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passion les guidoit, et où ils pouvoient trouver du couvert, comme ès vieilles salles et masures, et jusques aux granges, d'autant qu'il leur estoit deffendu de bastir temples et prendre aucune chose d'église. Les peuples, curieux de voir chose nouvelle, y alloient de toutes parts, et aussi bien les catholiques que les protestants, les uns pour voir seulement les façons de cette nouvelle doctrine, les autres pour l'apprendre, et quelques autres pour cognoistre et remarquer ceux qui estoient protestants. Ils preschoient en françois, sans alléguer aucun latin, et peu souvent les textes de l'Évangile, et commençoient ordinairement leurs sermons contre les abus de l'Église, qu'aucun catholique prudent ne voudroit deffendre. Mais de là, ils entroient pour la plupart en invectives, et à la fin de leurs presches faisoient des prières et chantoient des psaumes en rhythme françoise, avec la musique et quantité de bonnes voix, dont plusieurs demeuroient bien édifiez, comme désireux de chose nouvelle, de sorte que le nombre croissoit tous les jours. » (Casteln.) Ils étaient cependant encore une faible minorité, et l'édit de tolérance n'empêcha pas qu'ils ne fussent de nouveau molestés, battus et mème tués, à l'occasion de leurs prêches, en un grand nombre de lieux, notamment à Sens, Amiens, Troyes, Abbeville, Toulouse, Marseille, Tours et Cahors. Mais ils n'en conservaient pas moins tout leur courage et toute leur imprudence. « Ce n'est pas, disaient-ils de l'edit de janvier, le dernier bénéfice que nous espérions de la main de nostre Dieu, par le moyen de nostre roy.» Continuant à porter des affaires de la foi à celles du gouvernement leurs vues réformatrices, ils « firent une lourde faute, car estans paisibles en l'exercice de leur religion, ils se voulurent mesler trop avant des affaires d'Estat, et proposer qu'il falloit faire rendre compte à ceux qui avoient manié les finances. » (Casteln.) L'un d'eux, d'Aubigné, avouait plus tard cette erreur des siens qui, « élevés en leur droit, estimoient tous doutes effacés, et tenant au poing l'édit de janvier, l'étendoient par delà ses bornes. »

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Une étincelle devait suffire pour allumer la guerre civile. Elle partit de la main du duc de Guise. Trés-mécontent de la marche des affaires, le duc, que les catholiques regardaient, ainsi que son frère le cardinal, « comme appelez de Dieu pour la conservation de la religion » (Casteln., 1, 3), avait quitté Paris et la cour. Il se préparait à tout événement, et groupait autour de lui tout ce qui pouvait contribuer à la solidité de son parti. Il s'était lié par une sorte de ligue, qu'on appelait le « triumvirat», avec le connétable de Montmorency et le vaillant capitaine Jacques d'Albon, maréchal de Saint-André; il était parvenu, par l'extrême habileté de son frère, à détacher Antoine de Navarre

