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au Rhône. Le général Ramel fut tué à Toulouse. A Bordeaux, on condamna à mort les frères Faucher, deux généraux de la république, déjà condamnés sous la Terreur pour avoir porté le deuil de Louis XVI. Il n'y avait aucun motif plausible à alléguer contre ces hommes respectables; cependant, dans tout le barreau de Bordeaux, ils ne trouvèrent pas un avocat. A Paris, le général de Labédoyère était fusillé. Le comte Lavalette, condamné à mort pour s'ètre emparé, au 20 mars, de la direction générale des postes, s'évadait gràce au dévouement de sa femme. Enfin, la cour des pairs condamnait à mort le maréchal Ney. Parti de Paris avec l'intention bien arrêtée de combattre

Napoléon, il avait cédé en route à un entrainement universel dans l'armée. Si, au nom de la loi, sa condamnation était légitime, sa gloire le protégeait, et elle aurait dû le sauver. Louis XVIII ne comprit pas qu'ici la vraie justice c'était la clémence. Michel Ney, maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moscowa, fut fusillé dans l'avenue de l'Observatoire.

L'armée de la Loire inquiétait encore le gouvernement. Le 44 juillet, Davoust, dans une proclamation à l'armée, lui annonça qu'il n'y aurait pas de réaction, qu'elle serait traitée conformément à son honneur. Le 45, il envoya au roi une adresse de l'armée qui se soumettait à son pouvoir. Le 46, on signa sans la publier l'ordonnance de dissolution. Le 17, Davoust obtint de nos soldats de renoncer aux couleurs nationales; mais lorsqu'il vit apparaître des listes de proscription où se trouvaient compris quelques-uns de ses généraux, il donna sa démission. Macdonald, qui le remplaçait, dispersa l'armée, disloqua les divisions, et prépara ainsi le licenciement définitif, qui ne tarda pas à s'opérer. Nos places fortes étaient plus heureuses le drapeau tricolore y flottait encore; l'ennemi bloquait les grandes, assiégeait les petites. Toutes résistèrent, et, presque sans exception, avec succès.

Talleyrand s'était assuré de la Chambre des pairs en lui donnant l'hérédité et en créant une centaine de pairs. Mais les députés nouveaux, royalistes ardents, animés d'une haine profonde contre la révolution et les révolutionnaires, voulaient consolider la monarchie par l'exclusion de tous les serviteurs de l'empire. Ils repoussaient Talleyrand, un prêtre marié, et trouvaient monstrueuse la présence du régicide Fouché, que la famille royale refusait de recevoir. Fouché donna sa démission et partit de Paris déguisé. Talleyrand demanda au roi ou son appui personnel devant les chambres, ou l'acceptation de la démission des ministres.

M. Decazes, le nouveau favori, fit choisir M. de Richelieu pour former un autre ministère. M. de Richelieu se réserva la présidence et les relations extérieures; Corvetto eut les finances, Vaublanc l'intérieur, Barbé-Marbois la justice, Dubouchage la marine, et le duc de Feltre remplaça à la guerre

le maréchal Saint-Cyr, qui venait de casser la maison du roi, et d'organiser à la place de ce reste de l'ancien régime une garde royale sur le modèle de la garde impériale.

M. de Richelieu, qui avait été le créateur d'Odessa et qu'Alexandre appréciait beaucoup, parvint à conserver à la France cinq places fortes et deux forts, et fit réduire à cinq années l'occupation du territoire par cent cinquante mille soldats; il abaissa de 400 millions le chiffre de l'indemnité de guerre, qui resta fixé à 700 millions, et, grâce à lui, Alexandre écarta une demande de 735 millions pour dommages causés par la France depuis 1792. Le traité de Paris, du 20 novembre 1815, laissait à la France ses limites de 1790, sauf quatre places de second ordre (Philippeville, Marienbourg, Sarrelouis et Landau) et environ deux cent cinquante mille âmes. Les fortifications de Huningue durent ètre rasées. Le 25 novembre, le négociateur, qui avait dé fendu les intérêts de la France avec l'énergie qui manqua aux signataires de l'armistice de 1844, des traités de Vienne et de la capitulation de Paris en 1815, déposa avec douleur devant la Chambre silencieuse ce malheureux traité de Paris.

