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péril n'est pas de ceux qui font reculer les soldats français; tout au contraire, il enflamma leur courage, leur rendit l'énergie qu'ils avaient perdue, et leur fit oublier tous les maux qu'ils avaient soufferts.

Les batteries du Coudiat-Ati, ainsi que celles restées au Mansourah étaient en partie armées le 11: et le capitaine C..., qui commandait celle de Nemours, déployait un zèle et une ardeur sans exemple dans un travail aussi difficile que dangereux, l'armement des batteries de brèche, quand, à neuf heures du matin, le lieutenant donna ordre de commencer l'attaque.

Le bombardement dura deux jours. Ce n'est point ici le lieu de donner l'histoire de ce siége mémorable et de mentionner les traits de valeur qui signalèrent nos armes; cet écrit est consacré à l'histoire d'un seul et non à celle de tous. Qu'il me suffise de dire que, malgré tous les travaux et les fatigues des jours précédents, l'armée ne se laissa abattre ni par les difficultés presqu'insurmontables des opérations les plus essentielles d'un siége, le remuement des terres que de continuels torrents de pluie avaient converties en boue, ni par les pertes nombreuses qu'elle faisait en soldats et en officiers, ni même par la perte, plus cruelle encore, du lieutenant-général gouverneur qu'un boulet emporta subitement, le 12, au plus fort de l'action, à côté du prince et au milieu de tout l'état-major.

L'artillerie qui s'était déjà brillamment distinguée dans cette campagne, ns se distingua pas moins durant le siége, soit par la haute intelligence, la précision et la promptitude qu'apportaient les officiers dans l'exécution des ordres, soit par la justesse et la dextérité dont tous faisaient preuve dans le tir; et son chef, le lieutenant général Vallée, que la mort du général Danrémont appela au commandement de l'expédition soutint glorieusement sa vieille renommée de tacticien profond et d'homme de haute capacité.

Maléchard qui était à sa place au milieu de tant de braves, se fit, comme toujours, remarquer par sa valeur, de même que par son savoir et son expérience; aussi expert qu'actif dans l'accomplissement des missions qui lui étaient confiées, et l'exécution des dispositions prescrites, qu'habile et sage daus les dispositions qu'il avait à prescrire lui-même. Avec lui, jamais d'instructions mal comprises, jamais de temps perdu en explications superflues, jamais de négligence ou de mauvaise volonté de la part du soldat dont il était aimé, et dont il savait stimuler le zèle et ranimer l'ardeur par ses propres actions comme par l'autorité de ses paroles.

En plus d'une occasion, il a fait preuve de ce courageux sang-froid, de cette héroique abnégation de soi-même, qui sont les premières vertus du guerrier; et, pour n'en citer qu'un exemple, un jour, que sur un mamelon à portée du canon de l'ennemi, il s'occupait d'un travail d'esprit qui exigeait toute son attention, un boulet le rase de si près qu'il enlève une portion de son manteau. Des artilleurs, qui l'observaient d'une certaine distance, le croient mort ou du moins blessé; un de ses amis, le capitaine ***, court à lui, et le trouve continuant son travail, sans s'être aperçu à peine du péril imminent qu'il avait couru.

Dans ce rapide examen, on ne saurait cependant passer sous silence les importants services qu'a rendus l'arme du génie si dignement commandée par le lieutenant général de Fleury qui a déployé, en cette occasion, les connaissances stratégiques les plus consommées et les plus vastes. Avec les généraux Danrémont et Vallée, il a concouru à la solution des questions les plus importantes, et plusieurs mesures, suggérées par lui, ont puissamment contribué aux heureux résultats du bombardement.

Disons-le enfin, l'infanterie, par son intrépidité, par son dévoûment sublime, par l'ardeur belliqueuse avec laquelle elle a livré l'assaut, a parachevé une victoire, disputée avec acharnement jusqu'à la dernière heure, et qu'un seul instant pouvait convertir en déroute complète, en défaite honteuse.

Il n'en fut rien; et le 13 octobre, à neuf heures du matin, le drapeau français flottait sur les murs de Constantine, de cette antique Cirtha, où planèrent jadis les aigles romaines. Défendue admirablement par la nature, et très vaillamment par les Arabes, si cette ville ne l'a pas été assez habilement pour résister à notre savoir stratégique et à l'héroique audace de nos troupes, elle n'a pas moins opposé une résistance opiniâtre, où l'on a pu reconnaître une entente de la guerre peu commune chez ces peuples et par conséquent l'œuvre éclairée d'une direction étrangère

Quand une place est rendue, le feu du canon cesse; mais le rôle de l'artillerie n'est point encore terminé. Il lui reste à opérer le désarmement, à rechercher les magasins de poudre, de projectiles et des autres objets destructeurs, et enfin à prendre possession de tous les moyens de défense de l'ennemi.

Chaque jour mieux apprécié, Maléchard ne pouvait plus occuper que des emplois supérieurs. A notre entrée à Constantine, il fut fait commandant de l'artillerie de la place, chargé de l'opération aussi délicate qu'importante dont je viens de parler; et plus tard nommé chef d'état major de l'artillerie, poste précédemment occupé par un maréchal de camp.

De l'avancement était bien dû à sa belle conduite. Il fut proposé pour le grade de lieutenant-colonel, et le ministre de la guerre s'empressa de lui écrire le 11 novembre que le roi, qui connaissait les services qu'il avait rendus et qui savait apprécier sa conduite dans la dernière expédition, lui réservait le premier emploi qui deviendrait vacant dans l'artillerie.

