une autre imposa la censure et le régime de l'autorisation préalable aux journaux et aux écrits périodiques paraissant par livraisons. La nouvelle loi électorale coûta à la Chambre vingt-quatre jours de discussion d'une violence extrême, et amena dans Paris des troubles graves. Le parti ultra, ne reconnaissant de droits politiques qu'à la grande propriété, voulait lui donner le pouvoir en établissant l'élection à deux degrés. Le général Foy et tous les libéraux proclamaient comme un droit l'égalité entre tous les électeurs, et demandaient l'élection directe. Des royalistes, tels que Camille Jordan et Royer-Collard, les soutenaient. « La loi proposée, disait celui-ci, est un coup d'État contre le gouvernement représentatif, contre la société. C'est une révolution contre l'égalité; c'est la vraie contre-révolution. » L'élection directe fut maintenue; mais la loi établit dans chaque département un collège électoral composé des plus hauts imposés, qui nommerait un député, comme les colléges d'arrondissement. Une ovation faite au député Chauvelin amena, comme représailles, des insultes aux députés libéraux, des attaques à coups de bâton dirigées contre la foule qui les applaudissait, et la mort de l'étudiant en droit Lallemand, tué par un soldat pour avoir crié en s'enfuyant : «< Vive la charte!» La jeunesse des écoles se porta aux faubourgs, et plus de quinze mille hommes se réunirent. Une averse et quelques charges de cavalerie les dispersèrent. Ces troubles avaient duré dix jours. Le vote de la loi électorale fut le signal d'une guerre ouverte entre les partisans de l'ancien régime et ceux de la révolution. Lafayette voulait une résistance à coups de fusil. Armer les libéraux, gagner par la propagande les étudiants, les sousofficiers, les officiers de la ligne, organiser des conspirations militaires ou civiles, et dégager Paris par des soulèvements opérés en province : tel était son plan. Le comité directeur ne l'adopta qu'à moitie. Les partisans de la résistance légale et ceux de la résistance à main armée, ceux qui voulaient Napoléon II, aussi bien que les républicains et ceux qui désiraient remplacer les Bourbons par un prince étranger, se réunirent pour regagner le drapeau tricolore, résister au parti qui gouvernait, et agir suivant les événements. Le 19 août, on découvrit une conspiration militaire qui avait pour but d'enlever le fort de Vincennes, et le 9 jum 4821 la cour des pairs, à laquelle on demandait la tête de neuf des conjurés, en condamna seulement six à la prison. Le duc de Bordeaux naquit le 29 septembre 1820. En novembre, les élections générales ne firent entrer à la Chambre que soixante-quinze libéraux. La session, qui dura huit mois, fut des plus ora Cependant les tentatives révolutionnaires dans le midi de l'Europe augmentaient encore en France l'agitation des esprits. En Espagne, Ferdinand VII avait rétabli le gouvernement absolu et l'ancien régime. En juillet 1819, une insurrection éclata dans l'armée rassemblée près de Cadix pour soumettre l'Amérique espagnole soulevée. Elle n'eut pas de succès; mais Riego et Quiroga recommencèrent en janvier 1820. Le général O'Donnell se prononça pour la révolution, et Ferdinand se vit réduit à convoquer les cortès, puis à proclamer la constitution démocratique de 1812. Bientôt après, geuses. Un mot sur la révolution ou l'émigration, sur l'Assemblée constituante et la cocarde tricolore, sur l'ancienne armée, sur l'esclavage des negres, sur les frères de la doctrine chrétienne ou le haut enseignement, sur la censure et sur la loi électorale, suffisait pour amener des scènes violentes et des attaques personnelles. La Chambre n'était plus le théâtre de la lutte légale de deux partis constitutionnels, mais un vrai champ de bataille où s'attaquaient deux nations irréconciliables, la France de l'ancien régime et la France née de la révolution. PATIO DEL 5 mai 1821. Mort de Napoléon, à Sainte-Hélène. (Vie de Napoléon, par Arnaud.) une insurrection renversa à Naples le pouvoir absolu. L'Autriche, la Prusse et la Russie inviterent le roi de Naples à se rendre au congrès de Laybach Quatre-vingt mille Autrichiens passèrent la frontière. Quinze jours après, le 23 mars 1821, ils entraient à Naples. Le 9 avril, les Autrichiens entraient à Turin. Le roi Victor-Emmanuel avait abdiqué devant une insurrection, et les Piémontais, conduits par Santa-Rosa, étaient vaincus. Le 5 mai 1824, Napoléon mourait à Sainte-Hélène d'un cancer à l'estomac, dont le climat de cette île avait accéléré le développement. On sait les vexations, les insultes, les mauvais traitements de tous les jours qu'il eut à subir de la part de sir Hudson Lowe, et dont la responsabilité retombe