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Cependant la réaction royaliste suivait son cours. Dans les provinces, les royalistes, formés en comités et s'organisant en garde nationale ou en volontaires royaux, dominaient l'administration, imposaient l'épuration des fonctionnaires, accueillaient toutes les dénonciations. La chasse aux places commençait. On déclara que l'inamovibilité était acquise seulement aux juges qui avaient l'institution royale. Une commission d'enquête fut chargée de ranger en vingt et une catégories tous les officiers de l'ancienne armée ; une autre, d'examiner les titres des émigrés, des chouans, de la maison du roi. Le ministre devait choisir sur les deux listes le personnel de la nouvelle armée. En octobre, les chambres votèrent une loi contre les faits, paroles ou écrits séditieux, et contre la provocation indirecte à la sédition. Ces délits devaient entraîner la déportation, jointe à une amende de 50 à 20 000 francs. On fit ensuite une loi des suspects, qui permettait la détention sans jugement, l'internement ou la demande d'une caution. Enfin, on établit des cours prévôtales, composées d'un colonel et de cinq magistrals, en enlevant au roi le droit de gràce, excepté pour les condamnés que lui recommanderait ce tribunal. Une loi, déguisée sous le nom d'amnistie, confirmait les exceptions prononcées par l'ordonnance du 24 juillet, laissait subsister toute poursuite déjà commencée, et ordonnait que le bannissement des régicides serait perpétuel.

La discussion de la loi électorale fit éclater l'op

position qui existait déjà entre le ministère et la majorité des royalistes ultra. Quoique, des deux côtés, on admît en principe l'élection à deux degrés, la loi ne put être votée par les deux chambres. Dans le budget, le ministère fut obligé par les ultra de renoncer à vendre des forêts, et réduit par là à régler l'arriéré en obligations au lieu de le payer en numéraire. Il n'y eut accord véritable que pour la reconstitution du clergé. Son budget fut augmenté de cinq millions; il obtint le droit d'acquérir, et la mainmorte fut rétablie à son profit. Bien d'autres projets réactionnaires se firent jour; le temps et la force manquèrent seuls pour les mettre à exécution.

Le ministère se båta de clore la session (29 avril 4846); huit jours après, Laîné, président de la Chambre des députés, remplaçait à l'intérieur de Vaublanc, trop engagé dans le parti ultra; Dambray prit à la justice la place de BarbéMarbois. En même temps éclatait l'insurrection de Grenoble.

Dans la nuit du 4 au 5 mai, une bande de paysans armés entrait dans Grenoble, où elle fut reçue à coups de fusil. Un royaliste, nommé Didier, les avait soulevés au nom de l'empereur, dans l'espoir de faire arriver au trône, au milieu d'un désordre général, le duc d'Orléans. On proclama l'état de siège, la tète de Didier fut mise à prix, et quiconque oserait donner asile aux rebelles fut déclaré passible de la peine de mort. Le 8, deux condamnés par la Cour prévôtale étaient guillotinės. Le 9, sur vingt-neuf prisonniers accusés et défendus en masse, vingt et un furent condamnés à mort dans une séance, et quatorze d'entre eux fusifles deux jours après. Les deux tribunaux sollicitaient la grace de huit autres condamnés; le ministère la refusa par le télégraphe, et ils furent exécutés. Il y avait, pour deux d'entre eux, une erreur judiciaire reconnue par les juges euxmèmes. Didier, livré par le gouvernement piemontais, fut condamné et exécuté. Le mois suivant, vingt-huit ouvriers de Paris qui avaient fait et distribué des cartes de ralliement et manifesté entre eux, sans avoir un plan arrêté, leur haine pour les Bourbons, passaient en cour d'assises; vingt étaient condamnés, et, parmi eux, trois subissaient la peine des parricides.