En même temps qu'on lui assurait cette récompense aussi juste que bien acquise, il en recevait une autre non moins flatteuse et qui déposait aussi honorablement en faveur de son mérite; c'est le concert d'éloges sorti de la bouche de tous les officiers qui l'avaient vu à l'œuvre. En leur présence, comme sous les yeux des généraux en chef, et d'un jeune prince, digne appréciateur des éminentes qualités qui déjà brillent en sa personne, il avait donné trop de preuves de cette haute capacité, de ce savoir acquis et de ces dons innés qui font l'homme de guerre, pour qu'il fut permis de douter qu'il ne dût être appelé un jour à l'un des premiers emplois de l'arme dans laquelle il s'était fait un si beau nom.

Mais pendant que ce brillant avenir se déroulait à ses yeux, la providence, qui se joue des projets et de l'espoir des mortels, se disposait à l'arrêter subitement dans la carrière.

Un pressentiment funeste avait poursuivi Maléchard durant toute la campagne. En partant de Toulon, son cœur se serrait à l'idée de quitter la France; et il n'est presque aucune de ses lettres où il n'ait fait des vœux pour le retour. Dans le courant d'octobre, il éprouva quelques malaises dont il tint d'abord peu de compte. Mais, le 27, il fut forcé de s'aliter, atteint qu'il était par le choléra, auquel avaient déjà succombé plusieurs officiers qui habitaient avec lui la Casbah.

Son état s'aggravait d'une manière sensible, lorsqu'il apprit que le général en chef se disposait à retourner en France, avec S. A. R. et devait partir le 29, à la tête de la dernière colonne expéditionnaire. Rien alors ne put retenir Maléchard, et, malgré le mauvais état de sa santé, malgré les conseils de ses amis, il voulut faire partie de ce convoi. Mais quelle constitution eût pu résister aux fatigues d'un tel voyage, en proie comme il l'était, aux atteintes du choléra, privé des soins que réclamait impérieusement sa position, et épuisé par les opérations du siége, qui l'avaient tenu, durant six jours et six nuits, dans l'eau et dans la boue, livré aux travaux les plus sérieux et les plus pénibles ?... Il arriva pourtant le 1er novembre à M'jezAmmar, avec l'armée; mais il était mourant!....

Le souvenir de la belle conduite qu'il avait tenue en cet endroit, dut ranimer un instant son existence près de s'éteindre; mais l'espoir que ses dernières lueurs donnèrent aux personnes qui l'entouraient leur fut, hélas! bientôt enlevée !.... La nouvelle du départ de ses frères d'armes qui devait avoir lieu le lendemain, et sans lui, lui donna le coup de la mort..... Le 2 novembre, il expira sur les lieux même qui, un mois auparavant, avaient été le théatre de ses exploits les plus glorieux.

Ainsi, au moment d'être promu à un haut grade qu'il avait si bien acquis, mourut à l'âge de 45 ans, sur la terre étrangère, loin de sa famille et de ses amis, et dans un cruel abandon, l'homme qui tenait le plus au bonheur du foyer domestique, et à la gloire intime, comme lui-même il la nommait.

Celui que l'armée a perdu si jeune encore, celui dont la mort prématurée est aussi regrettable pour la ville de Lyon que douloureuse pour ses proches, Maléchard n'était pas seulement homme du champ de bataille; il était aussi homme de cabinet. La théorie de la guerre fut souvent l'objet de ses recherches et de son application assidue ; mais l'histoire naturelle, dont le goût s'était développé chez lui dès l'enfance, était son occupation favorite; et il a laissé, sur l'une et l'autre de ces sciences si disparates, des mémoires importants (1) et des collections intéressantes.

On l'a remarqué depuis long-temps, le penchant et l'application aux sciences naturelles, sont la garantie ordinaire, et presque certaine, de mœurs douces et d'aménité. Celui qui se plait à l'étude des papillons et à la culture des fleurs, ne saurait être un méchant homme. Maléchard en a été une nouvelle preuve. Il fut aimé de tous ceux qui l'ont connu; supérieurs, camarades et subordonnés, tous font, d'un accord unanime, l'éloge de son caractère et de son cœur. Inflexible sur la rigueur du devoir, auquel il savait tout sacrifier, il n'eut cependant qu'une pensée au milieu des fatigues de la guerre,

(1) La timide réserve de Maléchard ne lui a permis de livrer aucun de ses ouvrages à la publicité; mais il a laissé plusieurs manuscrits qui ne sont pas sans importance, et que nous nous sommes fait un devoir de déposer à la Bibliothèque de la ville de Lyon, où ils sont à leur place, et comme œuvre de mérite, et comme œuvre d'un concitoyen. Là du moins, tout le monde pouvant les consulter, ils ne seront point perdus pour la science stratégique.

Ces manuscrits sont :

1o Mémoire sur la confection des fusées à la Congrève. - C'est un travail d'art, très utile pour l'instruction des officiers et sous-officiers d'artillerie;

2o Mémoire sur la formation d'un peloton de candidats dans chacun des regiments d'artillerie. - Cet écrit signale des vices dans l'organisation des régiments de cette arme, et, en première ligne, les inconvénients qui se font sentir lorsque, par suite d'avancement, des hommes passent d'une batterie montée à une batterie à cheval, et réciproquement; la création d'un peloton de candidats parait, selon Maléchard, un moyen sûr d'obvier à ces inconvénients;

3o Papiers relatifs aux opérations du siége, et aux premières semaines de l'occupation d'Alger. - C'est un journal incomplet, mais bon à connaître, sur les travaux de l'artillerie pendant le siége d'Alger, et pendant les premiers temps de son occupation;

4° Mémoire sur la défense d'une partie de la frontière de France. - Nous avons, page 214, rendu un compte sommaire des diverses questions traitées dans cet écrit, qui est incontestablement l'ouvrage le plus capital de Maléchard, et celui dont la publicité ferait le plus d'honneur à sa mémoire.

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