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cachetr de ces deux auteurs sont si semblables! | lui? Malgré cela, je suis convenu, je conviens

Il s'agissoit de confirmer cette erreur; c'est ce
qu'on crut faire au moyen d'un second libelle:
car comment penser qu'au moment où M. Ver-
nes marquoit tant d'horreur pour le premier
il s'occupat à composer le second? On y prit
la précaution, qu'on avoit négligée dans le pre-mement assuré qu'elle en est.
inier, d'employer dans quelques mots l'ortho-
graphe de M. de Voltaire, comme un oubli de
sa part, encor, serait. On affecte d'y parler de
la génuflexion dans des sentimens contraires à
ceux de M. Vernes, versis viarum indiciis:
mais qu'avoit affaire dans un libelle écrit con-
tre moi la génuflexion dont je n'ai jamais parlé? |
C'est ainsi qu'en se cachant maladroitement on

encore du tort que j'ai eu de le lui attribuer
publiquement: mais je demande s'il m'est per-
mis de réparer ce tort par un mensonge au-
thentique, en déclarant publiquement que cette
pièce n'est point de lui, tandis que je suis inti-

se montre.

Je conviens cependant que toutes ces raisons, très-suffisantes pour me persuader moi-même, ne le seroient pas pour convaincre M. Vernes devant les tribunaux. J'en ai plus qu'il n'en faut pour croire; je n'en ai pas assez pour prouver. En cet état tout ce que je puis dire, et que je dis assurément de très-bon cœur, c'est qu'il est absolument possible que M. Vernes ne soit pas l'auteur du libelle : aussi n'ai-je affirmé qu'il l'étoit qu'autant qu'il ne diroit pas le contraire, et en m'appuyant d'une seule raison dont même le public ne pouvoit sentir la valeur.

Quel est l'homme assez dépourvu de goût et de sens pour attribuer de pareils écrits à M. de Voltaire, à la plume la plus élégante de son siècle? M. de Voltaire auroit-il employé six pages d'une pièce qui en contient huit à parler des Or il est impossible, à toute rigueur, que la ministres de Genève et à tracasser sur l'or- pièce ne soit pas de celui à qui je l'ai attribuée; thodoxie? m'auroit-il reproché d'avoir mêlé il est certain, dans cette supposition, que, lui l'irréligion à mes romans? m'auroit-il accusé ayant fait la plus cruelle injure, je lui dois la d'avoir voulu brouiller des pasteurs? auroit-il plus éclatante réparation, et il n'est pas moins dit qu'il n'est pas permis d'étaler des poisons certain que je veux faire mon devoir, sitôt sans offrir l'antidote? auroit-il affecté de met- qu'il me sera connu. Comment m'y prendre tre les auteurs dramatiques si fort au-dessous en cette occasion pour le connoître? Je ne veux des savans? auroit-il fait si grand'peur aux Ge-être ni injuste ni opiniàtre; mais je ne veux être nevois d'appeler les étrangers pour juger leurs différends? auroit-il usé du mot de délit commun, sans savoir ce qu'il signifie, lui qui met une attention si grande à n'employer les termes de science que dans leur sens le plus exact? auroit-il dit que le mot amphigouri signifioit déraison? auroit-il écrit quinze cent, faire cent indéclinable étant une des fautes de langue particulières aux Genevois? Enfin, après avoir pris si grand soin de déguiser son orthographe dans le premier libelle, se seroit-il négligé dans fe second, lorsqu'on l'accusoit déjà du premier? M. de Voltaire sait que les libelles sont un moyen maladroit de nuire; il en connoît de plus sûrs que celui-là.

En rassemblant tous ces divers motifs de croire, quel lecteur pourroit refuser son acquiescement à la persuasion où je suis que M Vernes est l'auteur du libelle, soit par les traits cumulés qui l'y peignent, soit par les circonstances qui ne peuvent se rapporter qu'à

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ni lâche ni faux. Tant que je me porterai pour juge dans ma propre cause, la passion peu m'aveugler: ce n'est plus à moi que je dois m'en rapporter, et en conscience je ne puis m'en rapporter à M. Vernes. Que faire donc? je ne vois qu'un moyen, mais je le crois sùr; la raison me l'a suggéré, mon cœur l'approuve; en fût-il d'autres, celui-là seroit le plus digne de moi.