du parti protestant, en lui faisant promettre par le roi d'Espagne la restitution de la Navarre espagnole; il était allé en Allemagne, accompagné de ses trois frères, conférer avec plusieurs princes protestants et plusieurs docteurs de ce pays, afin de les détourner de porter secours à leurs coreligionnaires de France, en feignant de pencher vers leurs opinions religieuses. Lorsqu'à la suite de l'édit de janvier les conflits qui s'élevèrent de tous côtés eurent rendu l'irritation extrême, le duc de Guise partit de son château de Joinville (HauteMarne), et, suivi de deux cents gentilshommes bien armés, il reprit le chemin de Paris. D'après l'avis des amis qu'il y avait laissés, le moment d'agir était venu. Il en rencontra l'occasion avant d'ètre entièrement sorti de ses domaines, dans la petite ville de Vassy, en Champagne, à trois licues de Joinville. Là s'était établie, depuis quelques mois, une église réformée, et quand la troupe des Guises entra dans la ville, les protestants, au nombre d'environ sept cents, s'assemblaient pour leur prêche, bien ignorants du sort qui les attendait. La scène qui suivit, et que l'histoire a nommée « le massacre de Vassy », avait-elle été préméditée, ou fut-elle fortuite? Les protestants y ont toujours dénoncé un lâche complot; voici, au contraire, la version partiale d'un curé champenois, fanatique ami des Guises : « Or falloit-il que ledit seigneur (de Guise) et tout son train passassent par auprès et tout joignant lesditz huguenotz, pour ce que leur assemblée estoit sur le chemin, et ne se pouvoit ledit seigneur destourner par autre lieu, par quoy luy estoit force de passer par là. Ilz huguenotz furent si orgueilleux qu'ils ne daignèrent desplacer de là pour la venue dudit seigneur, mais l'attendant de pied quoy, chargèrent à grands coups de pierre sur les hommes qui cheminoient les premiers, ayans jà frappé et battu plusieurs de ses lacquetz qui estoient passez devant. Ces premiers hommes qui par iceux huguenots furent assaillis rebroussèrent chemin droict à leur maître, pour l'advertir de se tenir en garde. Ce que bien ayant entendu, ledit sieur de Guise résolut qu'il falloit passer, deffendant à ses gens de ne rien faire ne dire auxdits huguenotz, moyennant qu'ilz huguenotz ne leur fissent ne dissent rien; et pour estre en meilleure seureté, ledit seigneur feit alte pour attendre tous ses gens et cheminer en trouppe, affin que nul d'eux n'eust mal et qu'ilz n'en fissent poinct auxditz huguenotz. Ceux-ci, voyant monsieur de Guise attendre ses gens pour les ranger en trouppe, pensèrent que ce feust pour les assaillir, et, sans avoir aulcune patience, fichèrent le pied en intention de contraindre ledit sieur à retourner d'où il venoit, ou de luy faire prendre le galop à travers champs et suivre ung aultre chemin. Il sieur de Guise voyant ceste turbe mutinée, marcha le premier droict à eux, sans armes, pour les desmouvoir de leur entreprise; lesquelz pour parolle ne signe d'assurance qu'il leur donnast et dist ne se voulurent desister de leur dessein, et, sans le vouloir escouter, chargèrent sur luy à grands coups

il tenoit en bride, comme un censeur, les appétitz immodérez des jeunes seigneurs et gentilshommes protestans par une certaine sévérité qui luy estoit naturelle et bienséante. » Après Coligny venaient ses deux frères: l'aîné, Odet, cardinal de Chastillon; le plus jeune, François de Chastillon, sire d'Andelot, capitaine général de l'infanterie. Ce dernier était un redoutable homme de guerre, et

de pierre, trois desquelles tombérent sur sa teste et sur son corps, jusques à faire tomber par terre son chappeau, et eust ledit seigneur assez de peine à se garder d'estre par eux accablé. Il seigneur entra en grande collère de ceste injure, et ne la put, pour sa grandeur, porter paciemment. Par quoy se minst et ses gens en deffense contre lesdits huguenotz, qu'il chargea si rudement qu'ilz ne sçavoient où se saulver, et en fut tué ung grandle cardinal, nourri dès sa jeunesse au maniement nombre. » (Mém. de Claude Haton.) En effet, de ces gens de tout âge et de tout sexe, pressés dans une grange autour d'un de leurs prêtres, et sans armes, soixante périrent sur la place, et plus de deux cents furent blessés (1562, 4er mars).