En 4816, dix généraux furent condamnés à mort par contumace. En outre, le général Debelle, qui avait arrêté le duc d'Angoulême dans sa marche sur Lyon, le général Travot, commandant en Vendée, le général Gruyer, étaient condamnés à mort et leur peine commuée en détention. Le général Bonnaire fut condamné à la déportation et le lieutenant Mietton à mort, parce que leurs soldats, malgré leurs ordres, avaient tué un transfuge qui entrait à Condé sans papiers en règle. Les généraux Mouton-Duvernet et Charton furent fusillés en violation de l'ordonnance royale du 24 juillet, ainsi que le colonel Boyer de Peyreleu, qui avait arboré le drapeau tricolore pour éviter

de livrer la Guadeloupe aux Anglais. En même temps, les cours prévôtales répandaient par toute la France la terreur dans la population civile. Leur histoire n'est pas encore faite. Citons seulement quelques exécutions. A Lude, quatre hommes, pour avoir désarmé un paysan; à Montpellier, cinq gardes nationaux qui avaient dispersé un attroupement royaliste; à Nîmes, cinq personnes, dont deux femmes et deux vieillards, pour une escarmouche contre les royalistes; à Carcassonne, trois détenus qui avaient demandé par écrit de l'argent destiné à préparer leur évasion.

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Le cours de ces vengeances judiciaires s'arrêta, et le parti royaliste ultra fut renversé, lorsque M. Decazes, menacé dans sa position, obtint de Louis XVIII (5 septembre) une ordonnance qui déclarait que la charte ne serait pas revisée, et qui prononçait la dissolution de la Chambre surnommée introuvable. Les royalistes sentirent le coup. «Sauvons le roi quand même », dit M. de Chateaubriand dans un post-scriptum qu'il ajouta à son ouvrage, alors sous presse, de la Monarchie suivant la Charte. Le lendemain, sa dignité de ministre d'Etat lui était enlevée, à la demande de M. Decazes.

L'ordonnance royale du 5 septembre avait « arraché la France aux périls des partis, à leurs passions, à leurs vengeances. » Une élection générale brisa la majorité des royalistes ultra, et assura le pouvoir aux royalistes constitutionnels. Le grand acte politique de la session fut le vote de la loi électorale. Elle établissait l'élection directe par un seul collège, composé d'électeurs payant 300 francs d'impositions directes et agés de trente ans au moins, qui voteraient par bulletins de liste au chef-lieu de chaque département. Cette loi, qui donnait l'influence à la propriété moyenne et dégageant les électeurs de toute influence locale, passa malgré l'opposition royaliste. A la Chambre des pairs, l'opposition du comte d'Artois et de la cour l'aurait fait rejeter, si le roi, faisant du projet son affaire personnelle, ne l'eût discuté lui-même avec les opposants, conquérant leurs voix une à une.

La loi des suspects fut adoucie: cependant tout fonctionnaire avait encore le droit d'arrêter sans jugement et de laisser en prison, sans recours et indéfiniment, quiconque lui paraissait dangereux. Une loi nouvelle exigea, pour les arrestations politiques, un ordre sigué du président du conseil et du ministre de la police. Le procureur du roi, à la demande du prisonnier, devait l'interroger et faire un rapport sur lequel le ministre aurait à se prononcer. Cette loi devait cesser d'ètre en vigueur à la fin de l'année. A la même époque, l'autorisation préalable, qui fut imposée aux journaux et écrits périodiques, cesserait d'etre exigée.

Le budget passa, malgré l'opposition royaliste, qui l'attaquait sur deux points principaux : l'aliénation immédiate de 150 000 hectares de forêts, et la dotation de la caisse d'amortissement, portée de 20 à 40 millions. Ces mesures financières, imposées par la nécessité, devaient mettre obstacle à l'un des rèves des royalistes: la dotation du clergé en biens-fonds restitués ou en rentes sur l'État.

