'de fe remarier, veuille retrouver dans fon fecond mari les qualités qui ont diftingué le premier, & qui peuvent le lui rappeller: M. de Rochefort a cru devoir imaginer quelque chofe de plus frappant, de plus tragique, & qui formât un coup de théâtre plus décidé. Il fait dire à Pénélope, dans une affemblée folemnelle, en présence des Prêtres, à la face des Tyrans, devant Télémaque & Eumée, & même devant Ulyffe qu'elle ne connoit point encore & qui jouit de fa fidélité: Pour mon nouvel Epoux je reconnois enfin Lorfque dans Rodogune, Cléopatre demande à fes fils la tête de cette Princeffe, & que Rodogune par repréfailles leur demande la tête de leur mère, nous n'examinons pas quel peut être le mérite de cette H affreuse fiction; mais enfin on entend bien ce que demandent & Cléopatre & Rodogune. Que demande Pénélope & que faut-il faire pour la mériter? lui apporter la tête d'un de ses Amans. Duquel? Si deux d'entre eux lui apportent chacun une têre, les époufera-t'elle tous les deux? Si tous s'empressent d'obtenir fa main, ils s'entretueront donc tous & elle époufera le dernier qui reftera, s'il en reste un. Qui ne voit que la proposition de Pénélope eft une défaite & une dérifion amère ? Mais si elle peut se débarraffer ainsi de ses Amans par une défaite, elle n'est donc pas dans leur dépendance; elle croit donc n'avoir rien à redouter de leurs attentats ni pour elle ni pour son fils; elle n'est donc point néceffitée à faire un choix entre eux, & dès-lors que devient l'intérêt de fa fituation? D'un autre côté, ce coup de théâtre a le mérite de produire de l'effet fur les personnages préfens & intéressés; il raffure Ulysse; il encourage Télémaque; il confole Eumée; il sème la divifion & la défiance parmi les Ainans de Pénélope; &, comme nous l'avons dit, les fautes rachetées par des beautés, sont au moins excusées. Les gens d'un goût sévère, ou les Rivaux que M. de Rochefort vient d'acquérir par cette excursion dans la carrière du Théâtre, & par celles qu'il annonce encore, ne manquèront pas de prétexte pour trouver les différentes reconnoissances dont ce sujet abonde, tantôt brusquées, tantôt traînantes. Des juges plus indul gens ou plus justes jugeront que l'Au. teur a dû varier la forme de ces reconnoiffances, & que ce n'étoit pas une chose facile. 3 On pourra encore trouver que la jaloufie qu'inspire Circé à Pénélope, - quoique naturelle, est celle d'une Bergère, d'une jeune Amante, & n'a pas toute la dignité qui convient au caractère de Pénélope. Mais quelque jugement qu'on porte du plan & de la structure générale de la Pièce, on ne pourra s'empêcher d'en aimer beaucoup plufieurs détails, d'y reconnoître une verfification douce & facile, un style pur, formé fur les principes & les exemples de la faine Antiquité, qui, au mérite du naturel, joint quelquefois le mérite du fentiment & l'utilité d'une philofophie aimable. Il eft beau d'entendre Ulyffe parler ainfi de lui même à la faveur de fon déguisement : Les cœurs infortunés aifément s'attendriffent. Je plains ce Roi fameux, qui, de la gloire épris, Pour fuivre une ombre vaine, a quitté fon pays; Qui, pour une querelle à son peuple étran ,, gère, L'abandonne à des maux plus guerre. cruels que la Je le plains de l'erreur qui l'avoit égaré, Quand, parmi les flatteurs dont il fut entouré, Il crut voir des amis, qui, durant son abfence, Soutiendroient de l'Etat la gloire & la puiffance; Sans fonger que les Rois font bientôt ou Et bliés, que l'Esclave ingrat qui rampoit à leurs pieds, N'aime point la vertu qu'il ne fauroit connoître, Et ne fait aucun bien loin des regards du Maître. L'entrée d'Ulyffe fur la fcène, entrée qui fait auffi l'ouverture de la Pièce, développe dans ce Héros une fenfibilité intéreffante, jointe à la prudence qui le caractérise: Je puis enfin d'Ithaque embraffer le rivage. Ah! je les reconnois ces rochers, ce bocage, Cet antre obfcur & faint, où ma main tant de fois |