Enfant, pars, mon séjour ne peut être le tien : Vas redire au désert que ses fils ne sont plus, Que le Christ a brisé le croissant du prophète, Et que, pour leurs tombeaux échangeant leur conquête, De leur dernier sommeil reposent nos tributs : Vas redire au désert que ses fils ne sont plus. Ma maitresse, ma sœur, ma brune idole, adieu ! Evariste MARANDON DE MONTYEL RECHERCHES HISTORIQUES SUR L'AUTEL TUTÉLAIRE DES LYONNAIS ET SUR LES PRINCIPAUX ÉVÈNEMENTS QUI EN ONT RETARDÉ OU HATÉ LA GLOIRE, PAR M. L'ABBE CAHOUR. LYON, CHEZ PÉLAGAUD.-1838. C'était une bien douce et noble tâche, que celle de retracer l'histoire de la sainte chapelle qui veille sur Lyon ; mais afin de percer l'obscurité des siècles et de nous raconter le long séjour de Marie sur la colline, l'auteur devait puiser dans la foi sa patience, ses lumières et sa force. Toute la vie de notre cité descend en effet de la montagne; l'étymologie du nom même de Fourvière soulève de graves dissertations; le Forum de Trajan et le culte des Gaulois devenus Romains s'y retrouvent; puis la Religion Chrétienne semble y prendre racine, et, presque depuis ce temps, le culte de Marie, s'associant à toutes les phases de Lyon, amène la prospérité, voit passer les désastres et chasse la tempête. Les chroniques complètes de Fourvière sont donc une histoire abrégée de notre ville, et comme de là haut, tous ces évènements qui se remuent, au bas, dans la populeuse cité, doivent n'apparaître que par grandes masses caractéristiques d'une époque et poétisées par l'éloignement, il fallait à l'historien un coupd'œil profond d'observateur, une sagacité de critique, un style brillant, chaud et rapide. Voilà qu'en présentant l'analyse des conditions d'une bonne histoire de Fourvière, j'ai, sans y penser, fait le compte-rendu de l'ouvrage de M. l'abbé Cahour. Cet écrivain plein de science se livre d'abord à de philologiques recherches sur le mot de Fourvière; appelé à se prononcer entre les diverses étymologies qui lui sont données, il repousse celle de Forum Veneris comme n'étant pas assez justifiée par la religion de nos premiers pères; ceux-ci, adorateurs zélés de Mercure, le Dieu du Commerce, ne professèrent jamais un culte célèbre pour Vénus: les biens de la terre leur parurent préfèrables aux plaisirs amollissants de la sensualité, et la déesse des moissons, Segesta, reçut chez nous le culte que d'autres peuples vouaient à Vénus. L'opinion de M. Cahour me paraît donc fondée, honorable pour la moralité du Lugdunum payen, et conforme à l'esprit de notre population, marchande en tous les temps. Aussi le nom de Fourvière dérive-t-il très probablement du Forum vetus élevé par Trajan auprès du lieu où est actuellement l'église, et dénommé l'ancien, alors que la ville, ravagée par Sévère, descendit des hauteurs de la colline sur les rives de la Saône et l'immortel Delta. Cette pensée est encore confirmée par la présence des pierres du Forum dans la construction de la chapelle. Maintenant, si vous désirez connaître la cause de l'altération du mot Forum vetus en Fourvière, allez demander à l'introduction de l'auteur les diverses transformations qu'ont subies les langues celtique et latine, soumises à l'élément burgunde. Je remercie M. l'abbé Cahour de n'avoir point jugé cette dissertation étrangère à son sujet. Après avoir tranché la difficulté du nom, l'historien aborde les hypothèses des faits sous l'influence desquels a langui ou prospéré l'édifice religieux. Jusqu'au IX siècle, le récit s'appuie sur de simples probabilités, qui, fussent-elles vraies, ne constateraient en l'honneur de Marie, que l'existence d'un culte bien humble, sur la montagne. Alors seulement la Vierge sous le nom de notre Dame de Bon Conseil paraît avoir certainement son autel, mais bientôt Saint-Thomas de Cantorbéry vient lui disputer l'honneur de la puissance dans cette modeste église: son nom couvre celui de Marie, cette vénération secondaire pour