au bouleversement que la réforme faisait naître en Allemagne, et au développement de la puissance ottomane, qui avait enfin brisé la Hongrie et venait maintenant assiéger Vienne. La tante de l'empereur, Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, et la mère de François Ier, se réunirent dans la ville impériale de Cambrai pour parvenir à une pacification sérieuse, en procédant à la révision du traité de Madrid. Elles furent les seuls diplomates employés dans cette affaire, et signèrent, le 5 août 4529, le traité de Cambrai, qu'on appela aussi «< la paix des dames.» Par ce traité, Charles-Quint abandonnait ses prétentions sur le duché de Bourgogne et rendait les deux fils du roi qu'il avait reçus en otages; la France acceptait tous les autres sacrifices exigés d'elle par le traité de Madrid.

Quelques années de tranquillité furent l'heureuse conséquence de cet événement. Tandis que Charles-Quint, rappelé en Allemagne par les discordes religieuses et par les progrès alarmants des Turcs, voyait s'écrouler ses rêves de monarchie

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