lui appartenir; mais l'en investir eût été rendre le générale du royaume, qui semblait en effet devoir France; elle usa de son adresse ordinaire, et fit dégouvernement suspect à la grande majorité de la AHADAMARD DEL A, la ville d'Orléans. -B, le duc de Guise, retournant de voir le camp devant la ville d'Orléans et la batterie, avec le capitaine Rostain, à son logis nommé les Valins, est frappé par le sieur Jean Poltrot, dit du Meray, d'un coup de pistole en l'épaule, où étoient trois balles, dont il mourut peu de jours après, en son dit logis. - C, le capitaine Rostain accompagnant le duc de Guise.-D. Jean Poltrot, dit du Meray, ayant opportunité d'exécuter son entreprise, prie Dieu premièrement dans un bois, ayant attaché son cheval à un arbre. -E, ledit Poltrot, attendant le duc de Guise entre cinq noyers, lui lacha sa pistole.-F, ledit Poltrot, ayant fait son coup, s'enfuit, dont depuis fut pris. -G, le logis de M. de Guise nommé les Valins. (Note au bas de la gravure originale.) qu'il se considérait, en vertu de son autorité royale, tice tenu au Parlement de Rouen (17 août 4563), clarer par Charles IX lui-même, dans un lit de jus quatorze ans commencés. Le jeune prince, obéisrévolus, comme le voulait l'usage, mais seulement comme majeur, bien qu'il n'eût pas quatorze ans sant volontiers à sa mère et au chancelier de Lhospital, qui la dirigeait, s'acquitta fermement du rôle qui lui avait été tracé pour cette circonstance, et rendit inutile, par quelques paroles sévères bien récitées, la résistance que le Parlement de Paris essayait de faire. Ce grand corps, toujours prêt à s'immiscer dans l'administration de l'État et à défendre la cause catholique, avait commencé à informer au sujet des complices qu'on supposait au meurtrier du duc de Guise parmi les chefs huguenots. Charles IX arrêta ces poursuites et l'agitation qu'elles auraient excitée en se réservant à lui-même la connaissance de l'affaire, et en déclarant qu'il serait sursis durant trois années au jugement. La main de Catherine commençait à se montrer plus à découvert et plus assurée dans le maniement des affaires. Digne fille des Médicis par ses goûts élevés, par son amour des lettres et des arts, par son dédain du fanatisme religieux, elle continuait à vouloir balancer les partis l'un par l'autre, gouverner sans principes en profitant chaque jour des avantages apportés par le hasard, et maîtriser les hommes violents dont elle était entourée par les grâces italiennes, le savoir-faire et les plaisirs. Elle avait, selon Brantôme, jusqu'à cent cinquante filles d'honneur, choisies parmi les plus belles femmes de France, qui lui composaient une cour splendide toujours en fête, et, tout en gardant elle-même la décence dans ses mœurs, elle s'efforçait d'enivrer les autres pour dominer. Il semblait qu'elle voulût, même en cela, contre-balancer l'influence de la réforme, et combattre jusque dans les cœurs cette religion austère et froide qui ne tolérait point les frivolités. Au printemps de l'année 1564, la reine mère, suivie de sa cour brillante, se mit en route pour faire lentement parcourir au jeune roi tout son royaume. Elle se promettait de grands fruits de ce voyage politique, celui surtout de former son fils, de le faire connaître et aimer des populations, d'imposer aux provinces par sa présence l'obligation de respecter la tolérance accordée par les édits aux huguenots, et d'affaiblir en même temps ces derniers de manière à les empêcher de renouveler la guerre civile. Cette tournée commença en Champagne et en Lorraine, se continua par les deux Bourgognes, le Lyonnais, le Dauphiné, la Provence, le Languedoc, la Guyenne, et dura deux ans, pendant lesquels la reine mit, en effet, au grand jour toute son habileté. Partout elle raffermissait le parti le plus puissant, celui des catholiques, et resserrait ses liens avec lui; elle travaillait cependant à mettre ostensiblement le protestantisme à l'abri des outrages, à faire observer en