Paris, le 15 janvier 1721, annula le testament qu'un gouverneur, originaire de Paris, avait fait à Douai, dans la forme olographe, différente de la forme prescrite par le droit de cette ville; c'est dans ce procès que pour la première fois, parait-il, se produisit, à l'audience d'un parlement, la maxime « locus regit actum ». Il semblerait, aujourd'hui, puisque l'article 999 de notre Code civil permet aux Français de faire en pays étranger un testament olographe, qu'il est également permis aux étrangers de tester en France dans la forme privée telle que l'autorise leur loi nationale. Or, il n'en est rien. La Cour de Paris, approuvée par la Chambre des requêtes de la Cour suprême le 9 mars 1853, a invalidé le testament qu'un Anglais avait fait en France conformément à la loi de son pays, avec des solennités qui, d'après cette loi, rendent le testament authentique. Les deux Cours françaises ont déclaré que « la forme des actes est essentiellement soumise à la loi du pays où ils sont passés ». Telles sont les difficultés pratiques auxquelles donne lieu la maxime « locus regit actum » que l'on a prétendue purement théorique. Est-ce que ces questions ne sont pas concrètes au même degré que les autres? On répondra peut-être que, si les principes concernant la forme des actes ne sont pas inscrits dans le règlement international à venir, des applications en seront faites, dans ce règlement, à certaines matières, telles que le mariage, le testament, la donation. Mais le mariage, le testament et la donation ne sont pas les seuls actes juridiques dont la forme requière des règles. Et pourquoi ces principes seraient-ils absents du futur règlement international, quand les législateurs sentent l'utilité de les inscrire dans leurs Codes? Se propose-t-on également de passer sous silence le principe que l'état et la capacité des personnes sont régis par la loi nationale, ou celui que les biens considérés à un certain point de vue sont soumis à la loi territoriale? II. DU MARIAGE. L'article premier des conclusions concernant le mariage, après avoir posé la règle que les conditions intrinsèques de validité de cet acte seront régies par la loi nationale de chacun des époux, en restreint la portée en ajoutant : « à moins que cette loi ne s'en rapporte soit à la loi du domicile, soit à la loi du lieu de la célébration. » Çe tempérament fut proposé par la commission, dès le principe. La Conférence l'adopta, comme la règle, sans autre incident qu'une courte discussion entre M. Beeckman et M. Meili. Le premier, considérant que la loi du domicile ou celle du lieu de la célébration ne serait appliquée que par une référence de la loi nationale, émit l'avis qu'au fond, même dans ce cas, ce serait à la loi nationale qu'appartiendrait la compétence; que, par conséquent, la disposition commençant par les mots << à moins que » se trouvait implicitement contenue dans la règle, n'était pas une exception véritable et, dès lors, paraissait superflue. A quoi M. Meili répondit que, sansdoute, l'objection était spécieuse, mais que, selon lui, dans le cas prévu, la loi appliquée ne serait vraiment pas la loi nationale, mais une autre loi désignée par la loi nationale. M. Meili était mieux entré que M. Beeckman dans la pensée de la commission. Le rapport de M. Renault commente, en effet, la disposition dont il s'agit de la façon suivante : « Quand on dit que la loi nationale est compétente pour régler le droit de contracter mariage, on se réfère aux dispositions de cette loi sur les diverses conditions exigées. Mais il peut se faire que cette loi ne se préoccupe pas d'imposer ses prescriptions à ses nationaux qui sont à l'étranger et les laisse seulement soumis aux lois du pays où ils sont domiciliés (voyez, par ex. : loi fédérale suisse de 1874). En pareil cas, on se conformera à la loi nationale elle-même des futurs époux en appréciant leur capacité d'après la législation de leur domicile. Même il se pourrait que la loi nationale, allant plus loin encore, admît que la loi du lieu de la célébration peut régler