DE LA LANGUE FRANÇAISE I DE L'ÉTYMOLOGIE ET DE LA GRAMMAIRE FRANÇAISE. DE LA GRAMMAIRE ANCIENNE ET DES RÈGLES POUR CORRIGER LES VIEUX TEXTES EN LANGUE D'OÏL. Un titre a été nécessaire pour faire saisir l'enchaînement des différentes parties du travail qui va suivre et qui, ne comprenant pas moins de douze articles, a pour texte cinq ouvrages1. Sans doute ces ouvrages y 11°LEXICON ETYMOLOGICUM LINGUARUM ROMANARUM, ITALICE, HISPANICE, GALLICE, par Friederich Diez. Bonn, A. Marcus, 1853, 1 vol. in-8. 2° LA LANGUE FRANÇAISE DANS SES RAPPORTS AVEC LE SANSCRIT ET AVEC LES AUTRES LANGUES INDO-EUROPÉENNES, par Louis Delatre. Paris, Didot, 1854, t. l, in-8. 3o GRAMMAIRE DE la langue d'oil, ou grammaire des dialectes français aux douzième et treizième siècles, suivie d'un glossaire conterant tous les mots de l'ancienne langue qui se trouvent dans l'ouvrage, par G. F. Burguy. Berlin, F. Schneider, t. Ier, 1853; t. II, 1854. 4o GUILLAUME D'ORANGE, Chansons de geste des onzième et douzième siècles, publiées pour la première fois et dédiées à S. M. Guillaume III, roi des Pays Bas. par M. W. J. A. Jonk-bloet, professeur à la Faculté de Groningue. La Haye, Nyhoff, 1854, 2 vol. in-8. 5° ALTFRANZŒESISCHE LIEDER, etc. (Chansons en vieux français, corri sont analysés et examinés; mais par ces analyses et par ces examens se constitue un fond général, suffisamment indiqué et caractérisé par ce titre : à savoir l'étymologie, l'ancienne grammaire, et la correction des vieux textes en langue d'oïl. D'ailleurs, de brefs sommaires, accompagnant chaque article, noteront ce qui y est renfermé en particulier. SOMMAIRE DU PREMIER ARTICLE. (Journal des Savants, avril 1855). — Cet article est destiné à des remarques générales sur l'étude de la langue française ancienne ou langue d'oïl La langue d'oïl, celle de la Provence ou langue d'oc, l'italien et l'espagnol sont des langues sœurs qui ont été produites parallèlement par la décomposition du latin. Cette formation a suivi, sur une aussi vaste étendue de pays, des procédés tout à fait analogues; analogies dont l'étendue et la régularité écartent les préjugés traditionnels sur la barbarie qu'on y suppose. Importance d'étudier en un temps historique, comme on le peut ici, la formation d'une langue. Grammaire de la langue ancienne; elle a des cas; elle est plus régulière et plus analogue que celle du français moderne. Rôle que l'accent latin joue dans l'étude de l'étymologie. Formation des vers, non d'après le principe classique de la quantité qui est abandonné, mais d'après celui de l'accent. Ce qui éclate à cette haute période, c'est, d'une part, la force de production qui crée une langue et une poésie adaptées aux nouvelles circonstances, et, d'autre part, la généralité et la régularité de ce travail qui étend ses procédés sur l'Italie, l'Espagne et la Gaule. Il fut un temps, notamment au dix-septième siècle, où les monuments anciens de notre idiome étaient tombés dans l'oubli le plus profond. Sous la forte impulsion de la Renaissance, et dans l'orgueil légitime gées et expliquées, auxquelles des comparaisons avec les chansons en provençal, en vieil italien et en haut allemand du moyen âge, et un glossaire en vieux français sont joints), par Ed. Mætzner. Berlin, Dümmler, 1853, 1 vol. in-8. inspiré par les chefs-d'œuvre qui succédèrent, on renonça sans peine à se croire issu du moyen âge, et l'on préféra pour aïeux les admirables modèles de Rome et de la Grèce. La conscience se serait révoltée si, dans l'ordre religieux, la descendance eût été rattachée aux idolâtres, qui avaient persécuté l'Église naissante, et que l'Église triomphante avait anathématisés; mais l'esprit ne se serait guère moins révolté si, dans l'ordre littéraire et scientifique, la filiation eût été comptée à partir du moyen âge. De la sorte, on scindait le développement total: une part en était rapportée, comme cela devait être, à la tradition non interrompue des âges intermédiaires; l'autre part était ramenée à des origines plus lointaines, sans égard pour un passé dont on croyait n'avoir aucun compte à tenir. Toutefois, malgré ce dédain oublieux, rien ne pouvait effacer une trace ineffaçable du travail antérieur ; c'était la langue qu'alors on parlait et que nous parlons encore. Celle-là, du moins, émanait, sans aucun doute, de cette période de confusion et d'obscurité de laquelle on détournait le regard, mais où, manifestemen!, les choses nouvelles s'étaient préparées et commencées. Il faut bien confesser que notre idiome et celui des Provençaux, ainsi que l'italien et l'espagnol, sont une transformation, une corruption, si l'on veut, du latin. De ce côté, nous tenons étroitement à notre souche, et, pour me servir du langage du poëte, documenta damus qua simus origine nati. Mais peut-être cette origine n'est-elle pas tant à dédaigner, et peut-être y a-t-il lieu de constater, dans ce renouvellement, plus d'ordre et de régularité qu'on ne le suppose d'ordinaire; tout au moins, il est impossible de n'être pas singulièrement frappé de la grandeur du phénomène. Le latin, par les armes, par l'administration, par les lettres, s'était emparé de l'Italie, où il était né dans un coin, de l'Espagne et de la Gaule; au delà de ce domaine, il avait échoué, n'en tamant ni la Grèce ni l'Asie, ne faisant quelques progrès en Afrique que pour en être chassé, et n'ayant pas eu le temps de s'imposer à la Bretagne. Mais, dans les deux péninsules et dans le pays entre les Alpes et le Rhin, il fut pleinement vainqueur des idiomes na tionaux. Il supplanta le grec dans la Grande-Grèce, l'étrusque dans l'Étrurie, le gaulois dans la Gaule cisalpine; des trois langues que César signale dans la Gaule transalpine, il ne laissa subsister que l'armoricain, relégué en un coin sur le bord de la mer, comme il ne laissa, en Espagne, de l'ibérien que le basque, retiré sur les deux versants des Pyrénées. Ce fut une œuvre immense d'assimilation qui ne devait plus se défaire, quelque fragile qu'elle pût paraître, quelque violents que fussent les assauts qui allaient survenir. Et ils ne tardèrent pas à peine était-elle achevée que commença la ruine prévue par Tacite, quand, s'apercevant que les destins de l'empire allaient à leur déclin, il souhaitait que, pour le salut de Rome, la discorde fût éternelle entre les peuplades germaniques. Les barbares s'épandirent sur la Gaule, sur l'Italie, sur l'Espagne, apportant tous les dialectes qui se parlaient au delà du Rhin. Et pourtant le tronc latin résista; et, lorsqu'une influence plus favorable eut remplacé ce |