Les ravages de l'invasion, la destruction des boeufs de labour, l'incendie des fermes et la destruction du mobilier agricole, avaient porté, en 4814 et 4845, un coup terrible à l'agriculture. Des pluies constantes pendant le printemps et l'été de 4846 firent manquer les blés et couler la vigne. L'hiver fut dur, et au printemps de 4847 les ressources étaient épuisées. Le pain, que l'administration maintenait à Paris à 62 centimes le kilogramme, coûta jusqu'à 2 francs et 2 fr. 50 c. en Bourgogne. Les paysans mangeaient des racines et jusqu'à de l'herbe. Ils criaient à l'accapareur. Il y eut des pillages, des luttes, des condamnations à mort, sans que la politique se mêlat à ces troubles causés par la famine.

L'oppression continuait en province, malgré le gouvernement central que la censure des journaux et les condamnations portées contre les livres les plus modérés privaient des renseignements que donne au pouvoir la publicité. Les cours prévôtales versaient encore quelquefois le sang, pour des paroles, des intentions, des projets sans commencement d'exécution. A Lyon, les manœuvres du général Canuel, pratiquées pendant cinq mois, malgré le préfet M. de Chabrol, et le commissaire général de police M. de Sainneville, amenèrent, le 8 juin 1847, l'insurrection de onze villages. En vingt-quatre heures tout était rentré dans l'ordre, sans que la force armée eût tiré un coup de fusil. Le 1er septembre, la Cour prévôtale avait déjà jugé cent cinquante-cinq prévenus et prononcé cent huit condamnations, dont vingt-huit à la peine capitale. M. de Sainneville, en éclairant le ministère, sauva les accusés de la ville, qu'on avait réservés pour la fin. Le maréchal Marmont vint arrêter les proscriptions, accorder des grâces, des commutations, et destituer le général et le préfet.

Le renouvellement du cinquième de la Chambre fit perdre des voix aux ultra, et fortifia le ministère. On vit arriver à la Chambre vingt-cinq indépendants. C'est le nom qu'on donnait à ceux qui ne voulaient ni de Napoléon ni de l'ancien régime. Ce tiers parti fut le noyau de l'opposition des libéraux, qui devait triompher en 1830. En ouvrant la session, le roi annonça que l'armée d'occupation serait réduite d'un cinquième. La France devait ce soulagement à M. de Richelieu.

ORGANISATION DE L'ARMÉE. 'CONGRÈS D'AIX-LA-CHAPELLE. DÉPART DES ALLIÉS.

L'année 1818 est marquée surtout par la réorganisation de l'armée, due au maréchal Gouvion

Saint-Cyr, et par l'évacuation totale du territoire français, obtenue des étrangers par M. de Richelieu. Ces deux faits sont inséparables; car les alliés ne devaient consentir à sortir de France qu'après y avoir vu renaître une armée de force à défendre les Bourbons. La loi Gouvion Saint-Cyr, combattue par les royalistes ultra, et défendue par les royalistes constitutionnels, s'appuyait sur les principes admis par la France nouvelle; elle conservait le recrutement forcé, et soumettait à des règles précises l'avancement des officiers, que l'ancien régime abandonnait à l'arbitraire ministériel. L'armée se composa d'engagés volontaires et de soldats désignés par le sort, dant le nombre, au maximum, était de quarante mille par année, et qui devaient à l'État six ans de service. Derrière l'armée, dont le complet, sur le pied de paix, était de deux cent quarante mille hommes, se trouvaient les « légionnaires vétérans », soldats libérés, qui pouvaient être employés à un service intérieur et local, mais qui cependant rentraient dans la vie civile et étaient libres de se marier. Quant à l'avancement, il fallut deux ans de service aux sous-officiers, deux ans d'école et un examen aux élèves des écoles, pour devenir souslieutenants, et quatre années de service, en temps de paix, pour qu'un officier passât à un grade supérieur. La loi fut votée malgré l'opposition royaliste, qui repoussait le principe révolutionnaire du recrutement forcé, et voulait que l'avancement se fit à la discrétion du roi. Gouvion Saint-Cyr fit rentrer dans les cadres presque tous les officiers de l'ancienne armée.

