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disait, dans la cour du palais de Fontamebleau : « L'ennemi s'est rendu maître de Paris, il faut l'en chasser », toutes les voix répondaient : «< Vive l'empereur! Paris! Paris! » Mais il cède aux instances de Caulaincourt, aux menaces de Ney, Oudinot, Lefebvre, et abdique en faveur de son fils (4 avril). Il est trop tard encore; Marmont, qui garde Essonne et protége Fontainebleau, vient de traiter avec Schwarzenberg. Il se repent d'abord, et se réunit à Ney et à Macdonald pour plaider auprès du czar en faveur de la régence; mais ses lieutenants, pendant son absence, se retirent sur Versailles et découvrent Napoléon. Prié par les

alliés d'apaiser la mutinerie de ses troupes, qui croyaient marcher vers Fontainebleau, il obéit et retombe tristement dans la trahison.

Le 5 avril, Ney demanda brutalement une ab dication absolue; les maréchaux l'appuyèrent. « Vous voulez du repos, leur dit l'empereur, ayezen donc »; et il écrivit ce qu'on exigeait de lui. Dès lors les alliés ne s'occupèrent plus de Napoléon que pour fixer le lieu de son exil. Ses derniers amis, Macdonald, Caulaincourt, Gourgaud, se chargèrent de la triste négociation. Lorsqu'ils lui apportèrent le traité qui le confinait entre la Corse et l'Italie, entre son berceau et le théâtre

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de ses premiers triomphes, il refusa de le ratifier. Dans la nuit du 12 au 43, pour échapper aux humiliations qui l'entouraient, il prit un poison violent. Après de vives douleurs, il s'assoupit. Le matin, lorsqu'il s'éveilla, étonné de vivre, il signa le traité qu'il rejetait la veille, et parut s'abandonner à la fatalité. Après sept jours passés dans la solitude, délaissé même de Constant, son valet de chambre, et de son mameluk Rustan, il se décida au départ. Le 20 avril, il fit à sa garde des adieux touchants : « Si j'ai consenti à me survivre, c'est pour servir encore à votre gloire. Je veux écrire les grandes choses que nous avons faites

ensemble... Adieu, mes enfants, je voudrais vous presser tous sur mon cœur!» Il embrassa le général Petit, l'aigle, puis il partit pour l'île d'Elbe, dont les alliés lui donnaient la souveraineté. Ses derniers amis avaient envoyé leur adhésion all gouvernement nouveau; Soult, battu à Orthez, balança la fortune de Wellington à Toulouse (10 avril), et posa les armes. Eugène, vainqueur à Caldiero, au Mincio (8 février),.à Parme, reculait toujours. Il se retira enfin chez le roi de Bavière, son beau-père.

Le Sénat, en « appelant au trône Louis-StanislasXavier de France », avait nettement stipulé le

prix de son infamie : l'article 6 de sa constitution improvisée maintenait tous ses membres dans leurs offices et dotations. Ses prétentions déplurent aux << revenants », qui ne voulaient rien devoir qu'à leurs ancêtres; Louis XVIII, dont toute la force était dans l'hérédité, voulut rentrer sans condition dans son patrimoine. Toutefois le czar, flatté par la bourgeoisie instruite, feignit de se montrer favorable à la cause nationale, bien mal représentée par le Sénat; et le roi consentit à octroyer à ses sujets une ordonnance de réformation, datée de la dix-neuvième année de son règne, sans autre garantie que son bon plaisir.

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20 avril 1814.

3. Gagnist. del.

Adieux de Napoléon à sa garde dans la cour du château de Fontainebleau. D'après Horace Vernet.

Le régime arbitraire de la charte octroyée, fondé sur l'invasion, sur l'observation des dimanches, les processions (celles du vou de Louis XIII), la censure, l'intrigue et la routine, ne pouvait être ni glorieux ni durable. Déjà les constitutionnels, B. Constant, Lafayette, soutenus par Fouché, songeaient à couronner le duc d'Orléans; un autre parti, dont le chef était Carnot, se préparait à lutter contre les Bourbons. Enfin le peuple, ébloui des gloires passées, énervé par la fatigue et l'humiliation, regrettait le drapeau tricolore. Quand Louis XVIII entra à Paris, la vieille garde fut acclamée, et Berthier, qui suivant l'étranger,

entendit ces cris dans la foule : « A l'ile d'Elbe, Berthier! à l'île d'Elbe!» (3 mai.)

Le roi, malgré sa finesse, n'avait rien su faire pour se concilier l'opinion; il avait inquiété les propriétaires de biens nationaux, humilié les héritiers de la république par de prétendues expiations, par des services en l'honneur de Moreau et Pichegru, deux traîtres, et de Georges Cadoudal, un assassin. Que pouvait-il d'ailleurs contre la légèreté de son frère, la nullité des Condés et du duc d'Angoulême, la mauvaise tenue du duc de Berri, la roideur et les ressentiments trop naturels de la duchesse d'Angoulême? Enfin, il recevait

A. Co FaRDE

les conditions de ses alliés, des vainqueurs de son peuple. On démembrait sans lui la Saxe et la Pologne; il s'était « obligé d'avance » à reconnaître les bases arrêtées par les puissances.