pleinement les conditions du mariage quant au fond; on ne saurait alors, dans le lieu de la célébration, exiger autre chose que l'observation des dispositions de la loi locale; en agissant ainsi, on se conformera à la loi nationale elle-même et l'on ne peut avoir la prétention de mieux protéger ses nationaux qu'elle ne le fait elle-même. » Toutefois, il y a eu peut-être quelque défaut de précision dans cet échange de vues entre MM. Beeckman, Meili et Renault. Toute législation qui s'est trouvée depuis quelque temps en rapport avec les autres, en outre de ses dispositions, fort nombreuses, concernant le droit interne, telles que les dispositions relatives au mariage, à la filiation, aux contrats, aux testaments, aux successions, etc., contient, soit en termes exprès et positifs, soit à l'état de doctrine ou de jurisprudence, quelques règles de droit international privé, c'est-à-dire quelques règles touchant au conflit de ses lois internes avec les lois étrangères. Par conséquent, si l'une d'elles décide que les étrangers, en telle matière, seront régis par telle loi étrangère, il se produit aussitôt une équivoque : cette loi étrangère dont on parle, est-ce telle disposition du droit interne, par exemple celle qui établit les conditions du mariage, ou bien est-ce la règle de droit international privé qui, par exemple, soumet les conditions du mariage à la loi du domicile des époux? On peut s'y méprendre et l'on s'y est si bien mépris que, d'après une opinion très répandue et dont se sont inspirées des décisions judiciaires très importantes, la loi étrangère visée, c'est la règle de droit international privé posée dans la législation étrangère. Cette opinion, professée, appliquée en France, est plus forte encore peut-être en Belgique, et l'observation de M. Beeckman montre que l'éminent délégué de ce pays non seulement en est partisan, mais la croit indiscutée. Or, à mes yeux, qu'il me soit permis de le dire, c'est une erreur certaine, comme l'a démontré l'un de mes savants maîtres, M. Labbé, dans une dissertation selon moi décisive'; et c'est une erreur capitale, qui influe sur la conception tout entière du Droit international privé. La conséquence de cette opinion, en effet, est que, lorsqu'un législateur a pris soin de régler le conflit des lois étrangères avec sa propre loi et, d'après son sentiment des prescriptions du juste, a décidé qu'en telle matière sa propre loi s'effacera devant telle loi étrangère, il n'a vraiment rien décidé; car sa décision, suivant l'opinion dont il s'agit, se trouve subordonnée à celle que donne, de son côté, sur le même conflit, la législation du pays dont il a désigné la loi interne comme devant être prépondérante; et, si la législation de ce pays, statuant en un sens tout opposé, renvoie la compétence à sa propre loi, c'est sa propre loi qui s'appliquera en vertu du commandement du législateur étranger. Je n'insiste pas davantage, ici, sur cette opinion qui, en tant qu'interprétation de l'article 3 du Code franco-belge, est, je le répète, une erreur fondamentale. Ce n'est pas le lieu de s'y arrêter, puisque la commission dont M. Renault a été l'organe et dont les propositions ont été approuvées par la Conférence ne l'a pas admise, puisque son rapport déclare, au contraire : « quand on dit que la loi nationale est compétente pour régler le droit de contracter mariage, on se réfère aux dispositions de cette loi sur les diverses conditions exigées. » Mais la Conférence, conformément à l'avant-projet, propose de consacrer en termes exprès le système qui n'est pas implicitement contenu dans les articles 3 et 170 du Code francobelge: si la législation étrangère, dont les dispositions de droit interne sont, en principe, compétentes, s'en rapporte, en droit international, à la loi interne du pays où ses sujets sont domiciliés ou bien à celle du pays où ses sujets se marient, cette dernière loi devra finalement prévaloir. C'est là, évidemment, une de ces concessions que M. le président Asser avait recommandées, peut-être « un sacrifice fait sur l'autel de l'entente internationale ». Eh bien, si, à ce titre, je comprends que ce sacrifice ait été fait, je crois aussi qu'il offre un inconvénient grave et qu'il n'était nullement nécessaire. 