le martyr efface bientôt l'hommage rendu à la mère de Dieu. Beaucoup plus tard et vers la fin du XVIe siècle, la Vierge de Fourvière eut la réputation de faire des miracles qui, de nos jours encore, forment son auréole; les pestes qui dans notre ville désolèrent ce siècle et le suivant forcèrent nos pères à lever les yeux vers la colline: le Consulat voua la cité à notre Dame des Grâces, et les chroniques nous affirment que la puissante miséricorde de Marie descendit sur Lyon. Telles sont, pour le passé, les fastes religieuses de Fourvière; nul n'ignore comment elles se sont continuées jusqu'à nous! mais pour déterminer le rôle qu'a joué la chapelle considérée comme monument dans l'histoire politique de Lyon, il me faudrait suivre pas à pas l'abbé Cahour, et rapporter son récit presque tout entier, de peur de le décolorer sous ma plume. J'aime à voir, à Lyon, le clergé marcher sur les traces de l'abbé Pavy, et nous dire ce que furent les monuments religieux; j'aime à le voir tracer le tableau d'un autre âge et s'efforcer de réveiller l'esprit des générations croyantes : j'aime à l'entendre nous parler de protection divine et des grandes pensées de la mort. C'est là vraiment dans ce saint ministère qu'est bien placée l'ame du prêtre, sa charité s'exalte et son cœur s'abandonne sans crainte et sans fiel aux élans du génie. Ecoutez M. l'abbé Cahour : << Au moyen âge la cloche de la colline donnait le signal « du couvre-feu des citoyens; il sonne aujourd'hui pour le « repos des générations qui vinrent prier à l'autel de la « Vierge. La patronne des Lyonnais, du sommet qu'elle << occupe, veille sur deux cités, l'une agitée et bruyante, << l'autre calme et silencieuse; et lorsque les habitants de la << première vont, après quelques années de travaux, dormir pour des siècles dans la seconde, ils savent qu'ils seront << sous les yeux et sous la garde de Notre Dame de Fourvière. << Dépositaire des faveurs passagères et des immortelles es<< pérances, elle s'est placée au milieu de la route, entre le « berceau où commence le voyage de la vie, et la tombe où << s'ouvre l'éternité. Quand des enfants en deuil vont à Loyasse « prier à la sépulture de famille, ils recommandent, en pas<< sant, leurs aïeux à la Vierge protectrice, et le flambeau « qu'ils laissent brûlant à son autel, y prolonge leurs suppli« cations et leurs vœux. » Je pourrais ajouter à cette citation des pages pleines d'intérêt et vigoureusement écrites, le récit attachant de la maladie et de la guérison de Louis XIII, par exemple, ou la sombre peinture des pestes de Lyon, ou bien encore les piquants détails sur l'occupation de Fourvière par les républicains, en avril 1834; ces hommes qu'on a dépeints comme ennemis de la foi et des lois, anthropophages et Croquemitaines du XIXe siècle, se montreraient à nous sous leur vrai jour, respectant une chapelle, vénérant la Vierge, ses ornements et ses ministres, se prosternant devant le cercueil d'un prètre mort avant l'insurrection, et protégeant de leur poitrine le cadavre qu'ils portaient à la tombe. Nous entendrions ces insugés dire à l'ecclésiastique qui les assiste: << il faut aller à Loyasse, M. l'abbé. Nous formerons la <<< haie autour de vous et du défunt; s'il vient une balle, elle « sera pour nous. >>> Alors nous comprendrions la vérité de cette histoire d'hier, sitôt dénaturée. Mais si je loue, sans restriction, l'œuvre de M. Cahour sous le rapport de la forme, je dois dire que mes opinions personnelles me forcent souvent à envisager d'un autre point de vue les détails de fond. Qu'il me soit donc permis de joindre quelques remarques. La première est relative à à une question contestée dans l'histoire. M. Cahour, pour ajouter sans doute une nouvelle gloire à Fourvière si riche déjà en souvenirs, assure que le martyr des compagnons de Saint-Pothin a eu lieu sur la montagne. Telle n'est pas Popinion généralement admise. D'après nos anciens histo |