VIRGILE, au troisieme livre de l'Eneide; c'est Littoraque Epiri legimus, portuque subimus Solemnes tum forte dapes et tristia dona.... Dejecit vultum, et demissa voce locuta est: Ast illum, ereptæ magno inflammatus amore Conjugis, et scelerum furiis agitatus, Orestes Excipit incautum, patriasque obtruncat ad aras. Voilà en peu de vers tout le sujet de cette tragé= die; voilà le lieu de la scene, l'action qui s'y passe, les quatre principaux acteurs, et même leurs caracteres, excepté celui d'Hermione, dont la jalousie et les emportements sont assez marqués dans l'Andromaque d'Euripide. C'est presque la seule chose que j'emprunte ici de cet auteur. Car, quoique ma tragédie porte le même nom que la sienne, le sujet en est pourtant très différent. Andromaque, dans Euripide, craint pour la vie de Molossus qui est un fils qu'elle a eu de Pyrrhus, et qu'Hermione veut faire mourir avec sa mere. Mais ici il ne s'agit point de Molossus; Andromaque ne connoît point d'autre mari qu'Hec= tor, ni d'autre fils qu'Astyanax. J'ai cru en cela me conformer à l'idée que nous avons maintenant de cette princesse. La plupart de ceux qui ont en= tendu parler d'Andromaque ne la connoissent guere que pour la veuve d'Hector et pour la mere d'As= tyanax; on ne croit point qu'elle doive aimer ni un autre mari ni un autre fils: et je doute que les lar= mes d'Andromaque eussent fait sur l'esprit de mes spectateurs l'impression qu'elles y ont faite, si elles avoient coulé pour un autre fils que celui qu'elle avoit d'Hector. Il est vrai que j'ai été obligé de faire vivre Astya= nax un peu plus qu'il n'a vécu: mais j'écris dans un pays où cette liberté ne pouvoit pas être mal reçue; car, sans parler de Ronsard qui a choisi ce même Astyanax pour le héros de sa Franciade, qui ne sait que l'on fait descendre nos anciens rois de ce fils d'Hector, et que nos vieilles chroniques sau= vent la vie à ce jeune prince, après la désolation de son pays, pour en faire le fondateur de notre monarchie? Combien Euripide a-t-il été plus hardi dans sa tra= gédie d'Hélene! il y choque ouvertement la créance commune de toute la Grece. Il suppose qu'Hélene n'a jamais mis le pied dans Troie, et qu'après l'em= brasement de cette ville Ménélas trouve sa femme en Egypte, d'où elle n'étoit point partie: tout cela fondé sur une opinion qui n'étoit reçue que parmi les Egyptiens, comme on le peut voir dans Hérodote. Je ne crois pas que j'eusse besoin de cet exemple d'Euripide pour justifier le peu de liberté que j'ai pris: car il y a bien de la différence entre détruire le principal fondement d'une fable, et en altérer quelques incidents, qui changent presque de face dans toutes les mains qui les traitent. Ainsi Achille, selon la plupart des poëtes, ne peut être blessé qu'au talon, quoiqu'Homere le fasse blesser au bras, et ne le croie invulnérable en aucune partie de son corps. Ainsi Sophocle fait mourir Jocaste aussitôt après la reconnoissance d'OEdipe; tout au contraire d'Euripide, qui la fait vivre jusqu'au combat et à la mort de ses deux fils. Et c'est à propos de quelque con= trariété de cette nature, qu'un ancien commentateur de Sophocle remarque fort bien (1) « qu'il ne faut (1) Sophoclis Electra. « point s'amuser à chicaner les poëtes pour quelques « changements qu'ils ont pu faire dans la fable; « mais qu'il faut s'attacher à considérer l'excellent « usage qu'ils ont fait de ces changements, et la « maniere ingénieuse dont ils ont su accommoder « la fable à leur sujet. » ACTEURS. ANDROMAQUE, Veuve d'Hector, captive de Pyrrhus. PYRRHUS, fils d'Achille, roi d'Epire. ORESTE, fils d'Agamemnon, amant d'Hermione. HERMIONE, fille d'Hélene, accordée avec Pyrrhus. PYLADE, ami d'Oreste. CLÉONE, confidente d'Hermione. CÉPHISE, confidente d'Andromaque. PHOENIX, gouverneur d'Achille, et ensuite de Pyrrhus. Suite d'Oreste. La scene est à Buthrote, ville d'Epire, dans une salle du palais de Pyrrhus. |