Dans une petite ville comme Genève, où la police est d'autant plus vigilante qu'elle a pour premier objet le plus vif intérêt des magistrats, il n'est pas possible que des faits tels que l'impression et le débit d'un libelle échappent à leurs recherches, quand ils en voudront découvrir les auteurs. Il s'agit ici de l'honneur d'un citoyen, d'un pasteur; et l'honneur des particuliers n'est pas moins sous la garde du gouvernement que leurs biens et leurs vies.

Que M. Vernes se pourvoie par-devant le Conseil de Genève; que le Conseil daigne faire

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DÉCLARATION RELATIVE A M. VERNES.

-sur l'auteur du libelle les perquisitions suffi- | seil n'a pas ici des preuves juridiques, ou qu'il

santes pour constater que M. Vernes ne l'est pas, et qu'il le déclare: voilà tout ce que je demande.

veuille n'en pas avoir, il aura du moins des raisons de persuasion pour ou contre la mienne. En ce dernier cas, il me suffit d'une attestation de M. le premier syndic, qui déclare au nom du Conseil, qu'on ne croit point M. Vernes auteur du libelle. Je m'engage en ce cas à soumettre mon sentiment à celui du Conseil, à

Il y a deux voies différentes de procéder dans cette affaire; M. Vernes aura le choix. S'il croit la pouvoir suivre juridiquement, qu'il obtienne une sentence qui le décharge de l'accusation, et qui me condamne pour l'avoir faite, je défaire à M. Vernes la réparation la plus pleine, clare que je me soumets pour ce fait aux peines et réparations auxquelles me condamnera cette sentence, et que je les exécuterai de tout mon pouvoir.

Si, contre toute vraisemblance, on ne pouvoit obtenir des preuves juridiques ni pour ni contre, cela seroit même un préjugé de plus contre M. Vernes; car quel autre que lui pouvoit avoir un si grand intérêt à se cacher des magistrats avec tant de soin? pouvoit-il craindre qu'on ne lui fît un grand crime de m'avoir si cruellement traité? a-t-on vu même que ce libelle effroyable ait été proscrit? Toutefois levons encore cette difficulté supposée. Si le Con

la plus authentique, et telle qu'il en soit content lui-même. Je vais plus loin : qu'on prouve ou qu'on atteste que M. Vernes n'est pas l'auteur du second libelle, et je suis prêt à croire et à reconnoître qu'il n'est pas non plus l'au teur du premier.

Voilà les engagemens que l'amour de la vérité, de la justice, la crainte d'avoir fait tort à mon ennemi le plus déclaré me fait prendre à la face du public, et que je remplirai de même. Si quelqu'un connoît un moyen plus sûr de constater mon tort et de le réparer, qu'il le dise, et je ferai mon devoir.

QUATRE LETTRES

A

A M. LE PRÉSIDENT DE MALESHERBES,

CONTENANT LE VRAI TABLEAU DE MON CARACTÈRE, ET LES VRAIS MOTIFS DE TOUTE MA CONDUITE.

PREMIÈRE LETTRE.

Rousseau hait souverainement l'injustice. Il est né paresseux et pour la solitude; de sorte qu'il ne se fùt pas cru trop malheureux à la Bastille. Son vœu est d'être connu des hommes tel qu'il est.

Montmorency, le 4 janvier 1762. J'aurois moins tardé, monsieur, à vous remercier de la dernière lettre dont vous m'avez honoré, si j'avois mesuré ma diligence à répondre sur le plaisir qu'elle m'a fait. Mais, outre qu'il m'en coûte beaucoup d'écrire, j'ai pensé qu'il falloit donner quelques jours aux importunités de ces temps-ci, pour ne vous pas accabler des miennes. Quoique je ne me console point de ce qui vient de se passer, je suis très-content que vous en soyez instruit, puisque cela ne m'a point ôté votre estime; elle en sera plus à moi quand vous ne me croirez pas meilleur que je ne suis.