en partie sur le gouvernement que ce général servait. MINISTÈRE VILLÈLE. - SOCIÉTÉS SECRÈTES. CONSPIRATIONS. En décembre 1821, M. de Richelieu, attaqué à la fois par la droite et par la gauche pour n'avoir rien fait dans les affaires de l'Espagne et de l'Italie, était remplacé aux affaires étrangères par Matthieu de Montmorency. M. de Peyronnet devenait garde des sceaux, M. de Corbière ministre de l'intérieur, et le ministre des finances, M. de Villèle, devenait le chef véritable du cabinet, auquel il a donné son nom. ་ La « Congrégation », société politique autant que religieuse, composée de plus de quarante mille affiliés ou initiés, avait son centre à Paris et une organisation complète presque dans toutes les villes; elle pénétrait dans les familles et s'impo ་་ Sépulture de Napoléon, à Sainte-Hélène. militaires et aux classes moyennes. Ces carbonari, organisés à l'italienne, en « haute vente», en « ventes centrales », en « ventes particulières», étaient répandus partout. Les « Chevaliers de la liberté », organisés à Saumur en 1820, s'étaient réunis à eux. Les tentatives de retour à l'ancien régime leur donnaient une grande force. Ils re ༥ noncèrent à la résistance légale, et travaillèrent à renverser le gouvernement, soit par une conjuration militaire, soit par des insurrections. La conspiration de Béfort eut pour but de soulever la garnison de l'est et de proclamer un gouvernement provisoire. Des révélations la firent échouer à son début. Les sous-officiers du 45e de ligne, gagnés à Paris par les carbonari, conspiraient encore à la Rochelle. Quatre sergents, et parmi eux Bories, qui était leur chef, furent exécutés en place de Grève le 21 septembre 1822. La population des campagnes, commandée par le général Berton, marcha sur Saumur, et, n'étant pas soutenue par la ville, se dispersa. Le général fut pris lorsqu'il préparait une nouvelle tentative, et, à Poitiers, sur quarante accusés présents, six furent condamnés à mort et quatre exécutés. GUERRE D'ESPAGNE. Dès la fin de 1824, la junte apostolique de Bayonne avait organisé en Espagne un rassemble ment d'hommes en armes qui fut le noyau de l'armée de la foi. » En juin 1822, le « Trappiste, célèbre partisan espagnol, s'empara de la Seu d'Urgel. Le mois suivant, la garde royale, qui voulait le rétablissement du pouvoir absolu, attaquait en vain dans Madrid la troupe de ligne et la milice nationale. Le 14 septembre se forma à Urgel une régence d'Espagne « pendant la captivité du roi. » Elle proclama Ferdinand VI « roi absolu », et ouvrit un emprunt de 20 millions. Elle dominait dans la haute Catalogne et une partie de la Navarre et du pays basque. Elle occupait plusieurs places en Aragon, un pont sur l'Ebre; son armée comptait déjà vingt-six mille hommes. La révolution espaguole était en danger. Le pouvoir passa des modérés aux exaltés. Mina attaqua et dispersa les contrerévolutionnaires du nord. M. de Villele résistait aux royalistes qui voulaient la guerre. Il envoyait au congrès de Vérone, pour calmer M. de Montmorency, Chateaubriand, qui aussitôt oubliait ses instructions et travaillait pour l'intervention française en Espagne. M. de Villèle dut céder au mouvement d'opinion des royalistes. Le cordon sanitaire établi pendant la fièvre jaune qui dépeuplait Barcelone s'était déjà transformé en armée d'observation. On demanda aux chambres 100 millions et la mobilisation des vétérans. Quatre-vingt-quinze mille hommes, vingt et un mille chevaux, soixante-dix-huit bouches à feu, se réunirent à la frontière. Le duc d'Angoulême était général en chef et le général Guilleminot commandait. L'armée était travaillée par les libéraux. Pour l'arracher à leur influence, on franchit à la håte, le 7 avril 4823, la Bidassoa, sans magasins, sans moyens de transport. Un spéculateur audacieux, M. Ouvrard, appelé à la dernière heure, répondait de tout, des vivres et des transports, et il allait tenir parole. Deux compagnies de réfugiés français attendaient nos soldats en chantant la Marseillaise et en leur montrant le drapeau tricolore. L'armée les aperçut à peine; on se hàta de les disperser à coups de canon et par le feu des gendarmes, auquel ils ne voulurent pas riposter. Le 23 mai, les Français entraient à Madrid, sans avoir rencontré encore aucune résistance. A l'ouest, Bourke marchait contre Morillo, et terminait, le 13 août, ses opérations en entrant dans la Corogne, qui avait capitulé. A l'est, Molitor poursuivait Ballesteros. Le 43 juillet, l'avant-garde, commandée par le général Bonnemain, enlevait Lorca. Le 28, les Espagnols étaient battus à Campillo de Aronas. Le 4 août, Ballesteros faisait défection. Le 1er juin, le duc d'Angoulême, avec le gros de