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volutionnaires, Robespierre, monta à la tribune aussitôt après la lecture de ces pièces, et bláma sévèrement leur communication à l'assemblée.

« Cet arrêté, dit-il, est un acte de délire qui » ne doit exciter que le mépris...... Pourquoi ce » ministre s'empresse-t-il d'en prévenir l'as» semblée? Elle peut déclarer aux divers mem>> bres du parlement de Toulouse, qu'elle leur >> permet de continuer à être de mauvais citoyens. » Ce corps se coalise avec le pouvoir exécutif. >>> Les murmures qu'excita cette dernière phrase, forcèrent l'orateur à descendre de la tribune. Personne ne prit la parole après lui, et l'assemblée, sans autre discussion, renvoya la note du gardedes-sceaux et les pièces qui y étoient jointes, aux comités réunis de constitution et des rapports.

M. de Broglie se chargea de cette affaire, en fit le rapport le 8 octobre à la séance du soir, et épuisa les qualifications les plus odieuses contre les arrêtés de la chambre des vacations de Toulouse, et contre les magistrats qui la composoient. A l'entendre, « ces magistrats s'étoient rendus >> volontairement coupables de forfaiture et de >> rebellion, leur délit étoit flagrant, la poursuite >> extraordinaire devoit en être la suite; leur prévarication, l'énormité de leur crime, l'immen>> sité de leur offense étoient constatés par l'envoi >>> qu'ils avoient osé faire au roi, de cet arrêté sa>> crilège, chef-d'œuvre à-la-fois d'égarement et

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>> de perfidie, véritable tocsin de la rebellion, >> sonné par ceux mêmes dont les fonctions au> gustes et bienfaisantes ne devoient tendre qu'à >> la paix et à la tranquillité. » Il termina ce rapport frénétique par le projet de décret suivant :

« L'assemblée nationale, après avoir entendu >> les comités de constitution et des rapports, dé>> crète que les membres de la ci-devant chambre >> des vacations du parlement de Toulouse, qui >> ont pris les arrêtés des 25 et 27 septembre der» nier, et le procureur-général de cette cour, se>> ront traduits pardevant le tribunal qui sera in>> cessamment formé, pour juger les crimes de ›› lèse-nation, pour y être procédé contre eux, » sur l'accusation de rebellion et de forfaiturer, >> ainsi qu'il appartiendra; décrète, en outre, >> qu'attendu la nature du délit, le roi sera sup» plié de donner sans délai des ordres pour s'as» surer de leurs personnes, ainsi que tous autres > ordres nécessaires pour l'exécution du présent >> décret. »

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L'opinion des comités fut vivement appuyée par Alexandre de Lameth. Un seul membre du côté droit, Madier, se permit de hasårder en faveur des accusés, une observation pleine de bon sens et de justice. « Qu'étoient les parlemens ? >> dit-il. Les dépositaires de l'ancienne constitu» tion. Ils l'avoient reçue de la main du soi; ils >> avoient juré de la maintenir, chaque année ils >> renouveloient ce serment....... Si une nouvelle >> législation renversoit ce que vous avez fait, et » que les juges établis par vous, protestassent >> contre ce renversement, seroit-il juste de les >> renvoyer devant la cour nationale ?........ Pe>> sez cette comparaison, elle est parfaitement

>>> exacte. »

Cette observation excita presqu'autant de murmures et d'éclats de rire que d'applaudissemens, et le projet de décret proposé par les comités, fut adopté sans aucune autre contradiction.

Qu'auroit donc fait l'assemblée, si ces magistrats, au lieu de s'en tenir à d'impuissantes protestations, dictées par leur serment, eussent rendu un de ces arrêts de défense, dont la punition la plus sévère, sous le prétendu règne du despotisme, n'alloit jamais au-delà d'un exil momentané? Quelle accusation plus grave, plus capitale, que celle de rebellion, de forfaiture, de haute trahison, auroit-elle pu intenter contre eux, si au lieu de se renfermer dans un simple refus d'enregistrer, qui ne pouvoit empêcher ni retarder l'exécution du décret qui les supprimoit, ils eussent éclairé lé peuple sur le charlatanisme, l'infidélité et les crimes de ses représentans; si, se concertant avec toutes les chambres des vacations du royaume, ils eussent solemnellement déclaré nuls et attentatoires aux droits de la nation, tous les décrets contraires aux mandats que

les députés aux états-généraux avoient reçus de leurs bailliages respectifs; en un mot, si ralliant à eux la noblesse, les propriétaires, les nombreux amis de la religion et du roi, ils eussent levé l'étendard de l'insurrection la plus sainte sans doute, la seule légitime, mais néanmoins la plus criminelle aux yeux du comité des rapports? Quelles expressions M. de Broglie auroit-il pu trouver, pour qualifier ces différens actes, après avoir dit en proprès termès, que l'arrêté du 25 septembre étoit au-dessus de toute qualification? C'est ce qu'a répété aussi le tribunal révolutionnaire, lorsqu'il condamna en masse tous les membres du parlement de Toulouse à la mort, et sa sentence ne fut que l'exécution du décret du 8 octobre (1), rendu contre l'avis de Robespierre, qui étoit beaucoup plus modéré, et sur une dénonciation faite, au nom du roi, par le garde-des-sceaux.

Lorsque les obstacles, qui ne pouvoient être levés que par l'assemblée, arrêtoient l'action du

(1) Vingt-six présidens et conseillers du parlement de Toulouse, périrent ensemble sur l'échafaud, au mois de juín 93. Le rapport de M. de Broglie les avoit accusé de révolte contre la nation; les mêmes accusations furent répétées par Fouquier-Tainville. Deux mois après, M. de Broglie lui-même fut traduit devant le même tribunal, accusé du même crime, et condamné au même supplice. (Note de l'éditeur.)

pouvoir exécutif, c'étoit à elle sans doute que les ministres devoient les dénoncer. Mais la responsabilité à laquelle ils étoient soumis, pouvoit-elle leur imposer le devoir de dénoncer aussi sans nécessité, les actes foibles ou insignifians par lesquels quelques victimes de la révolution manifestoient, non une opposition efficace aux décrets qui les dépouilloient de leur état, mais seulement leur répugnance à concourir à leur exécution? Les arrêtés de la chambre des vacations du parlement de Toulouse ne pouvoient certainement pas empêcher et n'empêchèrent pas que le décret qui les supprimoit ne fût complètement exécuté. Le conseil auroit donc été parfaitement en règle, même aux yeux des patriotes les plus ardens, s'il se fût contenté de prononcer la cassation de ces arrêtés, auxquels les magistrats qui les avoient pris ne pouvoient plus donner aucune suite.

Cette terreur excessive de la responsabilité, accéléra l'anéantissement de l'autorité royale, et discrédita à un tel point les ministres dans l'opinion publique et dans tous les partis, que leur retraite devint bientôt inévitable. Ils furent d'abord 'attaqués en corps, dans un rapport fait au nom des comités diplomatique, colonial, militaire et de marine, sur la continuation des troubles et l'insubordination de l'escadre à Brest. Le rapporteur, M. de Menou, rejeta sur leur inertie les retards qu'éprouvoient le rétablissement de l'ordre

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