Les motifs auxquels vous attribuez les partis qu'on m'a vu prendre, depuis que je porte une espèce de nom dans le monde, me font peutêtre plus d'honneur que je n'en mérite; mais ils sont certainement plus près de la vérité que ceux que me prêtent ces hommes de lettres qui, donnant tout à la réputation, jugent de mes sentimens par les leurs. J'ai un cœur trop sensible à d'autres attachemens pour l'être si fort à l'opinion publique; j'aime trop mon plaisir et mon indépendance pour être esclave de la vanité au point qu ils le supposent. Celui pour qui la fortune et l'espoir de parvenir ne balança jamais un rendez-vous ou un souper

agréable, ne doit pas naturellement sacrifict son bonheur au désir de faire parler de lui; et il n'est point du tout croyable qu'un homme qui se sent quelque talent, et qui tarde jusqu'à quarante ans à le faire connoître, soit assez fou pour aller s'ennuyer le reste de ses jours dans un désert, uniquement pour acquérir la réputation d'un misanthrope.

Mais, monsieur, quoique je haïsse souverainement l'injustice et la méchanceté, cette | passion n'est pas assez dominante pour me dé terminer seule à fuir la société des hommes, si j'avois, en les quittant, quelque grand sacrifice à faire. Non, mon motif est moins noble et plus près de moi. Je suis né avec un amour naturel pour la solitude, qui n'a fait qu'augmenter à mesure que j'ai mieux connu les hommes. Je trouve mieux mon compte avec les êtres chimériques que je rassemble autour de moi, qu'avec ceux que je vois dans le monde; et la société, dont mon imagination fait les frais dans ma retraite, achève de me dégoûter de toutes celles que j'ai quittées. Vous me supposez malheureux et consumé de mélancolie. O monsieur! combien vous vous trompez ! C'est à Paris que je l'étois; c'est à Paris qu'une bile noire rongeoit mon cœur, et l'amertume de cette bile ne se fait que trop sentir dans tous les écrits que j'ai publiés tant que j'y suis resté. Mais, monsieur, comparez ces écrits avec ceux que j'ai faits dans ma solitude: ou je suis trompe, ou vous sentirez dans ces derniers une certaine sérénité d'âme qui ne se joue point, et

sur laquelle on peut porter un jugement certain de l'état intérieur de l'auteur. L'extrême agitation que je viens d'éprouver vous a pu faire porter un jugement contraire: mais il est facile à voir que cette agitation n'a point son principe dans ma situation actuelle, mais dans une imagination déréglée, prête à s'effaroucher sur tout, et à porter tout à l'extrême. Des succès continus m'ont rendu sensible à la gloire; et il n'y a point d'homme, ayant quelque hauteur d'âme et quelque vertu, qui pùt penser, sans le plus mortel désespoir, qu'après sa mort on substitueroit sous son nom, à un ouvrage utile, un ouvrage pernicieux, capable de déshonorer sa mémoire, et faire beaucoup de mal. Il se peut qu'un tel bouleversement ait accéléré le progrès de mes maux ; mais dans la supposition qu'un tel accès de folie m'eût pris à Paris, il n'est point sûr que ma propre volonté n'eût pas épargné le reste de l'ouvrage à la

nature.

Long-temps je me suis abusé moi-même sur la cause de cet invincible dégoût que j'ai toujours éprouvé dans le commerce des hommes; je l'attribuois au chagrin de n'avoir pas l'esprit assez présent pour montrer dans la conversation le peu que j'en ai, et, par contre-coup, à celui de ne pas occuper dans le monde la place que j'y croyois mériter. Mais quand, après avoir barbouillé du papier, j'étois bien sûr, même en disant des sottises, de n'être pas pris pour un sot; quand je me suis vu recherché de tout le monde, et honoré de beaucoup plus de considération que ma plus ridicule vanité n'en eût osé prendre; et que, malgré cela, j'ai senti ce même dégoût plus augmenté que diminué, j'ai conclu qu'il venoit d'une autre cause, et que ces espèces de jouissances n'étoient point celles qu'il me falloit.

