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ment rentré au ministère de la police, Fouché prêt à jouer en 4815 le rôle de Talleyrand en 4844. Il laissait encore l'opposition, tous ceux qu'il nommait des niais politiques, Lafayette, B. Constant, qui ne comprenaient rien, pensait-il, aux besoins du moment. Et qu'emmenait-il avec lui? des troupes dévouées, ardentes, mais aussi des ennemis cachés, comme l'ancien chouan Bourmont, et des amis qui ne savaient plus le seconder, Ney et Grouchy.

« Le début de la courte campagne fut habile et brillant. L'offensive fut préparée avec mystère», Blücher surpris, la Sambre passée sur trois points (44 juin). Ney devait prendre position aux QuatreBras, entre les Prussiens et les Anglais. Mais la désertion de Bourmont, qui courut dévoiler å Blücher le plan de Napoléon; la lenteur de Ney, qui se laissa prévenir aux Quatre-Bras par Wellington, et fut tenu en échec toute la journée du 45, sauvèrent les Prussiens d'une destruction totale.

Napoléon a attaqué Blücher à Fleurus et Ligny; vers le soir, ne comptant plus sur Ney, qu'il rappelle en vain, il fait donner la garde, et remporte une victoire complète. Blücher, culbutė, perd vingt-cinq mille hommes et quarante canons, mais il se rallie, faiblement poursuivi par Grouchy.

L'empereur espère profiter des fautes de Ney, et battre les Anglais aux Quatre-Bras; mais il apprend que Wellington se retire vers Bruxelles. Le 17 au soir, il l'attemt à Waterloo. Les Anglais sont rangés en bataille devant le village de MontSaint-Jean, sur un plateau peu élevé. Leur gauche, occupant les hauteurs de la Haie-Sainte, peut communiquer avec Blücher du côté de Wavres. Mais la forêt de Soignes, qui couvre leurs derrières et les empêche de reculer, doit les maintenir dans l'étremte où Napoléon pense les étouffer si Grouchy, qui a l'ordre de tomber sur leur gauche, exécute son mouvement, ils sont perdus. Napoleon, plem de confiance, les attaque de front le 18, à onze heures. A quatre heures, le centre ennemi, malgré sa grande bravoure, est enfoncé, Wellington aux abois ne songe plus qu'à tenir le plus longtemps possible sur un terrain qui lui ferme la retraite, l'arrivée de trente mille Prussiens échappés à Grouchy ne semble pas pouvoir le sauver. Une attaque impétueuse de Ney, vers sept heures et demie, va décider la victoire. Mais ce mouvement engage trop tôt la réserve de la cavalerie, Napoléon est inquiet; tout à coup le canon tonne du côté de Wavres. « C'est Grouchy!» s'écrie-t-il. Hélas! non, c'est Blücher avec toute une armée. Grouchy a entendu le canon, et il n'est pas venu. L'arrivée imprévue des Prussiens change la victoire en une déroute affreuse, indescriptible: «Tous les corps, toutes les armes, étaient confondus; tous se pressaient, s'écrasaient mutuellement. » (Gourgaud.) Napoléon veut mourir au milieu de sa garde formée en carré :

« Ah! Sire, lui dit Soult, les ennemis sont déjà assez heureux!» On l'entraîne. «Ah! Napoléon, que n'as-tu trouvé la mort à Waterloo!» (Gourgaud.) Il compte rallier à Laon ses débris et lutter encore; mais ses conseillers, mal inspirés, le poussent à Paris (20 juin).

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«Il y aurait eu plus de grandeur historique à n'être pas venu si vite chercher à Paris un affront inévitable, et à tenter soi-même le ralliement des débris de sa défaite et une dernière résistance à l'ennemi, au lieu de succomber, sans lutte véri- · table, sous le cri des citoyens... L'abdication du général précéda celle de l'empereur....... «Je n'en « puis plus!» s'écriait-il à son arrivée, et, la main sur sa poitrine haletante: « J'étouffe là! Un bain : >> qu'on m'apporte un bain.» (Villemain.) Il était aussi las du sceptre et du glaive que la France elle-mème.

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«Entre son départ pour l'armée et son désastre, il y avait eu, à Paris, comme une suspension de la vie ordinaire... Une seule espèce d'hommes semblait remuante et animée sous le poids de l'anxiété publique c'étaient les spéculateurs à la Bourse, travaillant avec une infatigable ardeur, dans la perspective d'un revers qui produirait infailliblement la hausse.» (Villemain.)