sa faveur les édits de pacification, mais en même temps à le restreindre et à le ruiner par des voies détournées. Elle retirait leurs commandements aux officiers huguenots; elle bâtissait des citadelles dans les villes dont les rebelles s'étaient trop facilement emparés; elle faisait rendre par le roi des édits qui détruisaient celui d'Amboise, sous prétexte de l'interpréter: ainsi, deux de ces déclarations prétendues explicatives (24 juin et 4 août) défendaient aux prêtres évangéliques de séjourner en tout autre lieu du bailliage que celui où leur prêche était permis, d'ouvrir aucune école, de se réunir en synodes avec leurs collègues, de faire aucune collecte d'argent, et aux gentilshommes calvinistes d'admettre à l'exercice du culte qui leur était permis dans leurs maisons personne autre que leurs vassaux. A Bar-le-Duc, la reine avait eu des conférences politiques avec le duc Charles de Lorraine; à Lyon, avec le duc de Savoie; à Bayonne, elle en eut avec sa fille, la femme de Philippe II, puis avec le duc d'Albe, ambassadeur de ce prince et impitoyable exécuteur de ses desseins. Catherine, facile à promettre, promit beaucoup à ces différents voisins catholiques de la France, et leur exposa les avantages et même la nécessité de son système de mi partis et de temporisation. L'envoyé de Philippe II lui répondit durement « qu'un prince ne peut faire chose plus honteuse ni plus dommageable pour luimême que de permettre aux peuples de vivre selon leur conscience, introduisant ainsi autant de variétés de religion dans un État qu'il y a de caprices et de fantaisies dans la tête des hommes, et qu'il étoit nécessaire, sans épargner le fer ou le feu, extirper ce mal jusqu'à la racine, la douceur et le support ne servant qu'à l'accroître. » (Davila, Guerres civ., 1. III.) Catherine subit l'ascendant de ce fanatique, qui devait bientôt se couvrir du sang des religionnaires dans le gouvernement des PaysBas, et, sous son inspiration, ouvrit, dit-on, pour la première fois son âme (juin 1565) à la pensée de se défaire du parti qui troublait l'État, par de nouvelles Vêpres siciliennes, c'est-à-dire par un assassinat général de tous les chefs protestants. (Sismondi, d'ap. Adriani, Storia Fior.) Cependant, aux préoccupations les plus sombres, Catherine mélait toujours les fêtes, tandis que son fidèle chancelier, Lhospital, s'efforçait de donner un plus digne aliment à l'attention publique par de grandes réformes qu'il opérait dans la justice et l'administration. Marguerite, la plus jeune fille de la reine, avait conservé le souvenir des conférences de Bayonne, quoiqu'elle n'eût que treize ans alors, comme celui des réjouissances extraordinaires dont elle retrace quelque chose dans les Mémoires qu'elle écrivit plus tard. Elle y raconte le « festin superbe, avec le ballet » qu'on fit dans une île de l'Adour. « Ayant cerné, dit-elle, dans le milieu de l'isle un grand pré ou ovale de bois de haute fustaye, la royne ma mère disposa tout à l'entour de grandes niches, et dans chascune une table ronde à douze personnes; la table de Leurs Majestez seulement s'eslevoit, au bout de la salle, sur un haut dais de quatre degrez de gazons. Toutes ces tables. servies par trouppes de diverses bergères habillées de toille d'or et de satin, diversement, selon les habits divers de toutes les provinces de France. Lesquelles bergères, à la descente des magnifiques batteaux (sur lesquels, venant de Bayonne à cette isle, l'on fust toujours accompagné de la musique de plusieurs dieux marins chantans et récitans des vers autour du batteau de Leurs Majestez), s'estoient trouvées, chaque trouppe en un pré à part, aux deux côtés d'une grande allée de pelouse dressée pour aller à la susdite salle; chaque trouppe dansant à la façon de son païs : les Poitevines avec la cornemuse, les Provençales la volte avec les cimballes, les Bourguignones et Champenoises avec le petit haut-boys, le dessus de violon et tambourins de village, les Bretonnes