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Faut-il le transporter aux plus affreux déserts?
Je suis prête. Je sais une secrete issue

Par où, sans qu'on le voie et sans être aperçue,
De Cédron avec lui traversant le torrent,
J'irai dans le désert, où jadis, en pleurant
Et cherchant comme nous son salut dans la fuite,
David d'un fils rebelle évita la poursuite.
Je craindrai moins pour lui les lions et les ours....
Mais pourquoi de Jéhu refuser le secours?
Je vous ouvre peut-être un avis salutaire.
Faisons de ce trésor Jéhu dépositaire.

On peut dans ses Etats le conduire aujourd'hui,
Et le chemin est court qui mene jusqu'à lui.
Jéhu n'a point un cœur farouche, inexorable;
De David à ses yeux le nom est favorable.
Hélas! est-il un Roi si dur et si cruel,

A moins qu'il n'eût pour mere une autre Jésabel,
Qui d'un tel suppliant ne plaignît l'infortune?
Sa cause à tous les Rois n'est-elle pas commune?
JOAD.

Quels timides conseils m'osez-vous suggérer?
En l'appui de Jéhu pourriez-vous espérer?

JOSABET.

Dieu défend-il tout soin et toute prévoyance?
Ne l'offense-t-on point par trop de confiance?
A ses desseins sacrés employant les humains,
N'a-t-il pas de Jéhu lui-même armé les mains?

JOAD.

Jéhu, qu'avoit choisi sa sagesse profonde,
Jéhu, sur qui je vois que votre espoir se fonde,

D'un oubli trop ingrat a payé ses bienfaits.
Jéhu laisse d'Achab l'affreuse fille en paix,
Suit des Rois d'Israël les profanes exemples,

Du vil Dieu de l'Egypte a conservé les Temples.
Jéhu, sur les hauts lieux enfin osant offrir
Un téméraite encens que Dieu ne peut souffrir,
N'a, pour servir sa cause et venger ses injures,
Ni le cœur assez droit, ni les mains assez pures.
Non, non, c'est à Dieu seul qu'il faut nous attacher.
Montrons Eliacin et, loin de le cacher,
Que du bandeau royal sa tête soit ornée.
Je veux même avancer l'heure déterminée,
Avant que de Mathan le complot soit formé.

SCENE VIII.

AZARIAS, LE CHŒUR, PLUSIEURS LÉVITES, JOAD, JOSABET.

JOAD, d Azarias..

Hébien, Azarias, le Temple est-il fermé.

AZARIAS.

J'en ai fait devant moi fermer toutes les portes.

JOAD.

N'y reste-t-il que vous et vos saintes cohortes?

AZARIAS.

De ses parvis sacrés j'ai deux fois fait le tour.
Tout a fui; tous se sont séparés sans retour

Misérable troupeau qu'a dispersé la crainte;
Et Dieu n'est plus servi que dans la tribu sainte.

Depuis qu'à Pharaon ce Peuple est échappé,
Une égale terreur ne l'avoit point frappé.

JOAD, à part.

Peuple lâche, en effet, et né pour l'esclavage!

Hardi contre Dieu seul!... Poursuivons notre ouvrage...

(Au Chœur.)

Mais qui retient encor ces enfans parmi nous?

UNE DES FILLES DU CHEUR.

Eh! pourrions nous, Seigneur, nous séparer de vous? Dans le Temple de Dieu sommes-nous étrangeres? Vous avez près de vous nos peres et nos freres!

UNE AUTRE.

Hélas! si pour venger l'opprobre d'Israël,

Nos mains ne peuvent pas, comme autrefois Jahel, (1)
Des ennemis de Dieu percer la tête impie,
Nous lui pouvons, du moins, immoler notre vie.
Quand vos bras combattront pour son Temple attaqué,
Par nos larmes, du moins, il peut être invoqué!

JOAD, à part.

Voilà donc quels vengeurs s'arment pour ta querelle,
Des Prêtres, des enfans, ô sagesse éternelle!...
Mais, si tu les soutiens, qui peut les ébranler?
Du tombeau, quand tu veux, tu sais nous rappeler;
Tu frappes et guéris, tu perds et ressuscites.

Ils ne s'assurent point en leurs propres mérites;

(1) Juges, chap. 4.

Mais en ton nom sur eux invoqué tant de fois,
En tes sermens, jurés au plus saint de leurs Rois,
En ce Temple où tu fais ta demeure sacrée?

Et qui doit du Soleil égaler la durée!...

Mais, d'où vient que mon cœur frémit d'un saint

effroi ?

Est-ce l'Esprit divin qui s'empare de moi ?....

C'est lui-même. Il m'échauffe; il parle mes yeux

s'ouvrent,

Et les siecles obscurs devant moi se découvrent....

(Aux Lévites.)

Lévites, de vos sons prêtez-moi les accords,

Et de ses mouvemens secondez les transports.

LE CHEUR, chantant au son de toute la symphonie des

instrumens.

Que du Seigneur la voix se fasse entendre,
Et qu'à nos cœurs son oracle divin

Soit ce qu'à l'herbe tendre

Est au printems la fraîcheur du matin !

JOAD, à part.

Cieux! écoutez ma voix.... terre! prête l'oreille.... Ne dis plus, ô Jacob! que ton Seigneur sommeille... Pécheurs! disparoissez; le Seigneur se réveille.

(Ici recommence la symphonie, et Joad aussi-tôt reprend la parole.)

Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé? (1) Quel est dans le lieu saint ce Pontife égorgé ?... (2)

(1) Joas.
(2) Zacharie.

Pleure, Jérusalem! pleure, cité perfide!
Des Prophêtes divins malheureuse homicide !
De son amour pour toi ton Dieu s'est dépouillé.
Ton encens à ses yeux est un encens souillé !....

Où menez-vous ces enfans et ces femmes ?... (1)
Le Seigneur a détruit la Reine des cités !
Ses Prêtres sont captifs, ses Rois sont rejettés.
Dieu ne veut plus qu'on vienne à ses solemnités....
Temple! renverse-toi !... Cedres! jettez des flamines....
Jérusalem! objet de ma douleur,

Quelle main en un jour t'a ravi tous tes charmes?
Qui changera mes yeux en deux sources de larmes,

Pour pleurer ton malheur?

AZARIAS, à part.

O saint Temple!

JOSABET, à part.

O David!

LE CHŒUR.

Dieu de Sion! rappelle,

Rappelle en sa faveur tes antiques bontés!

(La symphonie recommence encore, et Joad un moment après

l'interrompt.)

JOAD.

Quelle Jérusalem nouvelle

Sort du fond du désert, brillante de clartés,

Et porte sur le front une marque immortelle?...

Peuples de la terre, chantez!

(1) Captivité de Babylone.

Jérusalem

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