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L'intervention des puissances alliées ne devoit être sollicitée qu'après que toutes les voies de conciliation auroient été tentées sans succès.

L'évêque de Pamiers, envoyé par le baron de Breteuil pour proposer ce plan au roi, arriva dans la circonstance la plus propre à déterminer sa majesté à l'adopter : c'étoit dans le moment où les ministres, journellement en bute aux persécutions les plus violentes, alloient être forcés de céder leur place à des hommes plus disposés à favoriser la révolution, et à servir la faction dominante. Le roi craignant, avec trop de raison, qu'un conseil ainsi composé n'aggravat de jour en jour les difficultés, les dégoûts et même les dangers de sa situation, ne vit dans le plan du baron de Breteuil qu'un moyen simple de sortir d'esclavage, et n'hésisa pas à l'approuver, avec la ferme confiance que M. de Bouillé, à qui l'exécution devoit en être confiée, en assureroit le succès. Pouvoit - on craindre, en effet, que ce général, qui, jusqu'alors, s'étoit couvert de gloire dans toutes les expéditions dont il s'étoit chargé, quelques hasardeuses qu'elles fussent, échoueroit dans la plus intéressante de toutes, dans celle qu'il avoit le plus à cœur de faire réussir?

Le marquis de Bouillé instruit de la détermination du roi, par l'évêque de Pamiers, que sa majesté avoit chargé d'aller en conférer avec lui, prévit sur-le-champ, et représenta avec force les difficultés, les dangers inséparables d'une tentative de cette nature, et les conséquences fatales qui en résulteroient si elle ne réussissoit pas; elles pouvoient compromettre, non - seulement la monarchie, mais même la vie du roi. « Je puis rendre à >> sa majesté, dit-il, les services essentiels qu'elle >> attend de mon zèle, sans avoir recours à des >> moyens aussi périlleux. » Il développa alors le plan qu'il avoit formé lui-même ; mais l'évêque de Pamiers le convainquit de la nécessité d'y renoncer, en lui apprenant que l'empereur et les autres puissances alliées du roi, avoient formellement déclaré leur résolution unanime, d'attendre que le roi fût hors de Paris et en pleine liberté, pour agir en sa faveur. L'époque du départ du roi fut fixée au mois de mars suivant, pour donner à M. de Bouillé le tems de préparer toutes les dispositions nécessaires et de les concerter avec sa majesté, qui, depuis ce moment, entretint avec lui une correspondance secrète et régulière sur le voyage de Montmédy, car c'étoit la ville que M. de Bouillé avoit indiquée comme celle où le roi pouvoit se rendre avec le moins de risque (1). Les factieux avoient malheureusement calculé aussi bien que M. de Bouillé, que la seule res source qui restât au roi pour recouvrer son auto

(1) Voyez les mémoires de M. de Bouillé, chap. IX.

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rité, étoit de se mettre à la tête de l'armée. En tems de paix, ç'eût été commencer la guerre civile, et ils connoissoient trop bien le caractère de Louis XVI, pour n'être pas bien convaincus qu'il ne pourroit jamais s'y déterminer. Mais ils ne voyoient pas moins de danger pour eux à lui laisser prendre le commandement de l'armée, même en cas de guerre étrangère, et les moyens de lui en ôter le pouvoir, devinrent bientôt l'objet des délibérations de l'assemblée.

'Cette question importante s'engagea dans la séance du 11 novembre, sur de prétendues inquiétudes causées par le bruit qui s'étoit répan-du, que le roi alloit former de nouveau, un corps de troupes pour sa garde. Des témoignages aussi fades qu'hypocrites de respect et d'amour pour le roi, étoient mêlés à cette dénonciation et en déguisoient les motifs. « Une >> maison militaire, disoiton, est une maison >> armée, et une maison armée est inutile pour >> un roi chéri de tous les citoyens de l'empire. Le >> roi des Français est adoré de tous les Français ; >> tous voudroient concourir à sa sûreté, une dis>> tinction quelconque seroit affligeante, et la » garde du roi des Français, n'est qu'une garde » d'honneur. » On demandoit en conséquence, que les comités militaire et de constitution réunis, fussent chargés de faire un rapport sur la question de savoir, s'il convenoit de créer une garde d'hon

neur pour le roi; et dans ce cas, par qui, et de quelle manière elle devoit être organisée.

Cette motion faite par le député Biauzat, fut puissamment appuyée par Alexandre de Beauharnais, et par Alexandre de Lameth. Le premier de ces Alexandre voyoit avee effroi une force armée, destinée à l'exécution des volontés d'un seul homme; et selon lui, accorder une maison militaire au roi, étoit rompre la balance nécessaire de tous les pouvoirs, sans aucun profit pour la tranquillité publique, et avec des dangers certains pour la liberté nationale. Il en conclut que l'avis des comités seroit probablement que le roi ne devoit pas avoir de maison militaire, et se réserva d'appuyer cette opinion lors du rapport, en cas qu'elle fût contestée. « J'ai » une autre réflexion à vous présenter, ajouta>> t-il. Il est important de décréter que jamais et

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dans aucune circonstance, le roi ne comman>> dera les troupes en personne. » A ces mots, l'orateur fut interrompu, mais non déconcerté par les murmures et par les mouvemens d'indignation que tous les membres du côté droit firent éclater. Ce n'étoit pas à eux, c'étoit aux membres du côté gauche, aux patriotes des tribunes qu'il vouloit plaire; et il en fut vivement applaudi, lorsqu'il observa, à l'appui de sa motion, « que la paix n'étoit garantie que par la responsa>> bilité des agens du pouvoir exécutif; que si un

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ministre ou un général commençoient des hos

>> tilités, ils paieroient le crime de leur tête; au >> lieu que le roi, à la tête de son armée, pour>> roit, s'il lui plaisoit, entraîner la nation dans » une guerre désastreuse, sans qu'il fût possible >> de sévir contre aucun coupable, attendu l'invio>> labilité de la personne du monarque. >>

M. Malouet s'éleva avec énergie contre ces différentes propositions. Il insista sur l'indécence de mettre en question si le roi auroit ou n'auroit pas une maison militaire. Il soutint qu'il appartenoit seulement à l'assemblée de déterminer le nombre d'hommes dont cette maison seroit composée; que la seule idée de dépouiller le roi du droit de commander ses armées en personne, suffisoit pour pénétrer de douleur et d'effroi, tous les bons citoyens, parce qu'elle amèneroit nécessai¬ rement, si elle étoit adoptée, la désorganisation de l'état monarchique dans lequel le peuple vou loit yivre. «Où veut-on done nous mener, dit-il, » avec toutes ses motions? Quand finira cette ré»volution, qui est sans cesse en contradiction ›› avec ses principes? Quand finira cette fermen. >> tation menaçante, qui tient le peuple français ›› dans des convulsions continuelles?...... On vous >> parie sans cesse de contre-révolutions imagi >> naires, et moi, je vous en annonce une très>›› réelle; celle que prépare en ce moment l'agi >>tation de l'opinion publique, qui, après avoir

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