trailles s'émurent en voyant cet enfant. Elle étoit blonde, et douce comme un agneau; on ne l'auroit jamais crue Italienne. On vit pour très peu de chose à Venise: nous donnâmes quelque argent à la mère, et pourvûmes à l'entretien de la fille. Elle avoit de la voix; pour lui procurer un talent de ressource, nous lui donnâmes une épinette et un maître à chanter. Tout cela nous coûtoit à peine à chacun deux sequins par mois, et nous en épargnoit davantage en autres dépenses: mais comme il falloit attendre qu'elle fût mûre, c'étoit semer beaucoup avant de recueillir. Cependant, contents d'aller là passer les soirées, causer et jouer très innocemment avec cette enfant, nous nous amusions plus agréablement peut-être que si nous l'avions possédée; tant il est vrai que ce qui nous attache le plus aux femmes est moins la débauche qu'un certain agrément de vivre auprès d'elles. Insensiblement mon cœur s'attachoit à la petite Anzoletta, mais d'un attachement paternel auquelles sens avoient si peu de part, qu'à mesure qu'il augmentoit il me devenoit moins possible de les y faire entrer, et je sentois que j'aurois eu horreur d'approcher de cette fille devenue nubile, comme d'un inceste abominable. Je voyois les sentiments du bon Carrio prendre à son insu le même tour. Nous nous ménagions sans y penser des plaisirs non moins doux, mais bien différents de ceux dont nous avions d'abord eu l'idée, et je suis certain que quelque belle qu'eût pu devenir |