dansans leurs passepieds et branles-gais; et ainsi de toutes les autres provinces. Après le service desquelles, le festin finy, l'on vit, avec une grande trouppe de satyres musiciens, entrer ce grand rocher lumineux, mais plus esclairé des beautés et pierreries des nymphes qui faisoient dessus leur entrée que des artificielles lumières; lesquelles descendans vinrent danser ce beau ballet, duquel la fortune envieuse ne pouvant supporter la gloire, fit orager une si grande pluye et tempeste, que la confusion de la retraicte qu'il falloit faire la nuit, par batteaux, apporta le lendemain autant de bons contes pour rire que ce magnifique appareil de festin avoit apporté de contentement. »> Le résultat des méditations auxquelles, dans le même temps, se livrait le chancelier, fut la belle ordonnance de Moulins, digne de celle d'Orléans, et rendue, comme elle, de concert avec une as semblée d'États généraux. Cette assemblée se tint à Moulins au mois de février 4566. L'ordonnance, divisée en 86 articles, et embrassant toutes les matières de jurisprudence, y compris l'organisation des tribunaux, renfermait des innovations tellement heureuses qu'elles subsistent encore dans nos lois actuelles : elle investit les parlements du droit de remontrance à l'égard des édits, sauf à s'y soumettre provisoirement; elle supprima une partie des priviléges qui mettaient les officiers de la couronne à l'abri de la justice ordinaire; elle restreignit la faculté de faire des substitutions par testament; elle soumit les donations à l'insinuation sur des registres publics (4); elle autorisa les tuteurs à revendiquer les sommes perdues au jeu par leurs pupilles; elle régla pour la première fois que la preuve testimoniale ne serait plus suffisante pour la répétition d'une dette de plus de cent livres (2). Au mois de janvier 1564 avait été rendue, à Paris, une ordonnance destinée à compléter celle d'Orléans, et dont le dernier article prescrivait qu'à l'avenir l'année commencerait le 1er janvier. C'était encore un retour heureux à l'antiquité, et la suppression d'une coutume du moyen âge suivant laquelle les diverses contrées de l'Europe et souvent les diverses provinces d'un mème État commençaient l'année à quelque jour solennel de la vie du Christ, les unes au jour de son incarnation, d'autres au jour de sa naissance ou de sa résurrection. Ce dernier mode était le plus usité en France, où l'année, commençant ainsi au jour de Pàques, était restée constamment variable et irrégulière depuis le septième siècle, époque où remontait cet usage. L'innovation introduite par le chancelier fut mise en vigueur par tout le royaume en 1567. Dans la même assemblée de Moulins, on avait aussi tenté de réconcilier les Châtillons et les Guises. Coligny y avait solennellement juré qu'il était innocent du crime de Poltrot, et, à la demande du roi, la veuve du duc de Guise et le cardinal de Lorraine, son frère, avaient embrassé l'amiral. Mais le jeune Henri de Guise, fils aîné du duc, avait trouvé un prétexte pour se dispenser d'assister à cette cérémonie. « Les grandes allégresses et magnificences qui s'étoient faites à Bayonne et les affaires qui s'y traitèrent mirent les huguenots en merveilleuse jalousie et deffiance que la feste se faisoit à leurs despens, pour l'opinion qu'ils avoient d'une estroicte ligue des princes catholiques contre eux. Ce qui leur bailla occasion de remuer toutes pierres et mettre tout bois en œuvre pour en bastir une contraire tant avec la reyne d'Angleterre, princes huguenots d'Allemagne, Genève, qu'ès Pays-Bas, et d'inciter tous ceux de leur party, en France, à prendre l'allarme. » (Casteln., vr, 4.) Le concile universel de Trente, où les États catholiques avaient appelé l'Église chrétienne tout entière à examiner et à raffermir les fondements de les la foi, ébranlés par la réforme, avait terminé à la fin de l'année 4563 ses sessions, qui duraient depuis dix-huit ans. Le saint-siége avait eu peur d'abord de