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droit international privé est surtout important pour des Etats voisins, croit devoir prendre toutes les résolutions de cette Conférence, où la Suède et la Norwège ne sont pas représentées, ad referendum; du moins en tant qu'elles veulent introduire le système des lois nationales comme régissant l'état des personnes au lieu du système des lois du domicile prévalant dans un pays. >>>

La Commission, d'ailleurs, tout en posant en règle la prédominance de la loi nationale, crut devoir accorder quelque effet aux autres systèmes. En sorte que le premier alinéa de l'article premier de son avant-projet était ainsi conçu : « Le droit de contracter mariage est régi par la loi nationale de chacun des futurs époux, à moins que cette loi ne s'en rapporte soit à la loi du domicile, soit à la loi du lieu de la célébration. » Le tempérament formulé dans le dernier membre de cette phrase fut admis, comme la règle, sans difficulté; M. Beeckman aurait seulement voulu qu'il ne fût pas exprimé; à ses yeux, il était implicitement contenu dans la règle elle-même.

Dans un second alinéa, l'article premier de l'avant-projet précisait la portée de la règle et, de plus, comme le Règlement arrêté par l'Institut de droit international, mais à titre d'exemples, il en indiquait quelques applications. Il portait : « En conséquence et sauf cette réserve, pour que le mariage puisse étre célébré dans un autre pays que celui des époux ou de l'un d'eux, il faut que les futurs époux se trouvent dans les conditions prévues par leur loi nationale respective, notamment en ce qui concerne l'âge, les degrés prohibés de parenté ou d'alliance, le consentement des parents, des tuteurs ou du conseil de famille. » La Conférence jugea inutile et non sans inconvénient l'indication, même à titre d'exemples, de telles ou telles conditions à observer par les époux; la suppression en fut

décidée.

L'article 2 de l'avant-projet portait une véritable exception à la règle posée dans l'article premier : « La loi du lieu de la célébration peut interdire le mariage des étrangers qui serait contraire à ses dispositions concernant les degrés de parenté ou d'alliance pour lesquels il y a une prohibition absolue et la nécessité de la dissolution d'un mariage antérieur. »

Le rapport de M. Renault donne, au sujet de ce texte, l'explication suivante, qui est parfaitement claire et précise : « La loi du lieu de la célébration, qui doit respecter la loi nationale en tant que celle-ci s'oppose à un mariage, doit-elle également s'incliner devant la loi nationale en tant qu'elle permet le mariage? L'affirmative est admise par la Commission, mais d'une manière moins absolue. Le droit public d'un pays qui ne nous paraît pas exiger la célébration d'un mariage interdit par une loi étrangère peut s'opposer à ce qu'un mariage permis par une loi étrangère puisse être célébré. Cela est indiscutable en principe; la difficulté est seulement de déterminer avec quelque précision les cas dans lesquels la loi locale pourra opposer un non possumus aux dispositions d'une loi étrangère et d'empêcher que la règle d'après laquelle la loi nationale des futurs époux règle leur capacité ne devienne une lettre morte et soit, en fait, écartée par la loi locale trop prédominante. Aussi la Commission a-t-elle écarté une rédaction d'après laquelle les prescriptions de la loi nationale n'auraient pu prévaloir sur les dispositions touchant à l'ordre public ou à l'ordre social; elle a pensé qu'une pareille règle serait trop vague et se prêterait à des applications exagérées. Elle a voulu indiquer d'une façon strictement limitative les cas dans lesquels la loi du lieu de la célébration pourrait empêcher un mariage, quoiqu'il fût permis par la loi nationale des époux; de cette façon, tout arbitraire est supprimé. »

Maintenant, en ce qui concerne le premier des cas admis (le second se comprend de lui-même), quel est le sens de la formule proposée ? Voici ce que répond le rapport : « Le premier cas prévu est celui où le mariage en question serait contraire à la loi locale en ce qui touche les degrés de parenté ou d'alliance; même sur ce point, la Commission propose une distinction. S'agit-il d'un empêchement radical, tel qu'il ne puisse être nullement levé? Une disposition de ce genre a un caractère d'ordre moral absolu qui empêche qu'un mariage puisse être, contrairement à cette disposition, célébré même entre étrangers. S'agit-il d'un empêchement de nature à être levé par une dispense? La disposition n'a plus un caractère aussi absolu, elle est d'un ordre plus contingent et il n'y a plus même raison pour l'imposer aux étrangers. » Le rapport donne comme exemple le cas où un oncle et une nièce appartiennent à un pays dans lequel leur mariage est licite; ils pourront se marier en France. Le rapport déclare, en s'appuyant sur des considérations décisives, que la Commission ne croit pas devoir recommander, à cet égard, la règle admise par l'Institut de droit international et d'après laquelle « les autorités du pays où le mariage est célébré pourront accorder dispense des empêchements résultant de la parenté ou de l'alliance entre les futurs époux, dans les cas et dans la mesure où cette faculté appartiendrait, en vertu de la loi nationale des futurs époux, aux autorités de leurs patries respectives. »

Au cours de la discussion, M. Renault, répondant à une motion contraire, insista vivement sur la nécessité de ne pas substituer aux deux cas limitativement désignés une formule générale; il eut gain de cause.

Les délégués belges auraient désiré qu'à ces deux cas fût ajouté celui d'une prohibition de mariage absolue prononcée contre les coupables d'un adultère à raison duquel le mariage de l'un d'eux a été dissous. Cet amendement fut rejeté par six voix contre cinq et deux abstentions.