Quelle est donc enfin cette cause? Elle n'est autre que cet indomptable esprit de liberté que rien n'a pu vaincre, et devant lequel les honneurs, la fortune, et la réputation même, ne me sont rien. Il est certain que cet esprit de liberté me vient moins d'orgueil que de paresse: mais cette paresse est incroyable; tout l'effarouche; les moindres devoirs de la vie civile lui sont insupportables; un mot à dire, une lettre à écrire, une visite à faire, dès qu'il le faut, sont pour moi des supplices. Voilà pourquoi,

quoique le commerce ordinaire des hommes me soit odieux, l'intime amitié m'est si chère, parce qu'il n'y a plus de devoir pour elle; on suit son cœur, et tout est fait. Voilà encore pourquoi j'ai toujours tant redouté les bienfaits; car tout bienfait exige reconnoissance, et je me sens le cœur ingrat, par cela seul que la reconnoissance est un devoir. En un mot, l'espèce de bonheur qu'il me faut n'est pas tant de faire ce que je veux, que de ne pas faire ce que je ne veux pas. La vie active n'a rien qui me tente; je consentirois cent fois plutôt à ne jamais rien faire qu'à faire quelque chose malgré moi; et j'ai cent fois pensé que je n'aurois pas vécu trop malheureux à la Bastille, n'y étant tenu à rien du tout qu'à rester là.

J'ai cependant fait dans ma jeunesse quelques efforts pour parvenir. Mais ces efforts n'ont jamais eu pour but que la retraite et le repos dans ma vieillesse, et, comme ils n'ont été que par secousse, comme ceux d'un paresseux, ils n'ont jamais eu le moindre succès. Quand les maux sont venus ils m'ont fourni un beau prétexte pour me livrer à ma passion dominante. Trouvant que c'étoit une folie de me tourmenter pour un âge auquel je ne parviendrois pas, j'ai tout planté là, et je me suis dépêché de jouir. Voilà, monsieur, je vous le jure, la véritable cause de cette retraite, à laquelle nos gens de lettres ont été chercher des motifs d'ostentation, qui supposent une constance, ou plutôt une obstination à tenir à ce qui me coûte, directement contraire à mon caractère naturel.

Vous me direz, monsieur, que cette indolence supposée s'accorde mal avec les écrits que j'ai composés depuis dix ans, et avec ce désir de gloire qui a dû m'exciter à les publier. Voilà une objection à résoudre, qui m'oblige à prolonger ma lettre, et qui, par conséquent, me force à la finir. J'y reviendrai, monsieur, si mon ton familier ne vous déplaît pas; car, dans l'épanchement de mon cœur, je n'en saurois prendre un autre : je me peindrai sans fard et sans modestie, je me montrerai à vous tel que je me vois et tel que je suis; car, passant ma vie avec moi, je dois me connoître, et je vois, par la manière dont ceux qui pensent me connoître interprètent mes actions et ma conduite, qu'ils n'y connoissent rien. Personne au monde

ne me connoît que moi seul. Vous en jugerez | lu tous les romans; ils m'avoient fait verser des quand j'aurai tout dit.

Ne me renvoyez point mes lettres, monsieur, je vous supplie; brûlez-les, parce qu'elles ne valent pas la peine d'être gardées, mais non pas par égard pour moi. Ne songez pas non plus, de grâce, à retirer celles qui sont entre les mains de Duchesne. S'il falloit effacer dans le monde les traces de toutes mes folies, il y auroit trop de lettres à retirer, et je ne remuerois pas le bout du doigt pour cela. A charge et à décharge, je ne crains point d'être vu tel que je suis. Je connois mes grands défauts, et je sens vivement tous mes vices. Avec tout cela, je mourrai plein d'espoir dans le Dieu suprême, et très-persuadé que, de tous les hommes que j'ai connus en ma vie, aucun ne fut meilleur que moi.