cet examen, et s'y était longtemps refusé; mais ses craintes étaient sans objet. Peu à peu l'orthodoxie la plus inflexible s'était dessinée dans les décisions du concile; il avait donné son entière adhésion à tous les vieux dogmes du christianisme, condamné d'une manière absolue toutes les opinions protestantes, et pleinement restauré, par une déférence obséquieuse, la suprématie papale. L'influence morale de ce résultat fut immense. Aucune incertitude n'était plus permise, et la masse des esprits ignorants ou irrésolus, que les idées de réforme avaient peut-être ébranlés, pouvaient désormais se retrancher derrière une aussi grande autorité pour repousser sans discussion tous les arguments du calvinisme. En même temps, l'Église avait fait effort pour se réformer elle-mème: la rigidité protestante avait rappelé le clergé catholique à une pratique plus sérieuse de ses devoirs, mème en Italie; Rome avait réformé avec prudence une partie des abus qui avaient soulevé les fidèles contre elle; elle s'était saisie de deux armes puissantes et impitoyables, la société de Jésus, fondée dans le but de fournir au saint-siége des instruments aveugles de toutes ses volontés (1540), et l'Inquisition (4542); les papes eux-mèmes, tout différents de ce qu'avaient été les Alexandre VI et les Léon X, étaient devenus des pontifes sévères comme Paul III (4534-4550) et Paul IV (1555-1559), ou bien comme Pie IV et Pie V (4559-4565), qui l'un et l'autre avaient rempli l'office de grand inquisiteur, des hommes dignes du moyen âge par la violence de leur foi. L'union que le concile de Trente avait ramenée dans l'esprit des peuples, il l'avait à plus forte raison raffermie entre les princes demeurés catholiques. La réforme avait été exterminée par les supplices en Espagne et en Italie; le terrible roi Philippe II poursuivait son œuvre, et portait les bûchers dans ses États des Pays-Bas (4566) en disant qu'il aimait mieux « n'avoir pas de sujets que de régner sur des hérétiques. » Les protestants français se sentaient chaque jour plus menacés; les edits de tolérance devenaient de plus en plus illusoires, la reine mère de plus en plus hostile; le jeune Charles IX, qui commençait à montrer de Fintelligence et de la résolution, était surtout extrêmement jaloux de son pouvoir et recevait fort mal soit l'intervention des protestants étrangers, soit les doléances, toujours un peu hautaines, des chefs calvinistes de son royaume. « Le duc d'Albe avait raison, dit-il un jour en entrant chez sa mère, après un entretien orageux avec Coligny, ces hommes-là portent trop haut la tête, et ce n'est point par l'adresse, mais par la vigueur et la force, qu'il faut les abattre.» (Davila.) La situation des malheureux Pays-Bas, où les ministres de Philippe II se baignaient dans le sang, ledit d'Amboise toujours violé, l'insulte et le meurtre des protestants toujours impunis, attisèrent les craintes et précipitèrent les résolutions de Condé, des Châtillons et de leurs amis. Dans le courant de l'année 1567, ils tinrent plusieurs assemblées secrètes, et s'étant arrêtés au parti le plus hardi, ils l'exécuterent avec la promptitude et l'ensemble dont ils avaient déjà donné des preuves. La cour était au château de Monceaux en Brie, occupée de fètes et d'intrigues, quand un diplomate qui arrivait des Pays-Bas apporta le bruit d'une prochaine levée de boucliers des huguenots. On ne voulait pas le croire, et le chancelier dit au roi et à la reine mère « que c'estoit un crime capital de donner un faux advertissement à son prince, mesmement pour le mettre en défiance de ses sujets. Mais quatre ou cinq jours plus tard on vit les chemins se couvrir d'hommes armés, et la cour n'eut que le temps d'appeler à l'aide un corps de six mille Suisses fraîchement arrivés, puis de se jeter dans la ville de Meaux, pendant que les calvinistes s'organisaient quatre lieues plus loin, à Rosoy (27 septemb.). Les Suisses accoururent. Entrés dans Meaux à minuit, ils en