feau, à douze lieues vers l'orient de la bourgade de faint François-Xavier. C'est le Pere Philippe Suares qui la fonda le premier en l'année 1697. Les Miffionnaires ont eu beaucoup à y fouffrir des maladies & de la difette des chofes les plus nécessaires à la vie. C'est ce qui caufa la mort au Pere Antoine Fideli en l'année 1702. Cette Mission eft composée des familles des Boros, des Penotos, des Caotos, des Xamarus & de quelques Pignoças. La Nation des Tamacuras, qu'on vient de découvrir du côté du fud, & qu'on efpere convertir à la Foi, augmentera confidérablement cette peuplade. La Mission de faint Jean-Baptifte est la quatrième. Elle est située vers l'orient tirant un peu fur le nord, à plus de trente lieues de la Mission de faint Jofeph. Cette peuplade, qui est comme le centre de toutes les autres qui s'étendent d'orient en occident, est principalement habitée par les Xamarus. Elle s'augmentera encore plus dans la suite par plusieurs familles des Tamipicas, Cuficas & Pequicas, auxquelles on a commencé de prêcher l'Evangile. C'est le Pere Jean Fernandez qui en a soin & c'est Don Jean Fernandez Campero ce Seigneur fi zélé pour la converfion de Chiquites, qui a donné libéralement tout ce qui étoit nécessaire pour orner l'Eglife, & y faire le service avec dé cence. On a découvert depuis peu, plusieurs autres nations, telles que font celles des Petas, Subercias, Piococas, Tocuicas, Puraficas, Aruporecas, Borilos, &c. & on a de grandes espérances de les foumettre au joug de l'Evangile; ce feront de nouveaux sujets pour la Cou ronne d'Espagne. : : On peut juger aifément ce qu'il en coûte aux Miffionnaires, & à quels dangers ils exposent leur vie pour raffembler des peuples non moins fauvages que les bêtes, & qui n'ont pas moins d'horreur des Espagnols que des Mamelus du Brefil. Depuis qu'on les a réunis dans des bourgades, on les a peu à peu accoutumés à la dépendance dont ils étoient fi ennemis; on a établi parmi eux une forme de gouvernement, && insensiblement on en a fait des hommes. Ils affiftent tous les jours aux Instructions & aux Prieres qui fe font dans l'Eglife; ils y récitent le Rofaire à deux cluœurs; ils y chantent les Litanies, ils goûtent nos saintes cérémonies, ils se confessent souvent; mais ils ne font admis à la table Eucharistique qu'après qu'on s'est assuré qu'il ne reste plus dans leur esprit aucune trace du Paganisme. La jeunesse est bien élevée dans des Ecoles qu'on a établies à ce dessein, & c'est ce qui affermira à jamais le Christianisme dans ces vastes contrées. Les Missions des Guaranis, où l'on trouve une chrétienté florissante, sont sur les bords des fleuves Parana & Uruguay, qui arrofent les provinces de Paraguay & Buenos-aires. Ces Missions feroient beaucoup plus peuplées, fi les travaux des ouvriers Evangéliques qui les ont établies & qui les cultivent, n'étoient pas traversés par l'ambition & l'avarice des Mamelus du Brefil. Ces bandits ont défolé toutes ces Nations, & ontservi d'instrument au démon pour ruiner de si saints établissemens dès leur naissance. On afsure qu'ils ont enlevé jusqu'à présent plus de trois cens mille Indiens pour en faire des esclaves. Le zèle des Missionnaires, loin de se rallentir par tant de contradictions & de violences, n'en devint que plus vif & plus ardent: Dieu a béni leur fermeté & leur courage. En cette année 1702 ils ont fur les bords de ces deux fleuves 29 grandes Missions où l'on compte 89501 Néophytes : sçavoir, fur le fleuve Parana 14 bourgades, composées de 10253 familles, qui font 41483 personnes: & fur le fleuve Uruguay 15 bourgades, où il y a 12508 familles composées de 48018 personnes. La joie que ces progrès donnent aux Missionnaires, eft encore troublée par la crainte qu'ils ont de voir leurs travaux rendus inutiles par les Indiens infideles qui font dans leur voifinage: ceux-ci ont leurs habitations entre les bourgades dont je viens de parler, & la colonie du Sacrement que les Portugais entretiennent vis-à-vis de Buenosayres. Ils se sont alliés aux Portugais, & ils en tirent des coutelas, des épées, & d'autres armes en échange des chevaux qu'ils leur donnent. C'est une contravention manifeste au traité que les Portugais firent, lorsqu'ils obtinrent des Espagnols la permission de s'établir en ce lieu-là. En 1701, ces Indiens n'ayant nul égard à la paix qui régnoit parmi toutes les Nations, s'emparerent à main armée de la bourgade Yapeyu, autrement dite des Saints Rois; ils la pillerent, ils profanerent l'Eglife, les images & les vases sacrés, & ils enleverent quantité de chevaux & de troupeaux de vaches. Ce brigandage obligea nos Néophytes de prendre les armes pour leur défense. Le Gouverneur de Buenos-ayres leur donna pour Commandant un Sergent Major avec quelques foldats Espagnols, qui s'étant joints aux Indiens formerent un corps de deux mille hommes; ils allerent à la rencontre de leurs ennemis, & il se donna un combat où il y eut beaucoup de fang répandu de part & d'autre. Les infideles demanderent du fecours aux Portugais qui leur en donnerent. Ils livrerent un fecond combat qui dura cinq jours, & où ils furent entiérement défaits; tout ce qui ne fut pas tué fut fait prisonnier. Par là il est aifé de voir à quel danger cette chrétienté naissante est exposée, si les Espagnols ne la protegent contre la fureur des Indiens & contre les violences des Mamelus. Ceux-ci ne cherchent qu'à faire des esclaves de nos Néophytes pour les employer ou à labourer leurs terres, ou à travailler à leurs moulins à fucre. De pareilles violences nuisent infiniment à la converfion de ces peuples; l'inquiétude continuelle où ils font, les difperse dans les forêts & dans les |