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deux formes seulement : le premier, emperuire, emperador; le second, emperere, empereor; mais ces deux nouvelles désinences furent à leur tour obligatoires comme l'avaient été les cinq anciennes, et il se créa le sentiment des deux cas, successeur atténué du sentiment des cinq cas.

A en juger par l'événement, qui est ici le meilleur analyste, l'aboutissement général des langues romanes était de parvenir à un état où les cas fussent abolis. En effet le français ne tarda pas à perdre les siens et à devenir semblable en cela à l'italien et à l'espagnol. Ce changement fut complétement terminé dans le quinzième siècle. Comparant donc le français du quinzième avec l'italien et l'espagnol, qui dès le treizième et le douzième sont dépouillés de ces désinences, on trouve qu'il est moins ancien que ces deux idiomes; ils existaient déjà dans un temps où il n'existait pas encore. Mais, passant au treizième et au douzième siècle, époques où, comme il vient d'être dit, l'espagnol et l'italien sont sans cas, on trouve que le français et le provençal en ont deux; à cette date, en ne considérant que l'espagnol et l'italien, on voit qu'ils priment le français moderne, puisqu'ils sont langues sans cas avant lui, et qu'ils sont primés par la langue d'oc et la langue d'oïl puisqu'elles ont une déclinaison. Les échantillons de bas 'atin qui nous sont parve

nus des premiers temps barbares semblent montrer que l'état de la latinité où l'on ne connut plus que le nominatif et le complément fut universel dans tout le domaine roman. Mais d'une part il s'incorpora dans le provençal et le français, d'autre part il s'effaça dans l'espagnol et l'italien, qui continuèrent d'une manière latente leur marche vers l'abolition des cas. Cette condition distincte se révéla au onzième siècle quand on commença d'écrire; le groupe hispano-italique usait d'un idiome pleinement moderne; le groupe francoprovençal, d'un idiome intermédiaire.

Au premier abord, on peut se demander si, au moment où ces événements de langue se passaient, et en considérant l'aboutissement universel du roman à l'abolition des cas, ce n'est pas le premier groupe qui est en avance et le second en arrière, c'est à dire, si le premier ne s'adapte pas plus tôt que le second à la nouvelle civilisation et ne témoigne pas d'un développement plus hâtif. Des faits connexes non-seulement ne permettent pas une telle conclusion, mais encore en suggèrent une tout opposée. Si, dès le onzième siècle, la langue italienne, transposant ses destinées, produisait Dante et sa Divine comédie, Pétrarque et ses poésies, Boccace et sa prose, il serait clair qu'à elle appartiendrait l'antériorité d'évolution, et, qu'en fran. chissant l'intermédiaire des deux cas, elle s'est mise,

avant ses sœurs latines, dans la grande œuvre de production romane. Mais il n'en fut rien; Dante, Pétrar que, Boccace sont encore dans un lointain avenir; c'est le quatorzième siècle qui les verra apparaître, et nous ne sommes encore qu'au onzième. Un vaste intervalle reste inoccupé; ce désert est rempli par la langue d'oc et la langue d'oïl; c'est à elles deux qu'appartiennent les anciennes créations poétiques, non pas seulement quelques effusions isolées, mais tout un cycle longtemps inépuisable qui, enfanté par les gens de Provence ou de France, n'en devint pas moins un charme pour les esprits au delà des Alpes, des Pyrénées, du Rhin et de la Manche. En fait et au point de vue historique, la bonne condition, la condition féconde, la condition vraiment accommodée aux circonstances sociales, fut celle des langues à deux cas ou langues intermédiaires. Je ne veux pas dire qu'elles eurent l'avance parce qu'elles étaient langues à deux cas, je veux dire au contraire qu'elles furent langues à deux cas parce qu'elles eurent l'avance. Cette organisation d'une demi-latinité, tandis qu'ailleurs la lati nité continuait à se désorganiser, est le témoignage d'un état social qui prend les devants sur le reste del'Occident; témoignage en plein accord avec l'établissement du régime féodal qui a toutes ses racines dans la Gaule devenue France et qui fut la vraie et grande

reconstitution de la société après la chute de l'Empire.

Avoir signalé ainsi entre les langues romanes une différence qui, portant sur un point fondamental de la grammaire, indique qu'elles s'écartent inégalement de la latinité, c'est avoir introduit dans cette étude des notions qui n'y étaient pas. Il en résulte que la formation des langues romanes n'a pas été tellement simultanée qu'on ne puisse y apercevoir deux échelons au moins. Ce grand phénomène a eu ses degrés ; et la latinité, se retirant comme un fleuve qui décroit, a laissé la trace de deux étiages reconnaissables; de sorte que, outre l'histoire de leur origine dans le sein de la latinitė, il y avait à considérer l'histoire d'un développement intrinsèque qui les divisât en groupes naturels. Dans ce développement, c'est la langue d'oc et la langue d'oïl, qui ont l'antécédence, contre l'opinion vulgaire qui attribuait l'antécédence à l'italien. Puis, cela établi et la perte des cas apparaissant en fait comme un terme auquel les langues romanes aboutissent, l'antécédence passe à l'italien et à l'espagnol, qui sont langues sans cas avant le français; et celui-ci, à son tour (il n'est plus question du provençal qui meurt avant d'atteindre les temps modernes), n'acquiert ce caractère que longtemps après l'italien et l'espagnol. Le diagramme de

développement du groupe roman tout entier se présente donc ainsi la latinité qui est le type; le travail interne qui, la décomposant, donne naissance au latin moderne ou roman; la conservation de cas dans un premier sous-groupe; la perte complète des cas dans le second sous-groupe; et finalement la perte des cas dans le premier, qui de cette façon se réunit au second et devient semblable à lui. Si on réfléchit à ces faits et aux connexions qui prévalent avec tant de force dans les choses historiques, on verra qu'ils ne sont pas sans importance pour la connaissance de l'histoire littéraire des peuples romans et même de leur histoire politique, et qu'ils sont un des éléments d'une conception positive et étendue de l'histoire ro

mane.

4.

Du français en particulier.

Après le groupe total des quatre langues romanes, après le groupe restreint des deux langues à cas, l'ordre de généralité décroissante conduit à considérer le français en lui-même et son histoire.

Cette histoire remonte fort haut. Nous avons des textes du dixième siècle qui prouvent dès lors l'existence du français; et un trouvère du douzième siècle, Benoît, nous apprend qu'à la fin du neuvième les Français firent en leur langue des vers satiriques à l'adresse

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