partirent à trois heures du matin, se dirigeant sur Paris en bataillon carré; au milieu d'eux ils avaient placé le roi et les dames. Quelques centaines de gentilshommes formaient la tête et la queue du convoi. Charles IX était exaspéré d'une insolence qui le réduisait à une telle extrémité, et il voulait qu'on se battît. Mais ceux qui l'entouraient préférèrent sagement s'en tenir à la défensive. « Ce gros bataillon fit une contenance digne des Suisses; car, sans jamais s'estonner, ils demeurèrent fermes pour un temps, puis après se retirèrent serrez, tournans tousjours la teste, comme a accoustumé de faire un furieux sanglier que les abboyeurs poursuivent, jusqu'à ce qu'on les abandonna, voyant qu'il n'y avoit apparence de les forcer.» (Mém. de la Noue, ch. XIII.) Les huguenots d'ailleurs étaient, suivant leur habitude, plus intrépides que nombreux. Après s'être vu trop faible pour réussir à ce coup de main, Condé n'avait pas craint de se porter sur Paris, de faire le dégât aux environs, d'envoyer ses cavaliers courir jusqu'aux portes de la ville et de s'emparer des routes, comme pour affamer les habitants. Or son armée atteignait à peine au chiffre de six mille hommes dépourvus d'artillerie, et il y en avait dix mille à Paris, sans compter les milices bourgeoises. Il se cantonna fortement à Saint-Denis, dans le dessein d'y attendre la noblesse calviniste du midi de la France, et une armée allemande que devait lui amener le fils de l'électeur palatin. Les Parisiens voulurent l'aller déloger. Ils se firent conduire au combat par le vieux connétable de Montmorency. Condé, trois ou quatre fois inférieur en nombre, vint à leur rencontre, et la lutte resta indécise d'une part, le connétable fut tué; de l'autre, les protestants furent chassés du champ de bataille (10 novemb.). Comme le roi s'entretenait avec ses courtisans du doute où l'on était sur la question de savoir lequel des deux partis pouvait s'attribuer l'honneur de la bataille de Saint-Denis: « Votre Majesté ne l'a point gaignée, sire, dit le maréchal de Vieilleville, et encores moins le prince de Condé. Qui doncques? dit le roy. Ce a esté, respond M. le mareschal, le roy d'Espagne; car il y est mort d'une part et d'aultre tant de valeureux seigneurs, si grant nombre de noblesse, de vaillants capitaines et de braves soldats, tous de la nation françoise, qu'ils estoient suffisants pour conquester la Flandre et tous les Pays-Bas, et les réincorporer à vostre couronne, de laquelle ils sont autrefois sortis. » (Vieillev., IX, 39.) Condé se retira sur Montereau et gagna la Champagne, où il fit sa jonction avec dix mille Allemands venus du Palatinat; puis il rebroussa chemin, rallia vers la Loire sept mille calvinistes du midi de la France, et se rendit maître successivement d'Auxerre, Orléans, Baugency, Blois, la Charité. Mais cette guerre était trop lourde à soutenir; il fallait que ses hommes la fissent à leurs frais, et, de plus, qu'ils soldassent leurs auxiliaires allemands; le pillage des couvents et des églises ne leur suffisait pas; ils n'étaient pas soutenus, et sentaient que leur cause n'avait rien de populaire. Condé accepta les propositions de la reine mère, qui offrit la paix, et la signa avec elle, à Longjumeau, le 23 mars 1568. Les conditions étaient que, quand les protestants auraient posé les armes et rendu les places qu'ils avaient prises, l'édit d'Amboise serait rétabli, sans diminution ni restriction. Leur faiblesse les contraignit à céder des garanties matérielles contre des promesses déjà violées cent fois. En effet, lorsque ceux des leurs qui gardaient Auxerre et d'autres villes en ouvrirent les portes, la populace se jeta sur eux; ailleurs on les attaquait dans leurs maisons, on les assassinait isolément : aussi refusèrent-ils de livrer plusieurs des villes qu'ils tenaient encore, surtout Montauban et la Rochelle. Deux mois après, le vénérable Lhospital, qui continuait à réclamer l'exécution sincère des promesses de