Le ministère ne demanda pas la conservation des cours prévôtales, M. Decazes obtint pour les condamnés politiques des gràces, des commutations, il laissa rentrer beaucoup d'exilés. Un concordat, signé l'année précédente par M. de Blacas, et qui était un retour pur et simple au concordat de François Ier, rétablissait les siéges épiscopaux supprimés en 1804 et accordait au clergé une dotation de quatre millions de revenu en biensfonds ou en rentes; il ne fut pas mis à exécution. Mais, en même temps, une loi sur les imprimés autres que les journaux quotidiens admettait en principe la saisie préventive, la censure des journaux quotidiens empêchait même la publication des faits; des écrivains étaient condamnés à la privation des droits civils, à la prison, à l'amende, pour des articles qu'ils avaient retirés volontairement des mains de l'imprimeur.

Les bureaux d'administration de la garde nationale constituaient, dans les mains du comte d'Artois et des ultra, un instrument puissant dans les élections; ils furent supprimés. En même temps, les indépendants fondéèrent à Paris un comité directeur, qui s'entendit avec les comités locaux et amena dans leur parti un vote d'ensemble et sans voix perdues. Aussi gagnèrent-ils vingt voix aux élections partielles; les ultra en avaient perdu douze et le ministère huit. De là des in

quiétudes qui eurent pour résultat la démission de M. de Richelieu.

Il avait terminé heureusement la liquidation des créances antérieures à 4815. Grâce à l'intervention d'Alexandre, les réclamations des étrangers, qui s'élevaient à 1400 millions, étaient réduites à 240 millions, payables en titres de rentes au pair. Aux conférences d'Aix-la-Chapelle, M. de Richelieu avait obtenu que le territoire serait complétement évacué avant le 30 novembre. Il rassurait l'Europe, émue d'une « Note secrète » rédigée

CHRISTIANOS

AFNTER

EUROPAE
PRINCIPES
PACTA

BRANDIE

AQVIS CAROLI MAGNI
MENSE OCIOBRI
MDCCCXVIII

Octobre 1818. Médaille commémorative des conférences d'Aix-la-Chapelle, frappée à Berlin. - Tirée du cabinet de M. Wattemare.

pour le comte d'Artois par M. de Vitrolles, et communiquée aux alliés. Le protocole du 15 novembre proclama l'union des cinq grandes puissances. Il est vrai qu'en même temps quatre des puissances signataires du protocole rétablissaient en principe la coalition, «en cas de bouleversement révolutionnaire en France », fixaient le contingent de chacune et le point de réunion de leurs armées. Mais le protocole mettait fin à l'isolement de la France, du moins tant que régneraient les Bourbons. Le ministre qui venait de rendre de si grands services revint en France fort inquiet de l'état intérieur du pays. Il voulait se rapprocher

des ultra, et changer la loi électorale. Le roi, qui d'abord s'était prononcé pour le maintien de cette loi, et avait résisté à l'éloignement de M. Decazes, chargea enfin M. de Richelieu de former un nouveau cabinet. Après un mois d'efforts inutiles, M. de Richelieu se retira, et M. Decazes, prenant pour lui le ministère de l'intérieur, donnant la présidence du conseil et les affaires étrangères au marquis Dessolles, les sceaux à M. de Serres, les finances au baron Louis, la marine à M. Portal, et laissant à la guerre le maréchal Saint-Cyr, devint le chef véritable du nouveau ministère.