Dans les pays où, dès aujourd'hui, la loi nationale des étrangers régit leur mariage, l'application de cette règle se heurte à de grandes difficultés pratiques : les autorités locales ignorent les lois étrangères et, en l'absence de conventions diplomatiques attribuant à certaines autorités compétence pour les en instruire, elles n'ont aucun moyen sûr de les connaître. La Commission prit sagement le soin de résoudre cette difficulté, dans l'article 3 de son avant-projet, en disant, d'après des usages existants déjà dans certains Etats : « Les étrangers, pour se marier, doivent produire un certificat délivré par les autorités compétentes ou bien par les agents diplomatiques ou consulaires de leur pays et constatant, soit qu'à leur connaissance il n'existe aucun empéchement au mariage projeté, soit que les conditions exigées par la loi nationale des futurs époux pour la validité du mariage ont été remplies. » Cet acticle fut adopté, sous réserve d'une rédaction meilleure.

L'article 4 de l'avant-projet posait, en ces termes, les règles concernant la forme du mariage : « Sera reconnu partout comme valable quant à la forme le mariage célébré suivant la loi du pays il a eu lieu. Cette règle, toutefois, ne doit pas imposer aux pays dont la législation exige une célébration religieuse l'obligation de reconnaitre comme valables les mariages contractés par leurs nationaux à l'étranger sans observer cette prescrip

tion. Une copie authentique de l'acte de mariage sera transmise aux autorités du pays auquel appartiennent les époux. » C'était l'application en matière de mariage, sauf un tempérament très légitime, de la maxime locus regit actum. La Conférence fut d'avis d'y apporter une légère dérogation en décidant que dans le pays où serait célébré le mariage on devrait respecter, à l'égard des publications, la loi nationale. En adoptant l'article 4, on convint qu'un paragraphe concernant cette prescription y serait inséré.

L'article 5 de l'avant-projet traitait des mariages célébrés par les agents diplomatiques ou consulaires et les règlementait de la façon suivante : « Seront également reconnus partout comme valables quant à la forme : 1o le mariage célébré devant un agent diplomatique ou consulaire conformément à sa loi, si les deux parties contractantes appartiennent à l'Etat dont relève la légation ou le consulat et si la législation du pays où le mariage a été célébré ne s'y oppose pas; 2o le mariage célébré conformément à sa loi devant un agent diplomatique ou consulaire de l'Etat auquel appartient le mari, mais seulement dans les pays où la forme est purement religieuse. L'application de l'alinéa 2 de l'article 4 ci-dessus est, du reste, réservé. » Le rapport expliquait très bien la différence qui était faite entre les deux hypothèses prévues : 1o celle où le mariage a lieu dans un pays où les étrangers peuvent pour se marier s'adresser à l'autorité locale, abstraction faite de toute confession religieuse; 2o celle où le mariage a lieu dans un pays où, la forme de la célébration étant purement religieuse, les étrangers d'une autre confession sont forcément empêchés de recourir à l'autorité locale. Dans la première, l'intervention des agents diplomatiques ou consulaires, n'étant qu'utile, était subordonnée à des conditions rigoureuses. Dans le second cas, cette intervention, n'étant pas seulement utile, mais nécessaire, était autorisée même au cas où la future épouse n'aurait pas été sous l'autorité de l'agent diplomatique ou consulaire. De plus, la condition « si la législation du pays où le mariage a été célébré ne s'y oppose pas », inscrite au no 1 de l'article 5, ne figurait pas dans le n° 2 du même texte; était-ce à dessein? c'est un point qui ne fut pas éclairci.

Les délégués russes protestèrent contre cette seconde disposition de l'article 5. Il en résultera, dit M. Manoukhine, que le mariage d'un Français avec une sujette russe, en Russie, devant un consul français, sera valable partout ailleurs qu'en Russie; or, il y a là quelque chose d'inadmissible. M. de Martens demanda la suppression du no 2 de l'article 5, afin que les pays où n'existe que le mariage religieux ne fussent pas mis « dans une situation délicate ». Une première fois, cette disposition fut maintenue malgré le vote contraire de la Russie seule. Mais, dans une séance postérieure, sur la proposition de son président, la Conférence en consentit l'abandon.

II. DE LA FORME DES ACTES. La Commission chargée d'étudier cette matière fut composée de MM. le baron de Haan, délégué d'Autriche, président; Beeckman, délégué de Belgique, rapporteur; Feith, délégué des Pays-Bas; de Manoukhine, délégué de Russie. Elle présenta un avant-projet en un seul article qui, après correction, fut ainsi rédigé.

« La forme des actes est réglée par la loi du lieu où ils sont faits ou passés.

Néanmoins, les actes sous seing privé peuvent étre faits dans les formes admises par les lois nationales identiques de toutes les parties.

Lorsque la loi qui régit une disposition exige comme condition substantielle que l'acte ait une forme solennelle, les parties ne peuvent se servir d'une autre forme. »

Une opposition très vive se produisit contre cet article. On fit valoir que la maxime locus regit actum est une formule abstraite, universellement reconnue, enseignée dans tous les livres de droit; que, d'ailleurs, l'avant-projet tout entier présentait le caractère d'une règlementation abstraite. On en conclut qu'il ne pouvait prendre place parmi les règles pratiques, de nature concrète, proposées par la Conférence pour servir de base à un traité international. Ce sentiment prévalut et l'on convint que l'avant-projet concernant la forme des actes ne serait pas inséré dans le protocole final.

Toutefois, l'avis général fut aussi que la Conférence ne pouvait pas opposer à l'avant-projet une fin de non recevoir absolue, l'écarter entièrement du cadre de ses travaux, après l'y avoir placé, qu'elle devait notamment affirmer la maxime locus regit actum, ne serait-ce que pour ne pas donner lieu de croire qu'elle l'avait condamnée. On procéda donc au vote sur chacun des alinéas dont se composait l'avant-projet.

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