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vous convaincre par l'augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions. Vous voulez aller à la foi, et vous n'en savez pas le chemin; vous voulez vous guérir de l'infidélité, et vous en demandez les remèdes : apprenez de ceux qui ont été liés comme vous, et qui parient maintenant tout leur bien; ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez suivre, et guéris d'un mal dont vous voulez guérir. Suivez la manière par où ils ont commencé; c'est en faisant tout comme s'ils croyoient, en prenant de l'eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira '. — Mais c'est ce que je crains. Et pourquoi? qu'avez-vous à perdre ?

1. Montaigue avait dit avant Pascal: Il nous faut abestir pour nous assagir. (Essais, liv. II, ch. X11.)

Et saint Paul Nemo se seducat

si quis videtur inter vos sapiens esse in hoc sæculo, stultus fiat ut sit sapiens; sapientia enim hujus mundi stultitia est apud Deum. (Epist. ad Corinth., III, 19.)

Dans Pascal comme dans saint Paul, abêtir ne doit pas être pris à la lettre, mais dans la profondeur du sens chrétien : c'est une de ces paroles que la vraie philosophie accepte et défend contre les déclamations d'une philosophie superficielle et contre les excès d'une dévotion abusive. (Note de M. Faugère.)

ARTICLE III

MARQUES DE LA VÉRITABLE RELIGION

1

La vraie religion doit avoir pour marque d'obliger à aimer son Dieu. Cela est bien juste. Et cependant aucune autre que la nôtre ne l'a ordonné; la nôtre l'a fait. Elle doit encore avoir connu la concupiscence [de l'homme] et l'impuissance [où il est par lui-même d'acquérir la vertu]; la nôtre l'a fait. Elle doit y avoir apporté les remèdes, l'un est la prière. Nulle [autre] rcligion n'a [jamais] demandé à Dieu de l'aimer et de le suivre.

II

La vraie nature de l'homme, son vrai bien et la vraie vertu et la vraie religion sont choses dont la connoissance est inséparable.

III

Il faut, pour qu'une religion soit vraie, qu'elle ait connu notre nature; elle doit avoir connu la grandeur et la petitesse, et la raison de l'une et de l'autre. Qui l'a connue, que la chrétienne?

IV

Les autres religions, comme les païennes, sont plus populaires, car elles sont en extérieur : mais elles ne

sont pas pour les gens habiles. Une religion purement intellectuelle seroit plus proportionnée aux habiles; mais elle ne serviroit pas au peuple. La seule religion chrétienne est proportionnée à tous, étant mêlée d'extérieur et d'intérieur. Elle élève le peuple à l'intérieur, et abaisse les superbes à l'extérieur, et n'est pas parfaite sans les deux : car il faut que le peuple entende l'esprit de la lettre, et que les habiles soumettent leur esprit à la lettre [en pratiquant ce qu'il y a d'extérieur].

V

Nulle autre religion n'a proposé de se haïr. Nulle autre religion ne peut donc plaire à ceux qui se haïssent et qui cherchent un être véritablement aimable. Et ceux-là, s'ils n'avoient jamais ouï parler de la religion d'un Dieu humilié, l'embrasseroient incontinent. Nulle autre [religion que la chrétienne] n'a connu que l'homme est la plus excellente créature [et en même temps la plus misérable]. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d'eux-mêmes; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective, ont traité d'une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l'homme. Nulle religion que la nôtre n'a enseigné que l'homme naît en péché; nulle secte de philosophe ne l'a dit; nulle n'a donc dit vrai.

VI

S'il n'y avoit qu'une religion, Dieu y seroit bien ma

1. Orgueil.

nifeste. S'il n'y avoit de martyrs qu'en notre religion, de même.

VII

Dieu étant caché, toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n'est pas véritable; et toute religion qui n'en rend pas la raison n'est pas instruisante. La nôtre fait tout cela Vere tu es Deus absconditus.

Cette religion, qui consiste à croire que l'homme est déchu d'un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse, de pénitence et d'éloignement de Dieu, mais qu'après cette vie nous serons rétablis par un Messie qui devoit venir, a toujours été sur la terre. Toutes choses ont passé, et celle-là a subsisté pour laquelle sont toutes les choses. Les hommes, dans le premier âge du monde, ont été emportés dans toutes sortes de désordres, et il y avoit cependant des saints, comme Énoch, Lamech, et d'autres qui attendoient en patience le CHRIST promis dès le commencement du monde. Noé a vu la malice des hommes au plus haut degré, et il a mérité de sauver le monde en sa personne par l'espérance du Messie, dont il a été la figure. Abraham étoit environné d'idolâtres, quand Dieu lui a fait connoître le mystère du Messie, qu'il a salué de loin. Au temps d'Isaac et de Jacob, l'abomination étoit répandue sur toute la terre; mais ces saints vivoient en la foi; et Jacob, mourant et bénissant ses enfants, s'écrie, par un transport qui lui fait interrompre son discours : J'attends, ô mon Dieu! le Sauveur que vous avez promis: Salutare tuum expectabo, Domine 1.

1. Genèse, XLIX, 18. Ce verset n'a, en effet, aucun rapport apparent avec ce qui précède et ce qui suit. (Note de H. Havet.)

Les Égyptiens étoient infectés et d'idolâtrie et de magie; le peuple de Dieu même étoit entraîné par leurs exemples. Mais cependant Moïse et d'autres croyoient celui qu'ils ne voyoient pas, et l'adoroient en regardant aux dons éternels qu'il leur préparoit.

Les Grecs et les Latins ensuite ont fait régner les fausses déités; les poëtes ont fait cent diverses théologies les philosophes se sont séparés en mille sectes lifférentes et cependant il y avoit toujours au cœur le la Judée des hommes choisis qui présidoient la venue de ce Messie qui n'étoit connu que d'eux.

:

Il est venu enfin en la consommation des temps et depuis, on a vu naître tant de schismes et d'hérésies, tant renverser d'États, tant de changements en toutes choses; et cette Église qui adore celui qui a toujours été adoré a subsisté sans interruption. Et ce qui est admirable, incomparable et tout à fait divin, est que cette religion qui a toujours duré a toujours été combattue. Mille fois elle a été à la veille d'une destruction universelle; et toutes les fois qu'elle a été en cet état, Dieu l'a relevée par des coups extraordinaires de sa puissance. C'est ce qui est étonnant, et qu'elle s'est maintenue sans fléchir et plier sous la volonté des tyrans.

Les Etats périroient si on ne faisoit ployer souvent les lois à la nécessité. Mais jamais la religion n'a souffert cela, et n'en a usé. Aussi il faut ces accommodements, ou des miracles. Il n'est pas étrange qu'on se conserve en ployant, et ce n'est pas proprement se maintenir; et encore périssent-ils enfin entièrement; il n'y en a point. qui ait duré quinze cents ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible, cela est divin.

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