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casion le conseil, le consistoire, et des procédés obligeants et honnêtes de tous les magistrats, ministres et citoyens, que, pressé par le bonhomme Deluc qui m'obsédoit sans cesse, et encore plus par mon propre penchant, je ne songeai à retourner à Paris que pour dissoudre mon ménage, mettre en règle mes petites affaires, placer madame le Vasseur et son mari, ou pourvoir à leur subsistance, et revenir ensuite avec Thérèse m'établir à Genève pour le reste de mes jours.

Cette résolution prise, je,fis trève aux affaires sérieuses pour m'amuser avec mes amis jusqu'au temps de mon départ. De tous ces amusements, celui qui me plut davantage fut une promenade autour du lac, que je fis en bateau avec Deluc père, sa bru, ses deux fils, et ma Thérèse. Nous mîmes sept jours à cette tournée par le plus beau temps du monde. J'en gardai le vif souvenir des sites qui m'avoient frappé à l'autre extrémité du lac, et dont je fis la description quelques années après dans la nouvelle Héloïse.

Les principales liaisons que je fis à Genève, outre les Deluc dont j'ai parlé, furent le jeune ministre Vernes, que j'avois déjà connu à Pa

ris, et dont j'augurois mieux qu'il n'a valu dans la suite; M. Perdrian, alors pasteur de campagne, aujourd'hui professeur de belleslettres, dont la société, pleine de douceur et d'aménité, me sera toujours regrettable, quoiqu'il ait cru du bel air de se détacher de moi; M. Jalabert, alors professeur de physique, depuis conseiller et syndic, auquel je lus mon Discours sur l'inégalité (mais non pas la dédicace) et qui en parut transporté ; le professeur Lullin, avec lequel jusqu'à sa mort je suis resté en correspondance, et qui m'avoit même chargé d'emplètes de livres pour la bibliothèque; le professeur Vernet qui me tourna le dos comme tout le monde après que je lui eus donné des preuve d'attachement et de confiance qui l'auroient dû toucher, si un théologien pouvoit être touché de quelque chose ; Chappuis, commis et successeur de Gauffecourt qu'il voulut supplanter pour les sels du Valais, et qui bientôt fut supplanté lui-même ; Marcet de Mézières, ancien ami de mon père et qui s'étoit aussi montré le mien, mais qui, après avoir jadis bien mérité de la patrie, s'étant fait auteur dramatique et prétendant au deux-cents, changea de maximes et devint ri

dicule avant sa mort. Mais celui de tous dont j'attendis davantage fut Moultou, le fils, qui, pendant mon séjour à Genève, fut reçu dans le ministère, auquel il a depuis renoncé ; jeune homme de la plus grande espérance par ses ta. lents, par son esprit plein de feu, que j'ai toujours aimé, quoique sa conduite à mon égard ait été souvent équivoque, et qu'il ait des liaisons avec mes plus cruels ennemis, mais qu'avec tout cela je ne puis m'empêcher de regarder encore comme appelé à être un jour le défenseur de ma mémoire, et le vengeur de son ami.

Au milieu de ces dissipations je ne perdis ni le goût ni l'habitude de mes promenades solitaires, et j'en faisois souvent d'assez grandes sur les bords du lac, durant lesquelles ma tête, accoutumée au travail, ne demeuroit pas oisive. Je digérois le plan déjà formé de mes institutions politiques, dont j'aurai bientôt à parler; je méditois une histoire du Valais, un plan de tragédie en prose, dont le sujet n'étoit moins que Lucrèce, et dont je n'espérois pas moins que d'attérer les rieurs (quoique j'osasse laisser paroître encore cette infortunée, quand elle ne le peut plus sur aucun

pas

théâtre françois). Je m'essay ois en même temps sur Tacite, et je traduisis le premier livre de son histoire, qu'on trouvera parmi mes papiers.

Après quatre mois de séjour à Genève je retournai au mois d'octobre à Paris, et j'évitai de passer par Lyon pour ne pas me retrouver en route avec Gauffecourt. Comme il entroit dans mes arrangements de ne revenir à Genève que le printemps prochain, je repris pendant l'hiver mes habitudes et mes occupations, dont la principale fut de voir les épreuves de mon Discours sur l'inégalité, que je faisois imprimer en Hollande par le libraire Rey, dont je venois de faire la connoissance à Genève. Comme cet ouvrage étoit dédié à la république, et que cette dédicace pouvoit ne pas plaire au conseil, je voulois attendre l'effet qu'elle feroit à Genève avant que d'y retourner. Cet effet ne me fut pas favorable, et cette dédicace, que le plus pur patriotisme m'avoit dictée, ne fit que m'attirer des ennemis dans le conseil, et des jaloux dans la bourgeoisie. M. Chouet, alors premier syndic, m'écrivit une lettre honnête, mais froide, qu'on trouvera dans mes recueils (liasse A,

n° 3). Je reçus des particuliers, et entre autres des Deluc et de Jalabert, quelques compliments, et ce fut là tout; je ne vis point qu'aucun Genevois me sût un vrai gré du zèle de cœur qu'on sentoit dans cet ouvrage. Cette indifférence scandalisa tous ceux qui la remarquèrent. Je me souviens que, dînant un jour à Clichy chez madame Dupin avec MM. de Mairan et Crommelin, résidents de la république, le premier dit en pleine table que le conseil me devoit un présent et des honneurs publics pour cet ouvrage, et qu'il se déshonoroit s'il manquoit à ce devoir. Crommelin, qui étoit un petit homme noir et bassement méchant, n'osa rien répondre en ma présence; mais il fit une grimace effroyable qui fit sourire madame Dupin. Le seul avantage que me procura cet ouvrage, outre celui d'avoir satisfait mon cœur, fut le titre de citoyen, qui me fut donné par mes amis, puis par le public à leur exemple, et que j'ai perdu dans la suite pour l'avoir trop bien mérité.

Ce mauvais succès ne m'auroit pourtant pas détourné d'exécuter ma retraite à Genève, si des motifs plus puissants sur mon cœur n'y avoient concouru. M. d'Epinay, voulant ajou

III.

II

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