Napoléon, à Porto-Ferraio, « avait une correspondance très-active avec la France; il entretenait des relations avec Murat qui commençait à désespérer de sa trahison. Les alliés, réunis à Vienne en congrès, à la fin de 1844, s'effrayaient de son voisinage et songeaient à le déporter. Le danger qui le menaçait le décida à rentrer en France. Mais s'il eût attendu le départ des souverains (et ils étaient prêts à se séparer), il doublait ses

moyens de résistance en gagnant le temps nécessaire à ses ennemis pour se concerter. Il y eut déclaration du congrès dès le 13 mars 1815. »

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3 mai 1814. Entrée de Louis XVIII à Paris par la porte Saint-Denis. D'après une estampe du temps.

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DE FUTMATRIX DIREZI

Médaille commémorative de la charte de 1814.

étonnement, puis saluée par les populations et grossie par les troupes, qui entraînent leurs officiers, arrive le 10 aux portes de Lyon; Macdonald, qui commande pour le roi, ne peut faire couper

Le 26 février 1845, il partit avec Bertrand, Drouot, Cambronne, et débarqua au golfe Juan le 1er mars. Sa petite troupe, d'abord regardée avec

A LIBERT

ATIS

FVNDAMEN

SAMEN

PVBLICAE.

MAINGA

CHARTA CONSTITVTIONIS

A REGE IKADITA
IV IVK MDCCCXIV.

les ponts. Le comte d'Artois, qui se flattait d'arrêter l'usurpateur, est contraint de fuir vers Paris. Le 19, Napoléon est à Fontainebleau, et le 20 aux Tuileries.

Son débarquement, connu le 5, avait d'abord servi de texte aux plaisanteries ineptes de Blacas et donné lieu aux platitudes de Soult et de Ney; mais à l'extrême confiance avait succédé la terreur. Il eût fallu, pour « résister au glorieux soldat que le vote de plusieurs millions d'hommes avait appelé au trône, que l'Europe avait vu prodiguer les sceptres et les couronnes »>, plus qu'une ordonnance de police. On s'était contenté de déclarer Napoléon traître et rebelle, et de le recommander à la rigueur des conseils de guerre!

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1er mars 1815. Vue du golfe Juan, où débarqua Napoléon. - D'après nature.

» mercie... votre attachement me touche; mais j'ai »> besoin de repos... Je vous reverrai. » (Vaulabelle.) Suivi de Victor, Marmont, Maison, il s'enfuit à Lille, puis à Gand. La plupart des maréchaux, même ceux qui, comme Augereau, Masséna, Soult et Ney, s'étaient le plus mal conduits envers Napoléon, reprennent leur place autour de lui; il n'y a eu ni ébranlement ni représailles, une révolution pacifique est accomplie. L'empereur peut dire « Je ne suis pas seulement l'empereur des soldats, je suis celui des paysans, des plébéiens de la France. » Vingt-cinq mille fédé

:

« Ce coquin »>, comme l'appelait Blacas, régnait déjà, défendant aux siens toute violence. » Louis XVIII tenta d'abord d'émouvoir les chambres par des protestations et des serments; mais le 49 mars, pour éviter l'effusion du sang, disaitil, il se décida au départ. A neuf heures du soir, «la porte des appartements intérieurs s'ouvrit et laissa paraître Louis XVIII, qui, infirme et souffrant, appuyé sur deux bras... descendit lentement vers la cour en jetant ces mots aux groupes qui se pressaient sur son passage: « Je vous re

rés, sortis des faubourgs, lui offraient le secours de leurs bras; il les remercia sans les armer. Chose bizarre! il sentait que le peuple était sa force, et il s'en détournait toujours. De son côté, le parti libéral « enchaîna » dès le principe « le vieux bras de l'empereur. » Il obtint un acte additionnel aux constitutions de l'empire, soumis au vote populaire et unanimement accepté (1er juin). Les chambres, créées par la charte octroyée, s'assemblèrent pour demander des garanties, et l'adresse des représentants manifesta hautement leurs défiances; ils craignaient « la séduction de la

à Bruxelles et à Namur. On a dit que Napoléon eût dû « marcher immédiatement, en mars », lorsque les Anglais n'avaient que six mille hommes en Belgique »; on a répondu que les oppositions de la Chambre l'en empêchèrent. Napoléon, mis au ban de l'Europe, partit le

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victoire!» «L'entraînement de la prospérité n'est pas ce qui nous menace aujourd'hui, répondait l'empereur; aidez-moi à sauver la France! » Les alliés avaient juré guerre implacable à « cette bande de brigands qu'on appelle l'armée française », et déjà les Anglais et les Prussiens étaient

42 juin pour l'armée. Il n'avait plus en lui «< le sentiment du succès définitif »; son étoile avait pâli, et son orgueil se reniait lui-même. Qui le reconnaîtrait dans ces paroles : « J'ai voulu l'empire du monde, et un pouvoir sans bornes m'était nécessaire. Pour gouverner la France seule, il se

peut qu'une constitution vaille mieux. Des élections libres? des discussions publiques? des ministres responsables? la liberté? Je veux tout cela; la liberté de la presse surtout. Je vieillis... le repos d'un roi constitutionnel peut me convenir. » Il laissait derrière lui la trahison, Fouché fatale

Nuit du 18 au 19 mars 1815.

Louis XVIII sort du palais des Tuileries. D'après Gros.

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