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plus d'ambition que de génie, attendu que l'égalité de discipline, l'équilibre des forces et des communications plus rapides rendent impossible à un seul la conquête de toute l'Europe. L'Allemagne, qui en est le centre, l'empêchera toujours, malgré les défauts de sa constitution; et la paix de Westphalie restera la base du système politique. Pour le maintenir toutefois il faut un mouvement d'action et de réaction; et pour le fortifier il serait besoin d'une confédération générale ayant un pouvoir législatif suprême, un tribunal et un pouvoir coercitif. Le bon sens suffira pour démontrer aux puissances combien il leur serait avantageux de soumettre leurs prétentions respectives à un arbitre impartial, au lieu de recourir aux armes, dont l'emploi profite rarement au vainqueur lui-même. >>>

Les doctrines des publicites classiques sont résumées dans la Science du gouvernement, en huit parties, par Gaspard de Réal, qui les traite d'une manière plus pratique que Burlamachi et Vattel.

Une triste uniformité s'étend, dans les écrits de Pothier, sur le droit appartenant à des temps et à des lieux divers : le droit absolu, le droit romain, le droit coutumier, tous offrent une ressemblance décolorée, effet de la froide logique à l'aide de laquelle il veut en concilier l'application aux temps modernes, en se conformant toutefois à cette équité qui dirigea les dernières compilations des Romains chrétiens. Toutefois, sans critiquer les lois ni se lancer dans des théories législatives, il s'attache à modifier le droit ancien, à le rendre plus humain dans l'application; de sorte qu'il se trouve ainsi transformé, à travers son bon sens lucide, en une pratique simple et douce.

Il convient de rappeler ici Montesquieu, l'Anti-Machiavel de Frédéric II, le Commentaire de Rutherforth sur Grotius, Thabile et ingénieux Commentaire de Valin sur l'ordonnance de 1681; Heineccius, que Mackintosh appelle le meilleur publiciste élémentaire; enfin l'Espagnol d'Abreu, favorable aux prétentions de l'Angleterre sur les mers. Chez tous ces auteurs, la science du droit public intérieur se joint à la morale, à la politique et au droit d'État positif, jusqu'au moment où elle en fut détachée par les philosophes de l'école critique venus à la suite de Kant (1).

(1) Tels que Fichte, Schmalz, Heidenreich, Hofflauer, Schötzer, Burkardt Politz, Egger, Krug, Bauer, Rotteck, etc.

Le fécond et exact Bynkershoek, de Middelbourg, offrit le 1673-1743,

premier une exposition critique et systématique du droit des gens maritime, en choisissant les questions particulières d'une application plus pratique. Selon lui, tout ce qui est conforme aux lumières de la raison oblige lorsque cela est observé par la plupart des nations, et les nations les plus civilisées. Le droit des gens est donc une présomption fondée sur la coutume; d'où il suit qu'il cesse d'être en vigueur du jour où apparaît la volonté contraire à celle dont il s'agit. Son ouvrage sur le droit des ambassadeurs est d'une importance capitale

Si l'on compare la générosité qui respire chez tous ces écrivains avec la politique sordide de ce siècle, avec les astuces de la paix, les brigandages de la guerre, on comprend combien a peu de valeur un droit public qui ne se fonde pas sur la conscience et ne s'appuie pas sur Dieu.

Une troisième époque devait commencer plus tard pour cette science, lorsque le droit des gens fut observé sous le rapport positif et pratique. On déduisit alors du recueil des documents et des traités les actes et les règles qui devaient diriger les souverains et les diplomates.

Le président Hénault, en publiant le Droit public fondé sur les traités, avait déjà dévoilé en partie ce qu'on avait jusqu'alors considéré comme les arcanes de la diplomatie.