l'armée, marchait de Madrid sur Séville, à la poursuite d'O'Donnell. Il avait investi de l'autorité absolue la régence, qui aussitôt rétablit l'ancien régime, tous les abus, et les fonctionnaires destitués. Les cortès avaient emmené le roi de Madrid à Séville; elles le contraignirent encore à les suivre gueur le décret impérial qui détruisait la liberté du commerce de la librairie, et imposait aux libraires la condition d'un brevet qui pouvait être refusé ou retiré. Des 1822, le clergé s'était emparé de l'Université, et la charge de grand maître avait été rétablie pour l'abbé Frayssinous. En 4823, l'École normale fut supprimée, ainsi que l'École de droit de Grenoble; les cours de MM. RoyerCollard et Guizot furent suspendus. On épura, pour raisons politiques, le corps des huissiers et des greffiers de justice de paix, quoique ces officiers ministériels eussent acheté leurs charges. Un incident remarquable passionna l'opinion publique pendant la session de 1823. Le 26 février, Manuel, combattant l'intervention projetée en Espagne, rappelait combien la coalition contre la France avait contribué aux excès de la révolution. « Les dangers de la famille royale, dit-il, sont devenus plus graves, lorsque à Cadix. Dès qu'il fut sorti de Séville, une insur-l'étranger eut envahi notre territoire, et que la rection y rétablit le pouvoir absolu. Le 8 août, le duc d'Angoulême, voulant arrêter les excès de la réaction royaliste, défendait, par son ordonnance d'Andujar, aux autorités espagnoles les arrestations arbitraires, et ordonnait d'élargir quiconque était en prison sans motif légal. La régence protesta, les villes s'agitèrent, et le prince céda à moitié. Le 46 août, il arrivait devant Cadix, déjà bloquée depuis six semaines, et demandait au roi une amnistie et la convocation de nouvelles cortès. Cadix, ville presque inexpugnable, a son port intérieur commandé par la presqu'île du Trocadero. La tranchée fut ouverte le 19 août, et le Trocadero enlevé par surprise le 31. Les députés furent achetés un à un comme l'avaient été les généraux, et le 28 septembre les cortès rendirent à Ferdinand le pouvoir absolu. Les miliciens se soulevèrent aussitôt et voulurent continuer la guerre; le roi les apaisa par ces belles promesses qu'il faisait et qu'il violait avec une si honteuse facilité. Le 7 novembre, Riego fut pendu. Le 13, Ferdinand entra en triomphe à Madrid. Cette campagne, presque sans combats, et où l'Espagne n'a à citer que la belle défense de la Catalogne par Mina, et une marche audacieuse de Riego, fortifia le gouvernement des Bourbons en rattachant l'armée au drapeau blanc, et en montrant à l'Europe qu'ils pouvaient à la fois se faire obéir au dedans et agir au dehors. " France révolutionnaire, sentant le besoin de se défendre par des forces nouvelles et par une nouvelle énergie... » Des cris d'horreur, poussés par la droite tout entière, ne permirent pas à Manuel d'achever sa phrase, et le président, M. Ravez, la complétant comme le faisait la droite, y trouva une justification du régicide, et rappela l'orateur à l'ordre pour avoir « qualifié comme une mesure inspirée par une énergie nouvelle l'assassinat du roi martyr.» Manuel, resté à la tribune, ne put se faire entendre, au milieu des cris, et s'expliquer. La séance fut suspendue, et il écrivit au président une lettre qu'à la reprise de la séance la Chambre ne voulut pas écouter, et où, achevant sa phrase, il disait : « ... La France mit en mouvement toutes les masses, exalta toutes les passions populaires, et amena ainsi de terribles exces et une déplorable catastrophe. » Le lendemain, une proposition d'expulsion fut renvoyée devant les bureaux. Le surlendemain, le rapport de la commission nommée déclarait que le discours de Manuel pris dans son ensemble, et indépendamment de la phrase incriminée, tendait à justifier le régicide. ( On ne cite pas, dit en réponse Royer-Collard, les paroles de l'orateur; c'est la tendance de son discours, c'est-à-dire son intention, sa pensée secrète, qu'on incrimine. Eh bien, l'intention, il la désavoue; la pensée, il la nie. Qui donc en sait là-dessus plus que lui? En fait, il n'a point justifié le régicide; on en convient il n'est accusé que d'avoir voulu le faire... Son expulsion serait une violation des lois, déguisée par un sophisme. C'est un recours à la force, c'est un coup d'État. Une fois accompli, ce coup d'État sera tenté sans cesse, et l'exception deviendra la régle. Les députés de la minorité seront destituables par la majorité. La gauche défendit Manuel avec passion. « Personne ici, dit à son tour Manuel, n'a le droit de m'accuser et de me juger. Je n'attends pas un acte de justice; c'est un acte de vengeance au |