Les protestants, à cette nouvelle, jetèrent des cris d'indignation. Leurs ministres prèchérent que ce massacre, commis sur des chrétiens en prières qui s'étaient réunis sous l'autorisation du dernier édit, était « une impiété la plus grande et la plus cruelle du monde. Au contraire, les prédicateurs catholiques soutenoient que ce n'estoit point de cruauté, la chose estant advenue pour le zèle de la religion catholique, et alléguoient l'exemple de Moyse, qui commanda à tous ceux qui aimoient Dieu de tuer ceux qui avoient plié les genoux devant l'image d'or; et après qu'ils en eurent tué trois mille, il leur dit qu'il leur donnoit sa bénédiction pour avoir consacré leurs mains au sang de leurs frères, pour le service de Dieu.» (Casteln., III, 7.) Ces interprétations de l'histoire judaïque étaient particulièrement bien reçues à Paris, où l'on ne comptait que quelques centaines de réformés. L'attitude de cette grande cité, ferme dans son attachement aux vieilles traditions à l'ombre desquelles s'était formée sa suprématie, semble avoir enchaîné les progrès de la réforme. Le duc de Guise y arriva le 20 mars, et fut reçu aux acclamations du peuple. Là, il organisa, de concert avec le connétable de Montmorency et le maréchal de Saint-André, les forces du parti catholique, auquel continua de se joindre le roi Antoine de Navarre, et, pour premier acte de vigueur, il força la reine mère, malgré ses larmes, à quitter Fontainebleau et à rentrer dans la capitale avec le jeune roi. En même temps, il leva des troupes, créa de nouveaux capitaines, catholiques éprouvés, et fit donner l'ordre à la gendarmerie, qui devait au roi le service militaire, de se tenir prête comme au moment d'entrer en campagne. En divers endroits, notamment à Paris et à Sens, la scène de Vassy se répéta; les huguenots furent encore assaillis à leurs prêches, et massacrés.

Alors le chef des protestants, le prince de Condé, s'écria « qu'il ne falloit plus rien espérer que de Dieu et des armes. » C'était un huguenot sincère et intrépide. Il avait avec lui l'amiral de France, Gaspard de Chastillon, comte de Coligny, « principal officier de la couronne, et digne chef de party pour les bonnes et grandes qualitez qu'il avoit en juy; et d'autant qu'il avoit quelque apparence de tenir sa religion plus étroitement que nul autre ;

des grandes affaires, comte-évêque de Beauvais depuis 4535, avait osé, en 4564, célébrer la cène suivant le rite protestant, dans son palais épiscopal, et, le 1er décembre 4564, se marier, revêtu des habits de cardinal, avec la fille d'un seigneur normand, Élisabeth de Hauteville. Les protestants avaient encore à leur tête des représentants des meilleures familles de France: des Rohan, des la Rochefoucauld, des Grammont, le prince de Porcien, les sires de Montgommery, de Soubise, de Genlis, de Mouy, de Piennes, d'Esternay, et une foule d'autres noms illustres.

Paris étant à leurs ennemis, ils cherchèrent à s'assurer d'Orléans, ville de première importance par sa position, qui commandait le passage entre le nord et le midi de la France. D'Andelot y réussit par un habile coup de main. Bientôt les huguenots, usant de résolution et de célérité, s'emparèrent de Blois, Poitiers, Tours, Angers, Rouen, le Havre, la Rochelle, Mâcon, Chalon, Bourges, Montauban, Montpellier, Nimes, Agen, Lyon, Grenoble, Orange, Valence, de tout le Vivarais, du comtat Venaissin, des Cévennes; ils étaient les maîtres dans deux cents villes. Ils protestaient n'avoir d'autre but que l'honneur de Dieu, la liberté du roi, de ses frères et de la reine, qu'on tenait comme prisonniers à Paris, et la conservation des édits qui leur avaient accordé le libre exercice de leur religion. Mais les courages estoient tellement animez qu'ils avoient làché la bride à toute sorte de désordre et de licence. » Beaucoup de catholiques périrent dans ce premier mouvement d'une vengeance longtemps attendue, et, malgré les efforts de Condé, un grand nombre d'églises furent saccagées et livrées au pillage; les instruments du culte, les images des saints, les tombeaux, les livres de piété, les reliques, furent livrés à la profanation et à la destruction, crimes plus grands, aux yeux des populations, que celui de verser le sang humain.

