marquerent tous de la joie de voir que nous souhaitions les inftruire de notre sainte Religion, & leur apprendre le chemin du Ciel. De fi heureuses difpositions nous animerent à apprendre à fond la langue Monqui, qu'on parle en ce pays-là. Deux ans entiers se passerent partie à étudier & partie à catéchifer ces peuples. Le Pere de Salvatierra se chargea d'instruire les adultes, & moi les enfans. L'affiduité de cette jeunesse à venir nous entendre parler de Dieu, & son application à apprendre la doctrine chrétienne fut fi grande, qu'elle se trouva en peu de temps parfaitement inftruite. Plusieurs me demanderent le saint baptême, mais avec tant de larmes & de si grandes instances, que je ne crus pas devoir le leur refuser. Quelques malades & quelques vieillards, qui nous parurent fuffisamment instruits, le reçurent aussi, dans la crainte où nous étions qu'ils ne mourussent sans baptême. Et nous avons lieu de croire que la Providence n'avoit prolongé les jours à plusieurs d'entr'eux, que pour leur ménager ce moment de falut. Il y eut encore environ cinquante enfans à la mammelle, qui, des bras de leurs meres, 1 s'envolerent au Ciel, après avoir été régénérés en Jesus-Christ. Après avoir travaillé à l'instruction de ces peuples, nous fongeâmes à en découvrir d'autres à qui nous pussions également nous rendre utiles. Pour le faire avec plus de fruit, nous voulûmes bien, le Pere de Salvatierra & moi, nous séparer, & nous priver de la fatisfaction que nous avions de vivre & de travailler ensemble. Il prit la route du nord, & je pris celle du midi & de P'occident. Nous eûmes beaucoup de consolation dans ces courses Apoftoliques: car, comme nous sçavions bien la langue, & que les Indiens avoient pris en nous une véritable confiance, ils nous invitoient eux-mêmes à entrer dans leurs villages, & se faisoient un plaifir de nous y recevoir & de nous y amener leurs enfans. Les premiers étant instruits, nous allions en chercher d'autres, à qui successivement nous enfeignions les Mysteres de notre Religion. C'est ainsi que le Pere de Salvatierra découvrit peu à peu toutes les habitations qui composent aujourd'hui la Miffion de Lorette-Concho & celle de faint Jean de Londo; & moi tous le pays qu'on appelle à présent la Miffion de faint François Xavier de Biaundo, qui s'étend jusqu'à la mer du Sud. En avançant ainsi chacun de notre côté, nous remarquâmes que plusieurs Nations de langues différentes, se trouvoient mêlées ensemble, les unes parlant la langue Monqui que nous sçavions, & les autres la langue Laymone que nous ne sçavions pas encore. Cela nous obligea d'apprendre le Laymon, qui eft beaucoup plus étendu que le Monqui, & qui nous paroît avoir un cours général dans tout ce grand pays. Nous nous appliquames fi fortement à l'étude de cette seconde langue, que nous la sçûmes en peu de temps, & que nous commençâmes à prêcher indifféremment, tantôt en Laymon, & tantôt en Monqui. Dieu a þéni nos travaux, car nous avons déja baptisé plus de mille enfans, tous très-bien disposés, & fi empressés à recevoir cette grace, que nous n'avons pu réfister à leurs inftantes prieres. Plus de trois mille Adultes également inftruits, défirent & demandent la même faveur; mais nous avons jugé à propos de la leur différer pour les éprouver à loisir, & pour les affermir davantage dans une si sainte résolution. Car comme ces peuples ont vécu long-temps dans l'idolatrie & dans une grande dépendance de leurs faux Prêtres, & que d'ailleurs ils font d'un naturel leger & volage, nous avons eu peur, si l'on fe pressoit, qu'ils ne se laissassent ensuite pervertir, ou qu'étant Chrétiens fans en remplir les devoirs, ils n'exposassent notre fainte Religion au mépris des Idolâtres. Ainfi on s'est contenté de les mettre au nombre des Catéchumenes. Le samedi & le dimanche de chaque semaine, ils viennent à l'Eglife & affiftent avec les enfans déja baptifés, aux instructions qui s'y font; & nous avons la consolation d'en voir un grand nombre qui perséverent avec fidélité dans le dessein qu'ils ont pris de se faire de vrais disciples de Jesus-Chrift. Depuis nos secondes découvertes, nous avons partagé toute cette contrée en quatre Missions. La premiere est celle de Concho, ou de Notre-Dame de Lorette; la feconde est celle de Biaundo, ou de saint-Francois Xavier; la troisieme, celle de Yodivineggé, ou de NotreDame des Douleurs; & la quatrieme, qui n'est encore ni fondée ni tout à fait fi bien établie que les trois autres, est celle de faint Jean de Londo. Chaque Mission comprend plusieurs bourgades. Celle de Lorette-Concho en a neuf dans sa dépendance; sçavoir, Liggigé à deux lieues de Concho, Jetti à trois lieues, Tuiddu à quatre lieues. Ces trois premieres bourgades sont vers le nord, & les fix suivantes vers le midi. Vonu à deux lieues, Numpolo à quatre lieues, Chuyenqui à neuf lieues, Liggui à douze lieues, Tripué à quatorze lieues, Loppu à quinze lieues. On compte onze bourgades dans la Mission de faint François Xavier de Biaundo, qui font Quimiauma, ou l'Ange-Gardien à deuxlieues; Lichu, ou la montagne du Cavalier à trois lieues; Yenuyomu à cinq lieues; Undua à fix lieues; Enulaylo à dix lieues; Picolopri à douze lieues; Ontta à quinze lieues; Onemaito à vingt lieues. Ces huit bourgades sont du côté du midi. Les deux suivantes sont au nord; Nuntei à trois lieues, & Obbé à huit lieues. Cuivuco, ou fainte Rofalie, à quatre lieues, est du côté de l'ouest. On avoit bâti une Chapelle pour cette seconde Mission; mais se trouvant déja trop petite, on a commencé à élever une grande Eglife, dont les murailles feront de brique & la couverture de bois. Le jardin qui tient à la maifon du Missionnaire, fournit déja toutes |