Moser de Stuttgart s'occupa toute sa vie du droit public, principalement ce qui a trait à l'Allemagne. A partir de la mort de Charles VI, il substitue les exemples aux spéculations philosophiques, voyant bien que les principes abstraits ne sont pas observés par les souverains

Martens publia en 1788 un Abrégé du droit des gens moderne de l'Europe, fondé sur les traités et la coutume, qui devint ensuite un manuel. Il part de l'idée de Vattel, que ce droit est une modification du droit naturel, appliqué à régler les rapports entre les nations.

Le droit ainsi réduit au fait, il ne faut pas s'étonner si Bentham en vint à proclamer l'utilité comme la mesure unique du droit. Il fonda sur cette base un projet de paix perpétuelle. Un souverain n'a pas de meilleur moyen de régler sa conduite envers les autres nations que de rechercher le plus grand avantage de toutes. La loi internationale aurait donc pour but l'intérêt général : 1o en ce qu'une nation ne serait à charge aux autres qu'autant qu'il est nécessaire à son propre bien-être; 2o en ce

Bentham. 1748-1832.

qu'elle ferait aux autres nations le plus grand bien compatible avec le sien, ce qui constituerait ses devoirs à remplir; 3o en ce qu'elle ne souffrirait des autres nations aucun dommage, au delà de ce que réclame leur propre bien; 4o en ce qu'elle recevrait le plus grand bien des autres nations, compatible avec leur propre bien-être; ce qui constituerait ses droits à faire valoir. On ne connaît jusqu'ici d'autre remède aux violations que la guerre; le cinquième but du code international serait donc de pourvoir à ce qu'elle n'entraînât que le mal indispensable pour arriver au bien qu'on aurait en vue.

La guerre est une espèce de procédure, à l'aide de laquelle une nation revendique ses droits aux dépens d'une autre. Les causes qui l'engendrent le plus ordinairement sont : l'incertitude dans les droits de succession; les agitations intestines chez des États voisins, dérivant soit de cette source, soit de disputes sur le droit constitutionnel; l'incertitude des droits invoqués sur des pays nouvellement découverts; les haines et les préjugés religieux; les querelles entre des États limitrophes.

Il conviendrait donc, pour les écarter, 1o de réduire en code les lois non écrites, mais qui sont en usage; 2o de faire de nouvelles conventions et des lois internationales sur tous les points indéterminés; 3o de perfectionner le style des lois et des autres actes. Mais comme ces causes dépendent des intérêts et des passions humaines, les remèdes seraient insuffisants; en conséquence Bentham imagine une paix perpétuelle, fondée sur deux points essentiels: 1o la réduction et la détermination des forces militaires et navales; 2o l'émancipation des colonies, qui sont finalement onéreuses à la métropole, qui se trouve contrainte de les défendre à l'aide d'une marine redoutable.

Bentham propose un tribunal arbitral pour éviter les dissidences d'opinion entre les négociateurs, et ses décisions sauveraient l'honneur de la nation qui succomberait. Des conventions plus ou moins difficiles ont été arrêtées, comme la neutralité, la confédération américaine, la diète germanique, la ligue suisse. L'histoire démontre ainsi que la confiance peut exister entre nations.

Il pourrait donc se former un congrès général où chaque puissance enverrait deux députés, et qui aurait autorité pour rendre sa décision, pour la faire publier dans les deux États en dispute et pour mettre au ban de l'Europe celui qui n'y obtempérerait pas. Comme dernier expédient, on pourrait fixer le contingent de chaque État pour l'exécution des sentences prononcées. Mais on éloignerait une semblable nécessité en autorisant le congrès à donner la plus grande publicité à ses jugements motivés, ce qui serait un appel à l'opinion.

Tel était le rêve de Bentham en 1789, un instant avant la conflagration générale, où l'on vit apparaître la plus audacieuse violation des traités positifs.