Par toute la France commença donc une guerre atroce où, dans chaque ville et chaque village, les deux partis se livraient à leurs fureurs, que commençait à compliquer l'esprit de rébellion politique. Les habitudes d'examen et de critique où la religion nouvelle avait pris naissance, la constitution de ses églises sur le pied d'une égalité universelle, les mœurs austeres qu'affectaient ses adeptes, les haines qu'inspirent les gouvernements persécuteurs, tout concourait à donner à la réforme, à mesure qu'elle prenait des forces, une teinte républicaine. Ce résultat était manifeste

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Coligny entre ses deux frères. - D'après une gravure de Marc Duval. (Collection Hennin.)

telle sorte qu'ils entroient en composition avec eux, les priant de les laisser vivre en seureté en leurs maisons, avec leurs labourages; et quant aux rentes et fiefs, ils ne leur en demandoient rien. » L'auteur de ce récit, le maréchal Blaise de Montluc, rapporte aussi qu'on s'entretenait du roi avec mépris, et qu'il entendit parler de propositions faites, dans de secrets conventicules, pour remplacer les Valois sur le trône par quelque autre

famille; «que, comme je veux que Dieu m'aide, ajoute-t-il, le poil me dressoit en la tête d'ouyr de tels langages.

Montluc est celui d'entre tous les capitaines catholiques de ce temps qui se fit le nom le plus signalé par un zèle sanguinaire. Laissons-le continuer (Comment. de Montluc, 1. v): « Ayant entendu toutes ces meschantes conspirations, je me résolus de mettre en arrière toute peur et toute

crainte, délibéré de leur vendre bien ma peau... et me déliberay d'user de toutes les cruautez que je pourrois, et principalement sur ceux-là qui parloient contre la majesté royalle; car je voyois bien que la douceur ne gaigneroit pas ces meschans cœurs... Or il y avoit un village, à deux lieues d'Estillac, qui se nomme Saint-Mezard (près Lectoure, Gers), dont la plus grande partie est au sieur de Rouillac, gentilhomme de huict ou dix mille livres de rente. Quatre ou cinq jours avant que j'y allasse, les huguenots de sa terre s'estoient eslevez contre luy pource qu'il les vouloit empescher de rompre l'église et prendre les calices, et le tindrent assiégé vingt-quatre heures dans sa maison, et sans un sien frère nommé M. de Saint-Aignan, et des gentilshommes voisins qui l'allèrent secourir, ils luy eussent couppé la gorge; et autant en avoient fait ceux d'Astefort aux sieurs de Cuq et de la Monjoye; et desjà commençoit la guerre descouverte contre la noblesse. Je recouvray secrettement deux bourreaux, lesquels on appela depuis mes laquais, parce qu'ils estoient souvent après moy, et mandai à M. de Fontenilles, mon beau-fils, qui portoit mon guidon, qu'à la pointe du jour il fust audict Saint-Mezard, et qu'il prinst ceux-là que je lui envoyois par escrit, dont il y en avoit un, et le principal, qui estoit neveu de l'advocat du roy et de la royne de Navarre, à Lectoure, nommé Verdery. Or ledit advocat estoit celuy qui entretenoit toute la sédition. J'avois délibéré de commencer par sa teste... M. de Fontenilles fist une grande corvée, et fut au poinct du jour à Saint-Mezard, et de prime arrivée il prit le nepveu de ce Verdery, et deux autres et un diacre; les autres se sauvèrent... Un gentilhomme, nommé M. de Corde, qui se tient audit lieu, m'avoit mandé que, comme il leur avoit remonstré qu'ils faisoient mal, et que le roi le trouveroit mauvais, ils luy respondirent : Quel roy? Nous sommes les roys. Celuy-là que » vous dites est un petit reyot de m....; nous luy » donrons des verges et lui donrons mestier pour luy faire apprendre à gaigner sa vie comme les » autres. » Ce n'estoit pas seulement là qu'ils tenoient ce langage, car c'estoit partout. Je crevois de despit. Je m'accorday avec M. de Sainctorens qu'il m'en prinst cinq ou six d'Astefort, et surtout un capitaine Morallet, chef des autres, sous couleur qu'il leur vouloit donner leur enseigne, et que s'il le pouvoit prendre, luy et ceux que je luy nommois, avec belles paroles, il me les amenast à Saint-Mezard; lequel ne le put faire ce jour-là ; mais il les attrappa le dimanche ensuyvant et les amena prisonniers à Villeneufve. Et comme je fus arrivé à Saint-Mezard, M. de Fontenilles me présenta les trois et le diacre, tous attachez dans le cimetière, dans lequel y avoit encore le bas d'une croix de pierre qu'ils avoient rompue, qui pouvoit estre de deux pieds de haut. Je fis venir M. de Corde, qui... leur maintint qu'ils avoient tenu les propos ci-dessus escrits; alors les consuls dirent la vérité comme ledit sieur de Corde. J'avois les deux