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Fouché vendait la France à Wellington, et ses insinuations funestes gagnaient les membres influents de la Chambre. Les constitutionnels ne craignaient que le despotisme impérial. « C'est, disaient-ils, le duel d'un homme contre dix et d'un peuple contre le monde»; et, sur une motion de Lafayette, la Chambre se déclarait en permanence. Quand nous serons débarrassés de lui, disait Lafayette, tout s'arrangera. » Et encore · «Si l'abdication tarde à venir, je proposerai la déchéance. » Malgré Carnot et Lucien, qui voulaient déclarer la patrie en danger et appeler la nation aux armes, Napoléon, atterré, pressé par Fouché, obéit à l'ultimatum de la Chambre et proclama son fils Napoléon II. Il disait pourtant encore: «Je suis l'homme du peuple! La multitude ne veut que moi!» et c'était vrai; mais il ne voulut pas être le roi d'une jacquerie» (22 juin). On peut dire qu'alors il manqua d'audace. « La fumée des batteries de Mont-Saint-Jean lui a porté à la tête... Son génie s'est montré moins résistant au malheur que gigantesque dans la prospérité. » (Villemain.)

Les alliés approchaient; Fouché négociat avec eux et faisait garder à vue Napoléon à la Malmaison. Davoust s'était oublié jusqu'à l'insolence envers son bienfaiteur; il lui avait refusé l'honneur de défendre Paris. Cependant cent mille hommes étaient là sous les murs; avec eux, «Davoust aurait détruit Blücher cent fois pour une, s'il avait eu la moindre résolution. » (Marmont.) « Peut-on calculer ce qu'eût été une bataille de l'empereur se repliant en armes... et recevant, avec les feux désespérés de ses dernières batteries, l'avant-garde déjà décimée de l'Europe?» Wellington dit, le lendemain de Waterloo, à ceux qui lui montraient

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D'après Grenier.

18 juin 1815.

Waterloo.

(8 juillet). Qui ne sait le reste? Sa noble lettre au représentant d'un peuple qui ne voulut pas la comprendre; son arrivée sur le Bellerophon; sa déportation à Sainte-Hélène, signifiée le 30 juillet; son éloquent appel à l'histoire; ses adieux à « la terre des braves, à la France!» sa longue agonie, loin de sa patrie et de son fils; enfin, le retour à Paris de ses restes en 1840!

Avant de quitter ce mort illustre, arrêtons-nous pour embrasser d'un coup d'œil sa carrière prodigieuse. Voyons, dans un lointain d'apothéose, le jeune général rèvant l'empire d'Orient; le premier consul au profil romain qui relève la grande nation tombée dans l'apathie anarchique; puis,

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la route de Paris ouverte : « Il y a encore trois batailles en travers de cette route, et que Dieu nous soit en aide! » Enfin Napoléon lui-même, demandant « à servir une dernière fois la patrie », écrivit « Je m'offre pour la défendre et je jure de la sauver. » Mais, dans la triste alternative du protectorat étranger ou du despotisme militaire, les chambres ne se rendirent pas à cette pensée que « mieux vaut à tout prix l'indépendance du sol; car l'indépendance défendue» rend plus sûrement la liberté. (Villemain.)

L'empereur était parti pour ne pas tomber aux mains des alliés, et attendait à l'île d'Aix des saufconduits anglais que Fouché lui avait promis

BELLEROPHON

15 juillet 1815.

Embarquement de Napoléon sur le navire anglais le Bellerophon.
D'après une estampe du temps.

l'empereur couronné de rayons par son astre res-
plendissant. Mais déjà s'accumulent les nuages
au couchant. Une rivalité opiniàtre l'a entraîné
à de vastes projets; il enchaînera le continent à
la France par la victoire et l'expansion des idées;
l'Angleterre, exclue de toutes les côtes, deman-
dera grâce enfin à l'empire appuyé sur les États
feudataires. C'est trop pour une vie. Sous sa vo-
lonté, comme sous un joug, les rois et les peu-
ples murmurent; au premier souffle de la for-
tune contraire, l'Europe se soulève contre son
maître, l'abat et le jette sur l'écueil où l'attend la
mort désolée. Son empire s'est écroulé comme un
édifice de nuées; et que reste-t-il de son œuvre?

Rien; un Code déjà vieilli. La France humiliée lui demande compte de son sang et de ses désastres; on lui jette à la face les préjugés de son orgueil et les fautes de son ambition : le sacre, l'hérédité, la féodalité, ses frères rois, le Tribunat supprimé, Joséphine répudiée, les guerres d'Espagne et de Russie.