SECONDE LETTRE.

seaux de larmes avant l'âge où le cœur prend intérêt aux romans. De là se forma dans le mien ce goût héroïque et romanesque qui n'a fait qu'augmenter jusqu'à présent, et qui acheva de me dégoûter de tout, hors de ce qui ressembloit à mes folies. Dans ma jeunesse, que je croyois trouver dans le monde les mêmes gens que j'avois connus dans mes livres, je me livrois sans réserve à quiconque savoit m'en imposer par un certain jargon dont j'ai toujours été la dupe. J'étois actif, parce que j'étois fou ; à mesure que j'étois détrompé, je changeois de goûts, d'attachemens, des projets; et dans tous ces changemens je perdois toujours ma peine et mon temps, parce que je cherchois toujours ce qui n'étoit point. En devenant plus expérimenté, j'ai perdu peu à peu l'espoir de le trouver, et par conséquent le zèle de le chercher. Aigri par les injustices que j'avois éprouvées, par celles dont j'avois été le témoin, souvent

Il avoue à M. de Malesherbes qu'il est né avec un tempé-affligé du désordre où l'exemple et la force des rament ardent, très-facile à s'émouvoir et sensible à l'excès. En allant voir Diderot, il se sent affecté jusqu'aux larmes dans l'avenue de Vincennes, et y médite son Discours sur les sciences. Motifs qui lui ont fait quitter

Paris.

Montmorency, le 12 janvier 1762.

Je continue, monsieur, à vous rendre compte de moi, puisque j'ai commencé; car ce qui peut m'être le plus défavorable est d'être connu à demi; et puisque mes fautes ne m'ont point ôté votre estime, je ne présume pas que ma franchise me la doive ôter.

Une âme paresseuse qui s'effraie de tout soin, un tempérament ardent, bilieux, facile à s'affecter, et sensible à l'excès à tout ce qui l'affecte, semblent ne pouvoir s'allier dans le même caractère; et ces deux contraires composent pourtant le fond du mien. Quoique je ne puisse résoudre cette opposition par des principes, elle existe pourtant; je la sens, rien n'est plus certain, et j'en puis du moins donner par les faits une espèce d'historique qui peut servir à la concevoir. J'ai eu plus d'activité dans l'enfance, mais jamais comme un autre enfant. Cet ennui de tout m'a de bonne heure jeté dans Ja lecture. A six ans, Plutarque me tomba sous la main; à huit, je le savois par cœur, j'avois

choses m'avoient entraîné moi-même, j'ai pris en mépris mon siècle et mes contemporains, et, sentant que je ne trouverois point au milieu d'eux une situation qui pût contenter mon cœur, je l'ai peu à peu détaché de la société des hommes, et je m'en suis fait une autre dans mon imagination, laquelle m'a d'autant plus charmé, que je la pouvois cultiver sans peine, sans ris que, et la trouver toujours sûre et telle qu'il me la falloit.

Après avoir passé quarante ans de ma vie ainsi mécontent de moi-même et des autres, je cherchois inutilement à rompre les liens qui me tenoient attaché à cette société que j'estimois si peu, et qui m'enchaînoit aux occupations le moins de mon goût, par des besoins que j'estimois ceux de la nature, et qui n'étoient que ceux de l'opinion: tout à coup un heureux hasard vint m'éclairer sur ce que j'avois à faire pour moi-même, et à penser de mes semblables, sur lesquels mon cœur étoit sans cesse en contradiction avec mon esprit, et que je me sentois encore porté à aimer, avec tant de raisons de les hair. Je voudrois, monsieur, vous pouvoir peindre ce moment qui a fait dans ma vie une si singulière époque, et qui me sera toujours présent, quand je vivrois éternellement.

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