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Paris. Typographie de J. BEST, rue Saint-Maur-Saint-Germain, 15.

A25

38

HISTOIRE DE FRANCE

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'A NOS JOURS

D'APRÈS

LES DOCUMENTS ORIGINAUX

ET

LES MONUMENTS DE L'ART DE CHAQUE EPOQUE

Léonard

PAR MM.

не
Hemas

HENRI BORDIER ET ÉDOUARD CHARTON

NOUVELLE ÉDITION

TOME SECOND

PARIS

AUX BUREAUX DU MAGASIN PITTORESQUE

29, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 29

1862

Vignand

3-29-28.

HISTOIRE DE FRANCE

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'A NOS JOURS

FRANCE MONARCHIQUE

[graphic]

Louis XII entre les prélats et les grands seigneurs de son conseil.

-Miniature de la Chronique de Louis XII par frère Jean d'Auton, historiographe du roi (ms. no 9701, au département des manuscrits de la grande Bibliothèque de Paris.)

11.

1

LA RENAISSANCE.

Depuis le milieu du quinzième siècle, la pensée s'était enhardie peu à peu en France et dans le reste de l'Occident; elle se dépouillait de ses langes; la tutelle rigoureuse où la dureté du moyen àge l'avait si longtemps retenue touchait à sa fin. L'année 4500 marque le point culminant d'une des plus grandes périodes de l'histoire. L'humanité, lasse d'une immobilité trop longue, s'éveille, reprend courage, s'avance, et tout aussitôt voit de nouveaux horizons se dérouler devant elle.

L'invention de l'imprimerie ne fut pas un jet de lumière isolé. D'autres mémorables événements annoncérent avec le même éclat l'ère des sociétés modernes.

Le 29 mai 1453, l'empire grec avait cessé d'exister les Turcs étaient entrés dans Constantinople; quarante mille chrétiens avaient été massacrés par les Infideles, et le dernier des empereurs romains, Constantin Paléologue, était mort glorieusement à leur tête. Un grand nombre de ceux qui avaient survécu à ce désastre se réfugièrent en Italie et dans les autres États occidentaux, où se manifestèrent des velléités de vengeance et de croisade qui demeurèrent sans effet, mais où, du moins, on accueillit avec empressement les derniers héritiers de la Grèce antique. Ces réfugiés apportèrent avec eux leur connaissance de la langue et de la littérature helléniques, leurs traditions du bon goût, leurs manuscrits les plus précieux, et ceux d'entre eux qui étaient véritablement savants répandirent le savoir à pleines mains dans leurs nouvelles patries. C'est ainsi que Constantin et Jean Lascaris, tous deux issus d'une famille princière de Constantinople, professèrent publiquement, l'un à Milan, où il écrivit le premier livre qui fut imprimé en grec (4), à Naples et à Messine; l'autre à Florence, à Rome, et surtout à Paris.

En même temps que les nations de l'Europe occidentale recueillaient ainsi, comme une semence féconde, les derniers enseignements de l'antiquité, leur activité s'engageait aux extrémités du monde dans des voies inconnues.

Le moyen âge n'a réellement rien su de la grandeur de l'univers. Il ne connaissait pas même le globe terrestre. D'anciens astronomes égyptiens et grecs avaient deviné la rondeur de la terre; mais les chrétiens, par la bouche de leurs plus grands docteurs, saint Basile, saint Augustin, saint Chrysostôme, saint Ambroise, avaient rejeté cette donnée, qu'ils qualifiaient d'absurde et de monstrueuse. Pour eux, la Bible entendue à la lettre était la source unique de toute science. Or on y lisait : « Dieu a disposé le ciel en forme de voûte. » (Isaïe.) « Il a baissé le ciel vers la terre, puis il a étendu celle-ci comme de la chaux et l'a soudée comme une pierre carrée. » (Job.) Comment concevoir, après cette déclaration, dictée, disait-on, par Dieu

(1) Une Grammaire grecque, imprimée à Milan en 1476.

lui-même, que la terre pût être sphérique ? C'était une pensée non-seulement absurde, mais coupable aux yeux des docteurs chrétiens. «Quelqu'un estil assez extravagant, dit Lactance, pour se persuader qu'il y ait des hommes ayant la tête en bas et les pieds en haut; que dans leur pays les plantes et les arbres croissent en descendant, que la pluie et la grêle y tombent en montant? J'avoue que je ne sais que dire de ces gens qui demeurent opiniàtres dans leurs erreurs et qui soutiennent des extravagances. Il me serait aisé de prouver par des arguments invincibles qu'il est impossible que le ciel se trouve au-dessous de la terre. »

La faible humanité se croyait sûre aussi d'occuper le seul monde habité, d'être le centre unique autour duquel se mouvait le reste de la création, et d'absorber à elle seule l'amour et les regards du Créateur. Elle se figurait le monde comme un appareil de douze demi-sphères transparentes, à la voûte desquelles étaient attachées diverses classes d'étincelles ambulantes, et qui recouvraient de leurs dômes superposés la terre, contenant ellemême dans ses profondeurs les cavités du purgatoire et de l'enfer. Tel était le système démontré scientifiquement par le grand docteur du treizième siècle, saint Thomas d'Aquin (1 227-1 274); et quand, trois siècles plus tard, Copernic et Galilée voulurent prouver que la terre n'était qu'un satellite du soleil, l'Église s'éleva contre des nouveautés qui lui paraissaient attaquer ses croyances dans leurs fondements.

C'est à l'ardeur commerciale que revient le mérite d'avoir la première fait entrevoir la vérité. Pendant le moyen âge comme aux temps antiques, le commerce maritime était à peine sorti du bassin de la Méditerranée; mais à mesure que se consolida leur puissance, les royaumes de l'Europe occidentale portèrent plus loin leurs entreprises et leurs regards scrutateurs sur l'Océan. Les Portugais, placés à la pointe, s'élancèrent d'abord. Leurs marins s'étaient emparés de l'île de Madère en 41419; en 1433, ils remontérent jusqu'aux Açores, et atteignirent jusques aux côtes de la Guinée. Ils se firent, en 4 440, adjuger à l'avance par le pape, agissant «< comme successeur du Christ, auquel appartient le monde entier », toutes les terres nouvelles qu'ils pourraient découvrir sur la côte d'Afrique, et avec elles tous les païens qui les habitaient, afin de les sauver, c'est-à-dire de les convertir de gré ou de force au christianisme. Quoi qu'il en soit de cette doctrine inhumaine, qui fut la première excuse de la traite des nègres, les Portugais s'avancèrent peu à peu sur les plages de la Guinée; en 4472 ils abordèrent aux iles du Prince, en 1484 au Congo, et s'approchérent peu à peu de la pointe extrême de l'Afrique, qu'ils reconnurent en 4486, et qu'ils saluaient de loin du nom de cap de Bonne-Espérance. Ils avaient compris qu'en doublant ce promontoire redoutable, appelé aussi le cap des Tempêtes, ils s'ouvraient le chemin des Indes. Vasco de Gama le franchit en 4497, et jeta l'ancre, au mois de mai 1498, dans l'un des grands ports de l'Inde, à Calicut.

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