Homme de guerre, il a sans cesse traité avant d'avoir écrasé ses ennemis. Quelle paix pouvait-il attendre? Il leur prenait leurs provinces et leur laissait des armes.

Homme politique et chef de peuples, il a toujours préféré le principe d'autorité au principe de liberté, pris le calme pour l'ordre, le silence pour

l'amour. Il s'est appuyé sur la force et la tradition; il a étouffé les intelligences ou employé des esprits pervers, Talleyrand et Fouché ; il a flatté les rois qui devaient le haïr, dédaigné les peuples qui pouvaient l'aimer. Si ses frères, ses maréchaux, ses alliés, son beau-père, ces appuis vermoulus auxquels il s'est confié, lui ont manqué tous à la fois, comment les peuples, irrités de son obstination despotique, n'auraient-ils pas repoussé ses bienfaits imposés? De là l'invincible résistance de l'Espagne et les insurrections allemandes. Comment les intelligences qu'il avait éliminées et exilées se seraient-elles rapprochées de ui aux jours de malheur? Bien au contraire, elles ont fait alliance avec ses ennemis. De là l'épouvantable catastrophe de 4844 et 4845.

Et pourtant, à mesure que les blessures douloureuses de la patrie se sont changées en nobles cicatrices, à mesure que les désastres se sont oubliés et les ressentiments apaisés, la gloire de Napoléon semble avoir encore grandi d'année en année dans la mémoire du peuple. Tous les poëtes ont exalté ce fils de la révolution; ce rude semeur qui a répandu quinze ans par le monde, sans le vouloir, des germes de régénération; l'ouvrier terrible qui, bâtissant et ruinant des trônes, a rabattu l'orgueil des rois.

LES ALLIÉS A PARIS.

Le 25 juin 1815, Louis XVIII, appelé par Wellington, était parti de Mons, où, sur les instances des alliés, il avait accepté la démission de M. de Blacas; le lendemain, dans une proclamation datée de Cateau-Cambrésis, il annonça « qu'il mettrait à exécution, contre les coupables, les lois existantes. » Sur une lettre de Wellington, qui lui demandait, pour faciliter son retour, « un document de pardon et oubli», il publià, le 28, à Cambrai, une déclaration dans laquelle il avouait que son gouvernement avait fait des fautes, et promettait que la dime et les droits féodaux ne seraient pas rétablis, que les acquéreurs de biens nationaux conserveraient leurs propriétés. Il promettait pardon et oubli pour tout fait accompli pendant les cent-jours, se réservant seulement le droit de punir tous auteurs et instigateurs du retour de Napoléon. Le 5 juillet, toujours à la suite de l'armée anglaise, il était à Saint-Denis.

Les Prussiens, et derrière eux les Anglais, étaient arrivés sans résistance jusqu'à Paris. La rive droite était en bon état de défense et protégée par plus de cent mille hommes de troupes régulières. Blucher eut l'audace de passer la Seine sous Paris pour attaquer la rive gauche. Ce mouvement, qui le séparait de Wellington, l'exposait à une perte certaine. Comme l'a dit Marmont, Davoust, l'abordant avec des forces supérieures, pouvait jeter l'armée prussienne dans la Seine, ou l'acculer à la forêt de Saint-Germain. Il ne voulut pas de la victoire qu'il avait sous la main,

et qui eût du moins donné le temps de négocier. Le 1er juillet, Excelmans culbutait au bois de Verrières la cavalerie prussienne, et la poursuivait à Versailles et jusqu'à Marly. Mais l'ordre d'attaque, arraché à Davoust, avait été retiré par l'influence de Fouché, et le 3 juillet Davoust signa, sous le titre de convention militaire, une capitulation qui livrait Paris aux alliés, et obligeait l'armée à se retirer derrière la Loire.

Wellington, qui avait hâte de terminer une campagne désormais sans avantages pour l'Angleterre, et qui était le seul homme d'État parmi les généraux alliés, voulait en finir par une transaction. Il désirait que le roi se conciliât la France en prenant la cocarde tricolore, et le gouvernement provisoire en acceptant Fouché pour ministre. Il ne réussit que sur le dernier point. Fouché fut ministre de la police; le maréchal Gouvion SaintCyr, ministre de la guerre; le baron Louis eut les finances; le comte de Jaucourt, la marine; M. Pasquier, la justice et l'intérim du ministère de l'intérieur. Talleyrand, après avoir organisé le ministère, se réserva les affaires étrangères. M. Decazes obtint la préfecture de police, à la condition de fermer, le lendemain, la Chambre des représentants.