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bourreaux derrière moi, bien équipez de leurs armes, et surtout d'un marassau bien trenchant. De rage, je sautay au collet de ce Verdier, et luy dis: « O meschant paillard, as-tu bien osé souiller >> ta meschante langue contre la majesté de ton >> roy!» Il me respondit : « Ha! Monsieur, à pes>> cheur, miséricorde! » Alors la rage me print plus que devant, et luy dis: « Meschant, veux-tu » que j'aye miséricorde de toy, et tu n'as pas res» pecté ton roy ! » Je le poussay rudement en terre, et son col alla justement sur ce morceau de croix, et dis au bourreau : « Frappe, vilain. » Ma parole et son coup fut aussitost l'un que l'autre, et encore emporta plus de demy-pied de la pierre de la croix. Je fis pendre les deux autres à un orme qui estoit tout contre; et pource que le diacre n'avoit que dix-huict ans, je ne le voulus faire mourir, afin aussi qu'il portast les nouvelles à ses frères; mais bien luy fis-je bailler tant de coups de fouet aux bourreaux qu'il me fut dit qu'il en estoit mort au bout de dix ou douze jours après. Et voylà la première exécution que je fis au sortir de ma maison, sans sentence ny escriture, car en ces choses j'ay ouy dire qu'il faut commencer par l'exécution... Nous nous rendismes le lundy à Villeneufve, où M. de Sainctorens nous vint trouver, et m'amena le capitaine Morallet avec autres quatre, et deux autres que des gentilshommes avoient pris dans Sainte-Livrade, lesquels je fis pendre le mardi, sans tant languir; ce qui commença à mettre une grande peur et frayeur parmi eux, disans: «Comment! >> il nous fait mourir sans nous faire aucun pro>> cès! »>

Ce soudard féroce faisait mieux encore il tuait ou pendait de ses propres mains ses prisonniers. Mais il n'en a pas moins lui-même dévoilé ses exploits dans les sept livres de « Commentaires >> où, sous prétexte de raconter les guerres de son temps, il ne s'est préoccupé d'autre chose que de chanter les louanges perpétuelles de sa personne. Hâtons-nous d'ajouter qu'à côté de ce Montluc on ne manque guère de placer un baron des Adrets, chef des protestants de la Provence et du Dauphiné, qui se fit dans les rangs opposés une célébrité à peu près pareille. « Il seroit impossible de vous dire quelles cruautés barbaresques sont commises de part et d'autre. Où le huguenot est le maître, il ruine toutes les images, démolit les sépulcres et tombeaux, même celui des rois, enlève tous les biens sacrés et voués aux églises. En contre-échange de ce, le catholique tue, meurdrit, noye tous ceux qu'il connoît de cette secte, et en regorgent les rivières. (Ét. Pasquier.)

Au nord, où le mélange des deux opinions était moindre, la guerre se régularisa. Les catholiques, dirigés par le duc de Guise et le roi de Navarre, reprirent d'abord Rouen (octobre 4562), qui subit huit jours de pillage. Le roi de Navarre reçut, à ce siége, une blessure dont il mourut. Le prince de Condé, après avoir vainement attendu à Orléans des renforts qui devaient venir du midi, mais que