1. Du conflit entre la loi du juge saisi et une loi étrangère relativement à la loi applicable à la cause, dans Clunet 1885, p. 5 et s. Il offre un inconvénient grave; car il paraît procéder d'une conception du Droit international privé tout autre que celle dont, à juste titre, s'est inspirée la Conférence, de l'idée que le conflit des lois doit être résolu d'après les conseils de la courtoisie internationale. La Conférence, en effet, semble avoir fait ce raisonnement: Le principe est que chaque Etat a le droit d'écarter en tout point les lois étrangères; toutefois, en matière de mariage et quant aux conditions nécessaires à la validité de cet acte, il convient que, dans le pays où il a lieu, les autorités respectent la loi nationale des époux; mais, si la législation de leur patrie, ne tenant pas à ce que ses prescriptions soient respectées, s'en remet elle-même à la loi du domicile ou à la loi du lieu de la célébration, le principe reprend son empire, et, d'ailleurs, le meilleur moyen que l'on ait de montrer de la déférence envers les lois étrangères n'est-il pas d'accepter le mandat qu'elles donnent? Assurément la Conférence et sa commission sont parties d'un point de vue tout différent. J'ai signalé l'esprit qui à présidé aux travaux de la Conférence, et la commission chargée de présenter l'avant-projet sur le mariage en était pénétrée. La preuve en est que son rappor teur, parlant d'elle, a pris soin de dire : « Elle a cherché, sans parti pris, à déterminer rationnellement et équitablement l'influence légitime des lois en présence; elle n'a pas considéré que l'application d'une loi étrangère, dans un cas donné, fût affaire de courtoisie ou de tolérance, mais elle a pensé que l'Etat qui, dans l'exercice de sa souveraineté, reconnaissait que cette loi étrangère devait s'appliquer sur son territoire faisait œuvre de justice et de droit. » Voilà bien quelle a été l'idée dominante. Mais ne s'en écarte-t-on pas, sans y prendre garde, quand, après avoir assigné compétence, au nom du droit, à la loi nationale et interne des intéressés, l'on souscrit à une désignation contraire soit de la loi du domicile, soit du lieu de la célébration, faite par le règlement sur le conflit des lois établi dans leur pays? « On se conformera à la loi nationale elle-même, » dit le rapport. Ici, je crains que l'on n'ait pas échappé à l'équivoque dont je parlais tout à l'heure. Ce n'est pas se conformer à la loi nationale concernant les conditions du mariage que d'y appliquer la loi du domicile ou la loi du lieu de la célébration; c'est se conformer à la règle de droit international privé édictée par la législation nationale. « On ne peut avoir la prétention de mieux protéger ses nationaux qu'elle ne le fait elle-même. » Pourquoi non, si elle les abandonne à une loi qui n'a pas été faite pour eux, qui ne convient ni à leur race, ni à leur religion, ni à leurs mœurs? Pourquoi non, si vous avez posé, vous, en attribuant compétence à la loi nationale, une règle que vous dictait un sentiment supérieur de justice? Au reste, est-il bien vrai que la législation étrangère ait entièrement livré ses nationaux à la loi du domicile ou à la loi du lieu de la célébration, qu'elle les ait soumis à cette loi à tel point que, si ses propres prescriptions avaient été suivies, elle les renierait, que, si le mariage était valable d'après ses propres lois, elle le tiendrait pour nul en vertu de la loi du domicile ou de la loi du lieu de la célébration non observée ? J'en doute, et c'est pourquoi je pense que le tempérament à la règle admis par la Conférence n'était pas nécessaire. Il est vrai qu'une Cour anglaise est allée jusque-là, qu'ayant à statuer au sujet d'un mariage contracté par deux jeunes Anglais, en France, à un âge où le mariage n'était pas autorisé dans ce pays, elle l'a invalidé, comme contraire à la lex |