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Le nouveau cabinet résistait aux royalistes ultra, lorsque la Chambre des pairs, où ils dominaient alors, adopta la proposition Barthélemy, qui avait pour but de changer la loi électorale aux dépens du parti libéral; le ministère et les indépendants se réunirent contre elle à la Chambre des députés. M. de Serres rétablit la liberté de la presse. La saisie préventive fut supprimée, les délits de presse devinrent de la compétence du jury, et il suffit du dépôt d'un cautionnement pour fonder un journal. La lutte entre les deux partis extrêmes était très-vive hors des chambres. Les « missions de France », qu'on venait d'organiser, envoyaient partout des prédicateurs dont les sermons avaient à la fois un caractère religieux et politique. Les processions, la plantation de croix, les chœurs qui chantaient les cantiques de la mission, servaient de prélude à une réparation dans laquelle les fidèles demandaient publiquement pardon de la part qu'ils avaient prise à la révolution. D'un autre côté, l'Association libérale, fondée en 1847 pour le rappel des lois contre la presse et la liberté individuelle, prenait une force nouvelle. Au mois de mai, quatre cents membres se réunissaient dans un banquet La société des Amis de la liberté de la presse s'occupait avec ardeur des élections partielles, qui firent gagner aux libéraux vingt-huit voix et amenèrent à la Chambre un des membres de la Convention qui avaient voté la mort de Louis XVI, l'abbé Grégoire, ancien évêque constitutionnel de Blois. Encore une élection pareille, et les indépendants avaient la majorité. M. Decazes, pressé par les royalistes, se décida à changer la loi électorale. Il prit la présidence du conseil, remplaça le général Dessoles par M. Pasquier, M. Louis par M. Roy, et Gouvion Saint-Cyr, le réorganisateur de l'armée, l'adversaire des officiers de l'émigration et de la cour, par le général Latour-Maubourg. Il voulait se tenir à distance égale des libéraux et des ultra. Sa politique fit donner au cabinet nouveau le nom de « ministère de bascule. »

La session débuta par l'annulation de l'élection de Grégoire. La commission la déclarait nulle, par le motif que déjà la moitié des députés de l'Isère

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fortifier les ultra, lorsque, le 13 février 1820, l'assassinat du duc de Berry, donnant contre lui un prétexte à la haine des royalistes et à l'hostilité de la famille royale, enleva, malgré le roi, le pouvoir au favori.

Le duc de Berry conduisait à sa voiture, rue Rameau, la duchesse qui sortait de l'Opéra, lorsqu'il fut frappé à la poitrine d'un coup de carrelet. Sept heures après il mourait à l'Opéra en demandant au roi la grâce de l'a homme. »>

L'assassin, Pierre Louvel, était un ouvrier sellier,

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13 février 1820. - Assassinat du duc de Berry. D'après une estampe du temps.

n'étaient pas domiciliés dans ce département. M. Laîné demanda que Grégoire fût chassé comme indigne et comme regicide. Benjamin Constant cita l'exemple du régicide Fouché, admis par le roi dans ses conseils. Manuel invoqua la charte et la liberté des élections. La question de « nullité » et la question d'« indignité » furent écartées, et la Chambre, se prononçant seulement sur le fait de l'admission, vota contre Grégoire.

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M. Decazes cherchait toujours une rédaction de la loi électorale qui affaiblit les libéraux sans

GALLDRAU

fanatique de sang-froid. Il avait choisi pour victime le duc de Berry, « parce qu'il était le plus jeune et qu'il semblait destiné à perpétuer une race ennemie de la France. » Il resta calme devant ses juges et à l'échafaud, reconnaissant qu'il avait commis un grand crime, mais ne montrant aucun remords. Il déclarait n'avoir pas de complices, et on n'en découvrit aucun.

Un député demanda à la Chambre d'accuser M. Decazes comme complice de Louvel, et deux Jours après, comme coupable de trahison. A la cour, parmi les gardes du corps, et même à l'étatmajor de la garde, on parlait d'arracher au roi une abdication s'il s'obstinait à conserver le mi

nistre son favori. La duchesse d'Angoulême de-
manda au roi le renvoi de M. Decazes; le comte
d'Artois lui déclara qu'il ne resterait pas aux Tui-
leries. Le vieux roi finit par céder. Il écrivit à
M. Decazes une lettre autographe qui le vengeait
de la calomnie; il le créa duc, le nomma ambassa-
deur à Londres, et choisit pour président du con-
seil le duc de Richelieu.

LOI DU DOUBLE VOTE.-NAISSANCE DU DUC DE BORDEAUX.
MORT DE NAPOLÉON.

Les crimes politiques nuisent toujours à la liberté. Une lo suspendit la liberté individuelle;

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