Le 8 juillet, Paris était occupé militairement par les Prussiens, entrés de la veille, qui se concentraient sur les places publiques et plaçaient de l'artillerie sur les ponts. A trois heures et demie, le canon annonça l'entrée de Louis XVIII. En un clin d'œil le drapeau tricolore fut amené de dessus les édifices publics, la garde nationale ôta ses cocardes, et les curieux se précipitèrent vers le faubourg Saint-Denis, par où le roi arrivait. Il était en voiture fermée, accompagné du comte d'Artois en garde national, du duc de Berri, à cheval aux deux côtés de sa voiture, suivi de cinq maréchaux ainsi que de sa maison militaire, l'ebjet des haines de l'armée. La garde nationale faisait la haie. Dès que le roi fut entré aux Tuileries, des femmes du monde, qui l'attendaient en foule, firent des rondes sous les fenêtres en chantant des chansons joyeuses.

Paris allait apprendre ce que pèse le joug d'un vainqueur. Les Prussiens, cette avant-garde de la coalition, étaient les plus acharnés dans leurs idées de vengeance. Blucher voulait, en détruisant les ponts d'Iéna, d'Austerlitz et la colonne Vendôme, effacer toute trace des désastres de l'Allemagne. Il fit occuper le Musée par un bataillon, et distribuer à qui les redemandait les tableaux, les statues, cédés par des traités ou achetés par la France. Il voulait imposer à Paris une contribution de cent millions. Louis XVIII, Wellington, réclamèrent en vain pour le pont d'Iéna. Le 9, les Prussiens mirent le feu à trois mines, et le monument ne fut conservé que par sa masse et par leur maladresse.

Chacun de nos voisins demandait, à titre de restitution, un des morceaux de l'ancienne France.

L'Allemagne voulait tout ce qui a appartenu à l'empire germanique : l'Alsace, la Franche-Comté, la Bresse. La Prusse s'étendrait jusqu'en Champagne; l'Autriche reprendrait la Lorraine; la Sardaigne, la Savoie; les Pays-Bas, la Flandre française, le Hainaut français, l'Artois. De nos trois lignes de places fortes, M. de Metternich nous enlevait la première, plus que suffisante, d'après lui. Il voulait faire payer six cents millions pour les frais de la guerre, deux cents millions pour construire des places fortes contre nous, et occuper

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Louis XVIII.

nos forteresses, pendant sept années, avec cent cinquante mille hommes, que nous payerions et entretiendrions. Heureusement, ni l'Angleterre ni la Russie n'avaient rien à gagner à un tel amoindrissement de la France. Wellington déclara que trop affaiblir la France, c'était rompre la balance du pouvoir en Europe. Louis XVIII dit à Wellington, en présence d'Alexandre : « Je ne veux pas régner sur la France, si on ne me laisse dans son entier le royaume de mes pères. Dans le cas contraire, le prince régent m'accordera - t - il en

TANSER. 5.

(/)

core un asile? - Votre Majesté ne perdra point
ses anciennes provinces », répondit Alexandre;
et, le lendemain, il imposa cette condition aux
alliés.

VENGEANCES POLITIQUES. LICENCIEMENT DE L'ARMÉE.
TRAITÉ DE PARIS.

Le 24 juillet, une ordonnance royale, contresignée Fouché, renvoyait devant les conseils de guerre dix-neuf généraux, pour fails antérieurs au 23 mars ou attaques à main armée, et soumettait trente-huit personnes à la surveillance de la police jusqu'à leur mise en jugement ou leur exil.

- D'après Gérard.

Les deux listes étaient déclarées closes; mais cette promesse ne fut pas tenue.

A la première nouvelle de Waterloo, le peuple de Marseille se souleva. Des bonapartistes furent assassinés et leurs maisons pillées. La populace massacra une colonie d'Égyptiens et de Syriens, dernier reste de l'expédition d'Égypte. A Nîmes, où les passions religieuses s'ajoutent aux passions politiques, le pillage et le massacre étaient dirigés par le portefaix Trestaillons, ils s'étendirent dans tout le département. A Avignon, le maréchal Brune, arrêté au passage et défendu en vain par les autorités et une centaine de gardes nationaux, fut assassiné, son corps retiré de la bière et jeté

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