Montluc tailla en pièces, se mit en campagne pour réparer l'échec de Rouen, effraya les environs de Paris, et vint jusque vers le Havre pour joindre un corps de troupes anglaises que la reine Élisabeth envoyait à son secours; il avait aussi des Allemands, et ses forces s'élevaient en somme à douze mille hommes. «Les huguenots s'excusoient de la levée de reistres et lanskenets sur ce qu'on avoit fait venir toutes sortes d'estrangers pour les exterminer. » En effet, des deux côtés on commettait le sacrilége d'appeler l'étranger, et l'armée royale avait de même, outre les Suisses, dix enseignes de lansquenets et quatorze compagnies d'Espagnols. Elle comptait environ seize mille hommes. Après avoir observé quelque temps l'ennemi, elle franchit l'Eure, et vint lui offrir la bataille dans la plaine de Dreux (19 décembre). Le connétable de Montmorency la commandait en chef; le maréchal de Saint-André conduisait l'avant-garde, et le duc de Guise s'était placé modestement à la réserve. Le

François de Lorraine, duc de Guise, médaillon en émaux de couleur, par Léonard Limousin. (Collection des émaux, au Musée du Louvre, no 254.)

combat fut héroïque. Les protestants commencèrent par enfoncer le centre de l'ennemi, dont toute l'artillerie resta une demi-heure entre leurs mains; mais ils furent arrêtés par les Suisses et rejetés dans un taillis, où ils se rallièrent, après avoir perdu toutefois le prince de Condé, qui demeura prisonnier. Ils revinrent au combat par une

vaillante charge, dans laquelle Montmorency fut pris à son tour et le maréchal de Saint-André tué; mais le duc de Guise, avec sa réserve, les força de tourner le dos et de céder le champ de bataille, ce qu'ils firent toutefois en bon ordre, sous la conduite de Coligny.

Ils se retirerent vers Orléans. François de Guise les suivit et mit le siége devant cette ville. « Le terrier étant pris, disait-il, où les renards se retirent, nous les courrons à force par toute la France.» La faiblesse numérique des protestants était évidente. Malgré leurs illusions, « il y avoit pour lors en France cent catholiques pour le moins contre un huguenot. » (Castelnau, Iv, 2.) Presque toutes les villes dont ils s'étaient si rapidement emparés leur étaient déjà reprises, et Orléans devait tomber aussi. Il semblait que le parti de la réforme en France fût perdu. Orléans ne pouvait pas longtemps résister: un crime le sauva. Le duc François de Guise pressait les travaux du siége lorsqu'il fut tué d'un coup de pistolet par Poltrot de Merey, gentilhomme calviniste qu'il avait recueilli dans son camp; action que ses coreligionnaires appelèrent héroïque, et qu'ils comparèrent à celle de Judith, mais qui n'en était pas moins un assassinat, exemple dont l'effet funeste devait bientôt retomber sur leurs têtes (18 fév. 1563).

Les redoutables chefs du parti catholique étaient tous morts. Catherine de Médicis, qui craignait leur despotisme, pensa que la paix serait désormais plus facile à maintenir. Elle offrit aux protestants de la faire; et Condé, malgré les réclamations des exaltés de son parti, la signa en retour d'un édit, l'édit de pacification d'Amboise, qui permettait l'exercice du culte protestant dans toute maison noble et dans une ville par bailliage (12 mars). Le gouvernement eut même la condescendance de payer sur les biens du clergé, afin de les renvoyer chez eux, les Allemands que Condé avait fait venir pour servir sa cause par les armes. Catherine voulait, comme premier gage de conciliation, que tous les étrangers sortissent de France. Elle fit marcher sur le Havre, que les Anglais occupaient depuis qu'Élisabeth fournissait des soldats au parti de la réforme, une armée composée de catholiques et de protestants, qui marchèrent de concert à cette expédition nationale. Le Havre fut bientôt pris (28 juillet); mais Catherine seule et son ministre Lhospital rêvaient encore la conciliation. Les catholiques frémissaient des concessions faites à ceux qu'ils avaient vaincus, et les huguenots, bien loin de se tenir pour satisfaits de ce qu'ils avaient gagné, parlaient comme s'ils eussent eu la victoire, et voulaient toujours davantage.

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