l'Assemblée; Louvet même s'écria: Je m'oppose à l'approbation et à l'envoi de ce tas de mensonges. Mais dans ce temps-là même la force armée venait donner l'alarme à la Convention. L'orateur du département se présenta à la barre et s'exprima ainsi : « Représentans du peuple, les qua>> rante-huit sections de Paris, les corps consti>> tués du département sont venus vous demander >> le décret d'accusation contre la commission des >> douzė; contre les correspondans de Dumou>> riez ; contre les hommes qui provoquent les ha>> bitans des départemens contre les habitans de >> Paris; contre ceux qui calomnient les citoyens >> de la capitale, qui ont conquis la liberté le 14 >> juillet et le 10 août, et qui la sauveront encore >> quels que soient le nombre et la qualité de leurs >> ennemis; contre ceux qui veulent fédéraliser les >> départemens, quand le peuple veut une répu>> blique une et indivisible. Le peuple est levé, >> il est debout, il nous envoie auprès de vous, >> comme il nous envoya auprès de l'Assemblée >> législative demander la suspension du tyran. >> Les révolutions du 14 juillet et du 10 août ont >> été ensanglantées, parce qu'alors il existait une >> division entre les citoyens, et particulièrement >> dans la force armée; mais la journée du 31 mai >> ne verra pas répandre le sang, parce que le peu>> ple et les autorités constituées sont unis de sen>>> timens. Les autorités constituées viennent vous >> demander un décret d'accusation contre les traî >>> tres qui siégent parmi vous. En vain l'on dira >> que nous avons mendié quelques pétitions dans ›› les départemens. On en a aussi mendié au 20 >> juin dernier; des journaux perfides dont les au>>> teurs siégent parmi vous, des hommes de cette >>> faction s'entendirent avec l'administration de >>> l'intérieur pour pervertir l'esprit public dans les >> départemens. Qu'a fait cette faction depuis >> qu'elle domine? Rien, sinon la guerre civile; >> elle a appelé des ministres intrigans qui ont >> tout bouleversé et ont chassé ceux qui étaient >> patriotes et républicains. Nous demandons le >> décret d'accusation contre : » Pétion, Guadet, Gensonné, Vergniaud, Bu» zot, Brissot, Barbaroux, Chambon, Biroteau, >> Rabaut, Gorsas, Fonfrède, Lanthenas, Grange>> neuve, Lehardy, Lesage, Dusaulx, Ducos, >> Louvet, Hardy, Doulcet, Lanjuinais, Defer » mon. » Législateurs, il faut en finir, il faut terminer >> cette contre-révolution; il faut que tous les >> conspirateurs tombent sous le glaive de la loi » sans aucune considération. O patriotes qui avez » sauvé la patrie, décrété tous les traîtres d'ac>> cusation! dites si vous pouvez nous assurer la >> liberté, sinon, nous nous l'assurerons nous» mêmes : les derniers conspirateurs mordront >> la poussière. » J'ai connu tous ces conspirateurs contre la liberté, il n'en est pas un qui ne fût prêt à mourir pour elle. Ils conspiraient véritablement contre son ennemi le plus dangereux; contre celui qui tuait lui seul la liberté en poursuivant les hommes d'un talent supérieur et pourvus d'une politique qui aurait tout sauvé, si on ne les avait pas assassinés; contre Robespierre: pendant qu'il prononçait sa dénonciation, il y avait aux portes de la salle vingt mille hommes armés. Le député Dusaulx, se voyant compris dans la liste des proscrits, s'écria : « Je m'estime fort heureux d'être associé aux vingt-deux membres qui vous ont >> été dénoncés par les quarante-huit sections de » Paris. Cet honneur ajoutera, je l'espère, un >> nouvel éclat à la gloire que j'ai acquise en écri>> vant pour la liberté depuis deux ans. » Legendre, cet éloquent boucher de Paris, s'écria de son côté : « Il faut. enfin que la Convention >> prenne un parti digne d'elle; il faut que tous » ceux qui ont voté l'appel au peuple soient mis >> en état d'arrestation jusqu'à l'arrivée de leurs >> suppléans; alors seulement on pourra prendre >> les mesures convenables, » Sur cette étrange motion, Cambon dit : « Si, >> pour avoir émis une opinion, on faisait sauter >> la tête à un député, nous n'oserions plus parler; » il y a ici véritablement deux partis, mais il y a >> des torts de part et d'autre. >> Barrère ajouta : « Vous ne fonderez jamais la > liberté qu'avec des représentans qui puissent >> émettre librement leurs opinions; car, quelle » nation pourrait être assez avilie pour recevoir >> une constitution dictée par la force? >> Rien n'était plus vrai; cependant on verra bientôt une constitution, autre que celle de Condorcet, faite en quinze jours, dictée par la force, dans les troubles et en l'absence d'un très-grand nombre de députés ! Marat dit qu'ayant été persécuté par les députés dénoncés, il s'abstiendra de parler contre eux; il aurait été bien plus noble de sa part de les défendre: il borna sa générosité à demander que l'on ôtât de la liste Dusaulx qu'il appelait vieux radoteur; Lanthenas, qui est, dit-il, un pauvre d'esprit, et Ducos, député imberbe, que sa grande jeunesse excuse dans ses écarts. Les deux premiers furent ôtés pour toujours, mais on trouva le moyen d'y faire rentrer le troisième. Quant à tous les autres, Barrère dit : « Vous ne pouvez poursuivre les députés dé>> noncés pour leurs opinions, vous ne le pouvez >> donc que pour des faits. Or, le comité de salut >> public ne pourra faire aucun rapport à ce sujet, >> si les dénonciateurs ne lui fournissent les preuves » des faits qu'ils ont à alléguer contre eux. >> Le comité de salut public fut chargé de présenter un rapport dans trois jours, d'après les faits dont on devait lui fournir les preuves. Mais ces trois jours, mais ces preuves n'entraient pas dans le plan des dénonciateurs qui, pour satisfaire leurs passions, ou celles du chef qui les dirigeait, n'avaient besoin que de la force. Ils l'employèrent dès le lendemain 2 de juin. Peu après l'ouverture de la séance, arriva toute la garde nationale de Paris, composée de quatre-vingt mille hommes qu'on plaça aux environs et tout autour de la salle de l'Assemblée. Je me trouvais alors secrétaire; il me fallut rédiger le procès-verbal, ce que je fis dans les termes suivans auxquels il en fut substitué d'autres dans un nouveau procès-verbal que la Convention ordonna pour cette séance du 2 juin, comme pour la séance du 51 mai, qu'avait fait Ducos, afin de les présenter sous l'aspect le plus favorable au parti vainqueur. Je disais donc dans mon procès-verbal, approuvé d'abord par la Convention, puis corrigé par Thuriot : « Une dépu>> tation se présente au nom du conseil général de la >> commune, et demande que sur-le-champ on >> mette en état d'arrestation les membres dé>> noncés dans la Convention, et annonce que c'est >> pour la dernière fois. >>> La Convention a renvoyé cette pétition au comité de salut public; l'on a demandé que le comité fit son rapport séance tenante; mais la Convention a passé à l'ordre du jour motivé sur le décret qui donne trois jours au comité pour faire ce rapport. Les quarante-huit sections de Paris et toutes ses autorités constituées, ont demandé, par l'organe d'une députation, d'être admises à la barre pour proposer, ont-elles dit, la dernière mesure de salut public. La société des républicains révolution |