Elle avait déjà éclaté quand un autre philosophe, Emmanuel Kant, imagina une paix perpétuelle, constituée aussi sur une confédération de toute l'Europe, représentée par un congrès permanent. La première condition était que les États fussent républicains, c'est-à-dire que chaque citoyen concourût, au moyen de ses représentants, à faire les lois et à décider de la guerre; car un despote hésite peu à recourir aux armes, mais le peuple sait qu'il s'expose à toutes les charges et à tous les maux qui suivent un appel à la force. Par constitution républicaine Kant entend un gouvernement limité par une représentation nationale, où le pouvoir législatif est séparé du pouvoir exécutif tandis que la démocratie rend toute représentation impossible, et est nécessairement despotique, attendu que la volonté de la majorité de souverains dont elle se compose ne se trouve pas limitée.

Il faut aussi pour réaliser la paix perpétuelle que l'alliance soit fondée sur une confédération d'États libres; or, actuellement, l'état naturel entre les nations est celui de guerre déclarée ou imminente, et leurs droits ne se débattent que sur les champsde bataille, où la victoire tranche la question, mais ne la résout pas. La paix doit, en conséquence, être garantie par un pacte spécial qui ait pour but de mettre un terme à toutes les guerres, et par lequel les nations renoncent à la liberté anarchique des sauvages, pour former une civitas gentium. Si par hasard un peuple se constituait en république (gouvernement qui tend de sa nature à la paix perpétuelle), il deviendrait le centre de cette confédération, attendu que d'autres s'associeraient à elle pour garantir leur propre liberté, selon le droit public. Car s'il est juste, nous dit Kant, d'espérer que le règne du droit public s'effectuera par des progrès graduels, mais indéfinis, la paix perpétuelle, qui succédera aux trêves appelées jusqu'ici traités de paix, n'est pas une chimère, mais bien un problème dont la solution nous est promise par le temps; or, il sera vraisem

Kant 1724-1804.

blablement abrégé par le progrès général de l'esprit humain (1). »

Cependant le désordre des finances résultant des besoins croissants du gouvernement et de la nécessité de satisfaire aux exigences d'une politique de famille conduisit les esprits à méditer sur l'origine et la distribution des richesses, sur le luxe, sur l'agriculture. Le système de Law avait secondé ces tendances; et l'on vit pleuvoir les livres sur le crédit, sur la population, sur les manufactures: ce fut à qui expliquerait la crise survenue et raisonnerait sur ce que chacun avait expérimenté. Comme la propriété foncière seule n'avait pas péri dans cette tourmente, qu'elle s'était améliorée, au contraire, on jugea que les terres étaient l'unique richesse réelle. Ainsi naquit l'économie politique, premier système de formules précises qui avaient pour but, sous une apparence de réforme politique, de faciliter la perception des impôts et de remédier aux maux de la France.

Jusqu'alors l'économie politique avait à peine été soupçonnée, quoique l'Angleterre, par suite de ses relations compliquées avec l'ancien et le nouveau monde, eût mis en lumière quelques vérités. Ainsi la compagnie des Indes s'était aperçue par expérience que l'argent était le meilleur moyen d'échange avec l'Asie; mais, comme le préjugé public soutenait que la nation qui exportait le plus d'argent se trouvait en perte, il fallut déguiser les opérations et abonder dans le sens de ce préjugé. Josias Child, Petty, Dudley Nort, Locke, Stewart dirent beaucoup de choses à ce sujet sans arriver à la vérité sur la nature et les resources de la richesse.

La société vit-elle d'or et d'argent? Qu'elle mange toute l'année les produits de son propre territoire, et à la fin elle se trouvera n'avoir ni plus ni moins d'or et d'argent. Ces métaux ne servent done qu'à faciliter les échanges, tandis que la subsistance ne se tire que des denrées de consommation; d'où il résulte que la richesse consiste non dans le prix, mais dans la chose. Telle était l'induction que l'on tirait; ainsi, après avoir donné une grande importance aux arts qui produisaient de l'or, on arriva à les négliger tout à fait pour l'agriculture. Le mé

(1) Programme de paix perpétuelle. Kant a été réfuté par Hégel dans ses Grandlinien der Philosophie der Rechts, et par Fichte dans son Grundlage der Naturrechts nach principien des Wissenschaftlehre.

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