tolérance, fut privé de son office de chancelier; cette destitution indiquait d'une manière éclatante le changement qui s'était opéré dans les dispositions de la reine mère. La cour démasqua peu après ses desseins perfides en donnant l'ordre au maréchal de Tavannes, qui commandait en Bourgogne, de se saisir de Condé et de Coligny, alors réunis au château de Noyers. On devait en même temps s'assurer de la personne de Jeanne d'Albret, veuve du roi de Navarre, qui soutenait courageusement la réforme dans le Midi; mais Tavannes répondit, s'il faut en croire ce qu'il dit lui-même, « que la royne estoit conseillée plus de passion que de raison, et que l'entreprise estoit dangereuse; que luy n'estoit propre pour telles surprises; que s'il plaisoit à Sa Majesté de déclarer la guerre ouverte, qu'il feroit cognoistre comme il sçavoit servir que quand il voudroit exécuter ce commandement, que MM. de Condé et admiral ayans de bons chevaux se pourroient sauver, et luy demeurer en croupe, avec le blasme d'avoir rompu la paix, luy restans ces princes et ce party pour mortels ennemis. » (Mém. de Tavann.) Il fit lui-même donner l'alarme à ceux qu'il devait prendre, et qui, après avoir traversé la France en fugitifs, parvinrent (23 août) à se mettre en sûreté dans la Rochelle, où Jeanne d'Albret les rejoignit, malgré les efforts de Montluc, à la tête de quatre mille religionnaires du Midi. Alors parut un édit qui contenait la véritable pensée de Catherine de Médicis, et qu'elle avait élaboré avec le cardinal de Lorraine. Par cet acte, le gouvernement accordait aux huguenots le pardon de leurs erreurs, à condition qu'ils se soumissent immédiatement; il ordonnait à tous les ministres réformés de sortir du royaume dans le délai de quinze jours, et défendait, sous peine de mort, l'exercice du culte protestant (28 sept.). Mais les forces dont la cour pouvait disposer n'étaient pas suffisantes, et le roi n'était pas assez bien obéi pour soutenir cette rigueur. Elle ne servit qu'à faire lever en masse tous les huguenots du royaume par la chaude alarme qu'elle leur donna, et, avec l'énergie du désespoir, ils se rendirent les maîtres dans le Poitou, l'Angoumois, la Saintonge et une partie du Midi. L'imprudence et longueur de la royne, embarquée sans biscuit, plus estonnée que ceux qu'elle vouloit surprendre » (Tavann.), leur laissa le temps de s'affermir, de lever des contributions, d'aller chercher des secours d'armes et d'argent auprès d'Élisabeth d'Angleterre, de piller la mer et les côtes par les corsaires de la Rochelle, et de rassembler une armée de vingt-trois mille hommes. Condé se trouvait plus puissant qu'il ne l'avait jamais été. ( L'armée royale s'avança enfin, à peu près aussi nombreuse. Elle était commandée par le troisième fils de la reine, le duc d'Anjou, qui n'avait alors que dix-sept ans, mais que Catherine préférait à son fils Charles, auquel elle aimait à l'opposer, et qui devait se diriger par le conseil des maréchaux de Tavannes et de Biron. Arrêtés l'un et l'autre par les rigueurs d'un hiver excessif, les deux partis manœuvrèrent pendant plusieurs mois sans s'aborder. Ce fut seulement le 43 mars 1569 qu'ils se joignirent. L'armée de Condé, fort diminuée alors, opérait sur la Charente pour se réunir à des renforts qu'elle attendait du Midi, quand celle du duc d'Anjou tomba à l'improviste sur l'arrière-garde ennemie, près de Jarnac. Celle-ci se retira en désordre et perdit quelques centaines d'hommes; mais le coup le plus funeste qu'y reçurent les protestants fut la mort de leur vaillant et dévoué général, le prince de Condé. Déjà blessé au bras et la jambe cassée, Condé voulut charger encore à la tête d'un corps de cavalerie, et s'élança en criant aux siens : « Voici le combat que nous avons tant désiré; souvenez-vous en quel état Louis de Bourbon y entre pour Christ et sa patrie. » Son cheval fut tué; Condé tomba, incapable de se relever. Autour de lui s'engagea une lutte acharnée. Un vieux servi |