pres à bien remuer la terre, & que nous ne pussions nous servir que d'une vieille mule & d'une méchante charrue que nous avions pour la labourer. Outre plufieurs fortes d'animaux qui nous font connus, qu'on trouve ici en quantité & qui font bons à manger, comme des cerfs, des lievres, des lapins & autres; il y a de deux fortes de bêtes fauves que nous ne connoiffions point. Nous les avons appellées des moutons, parce qu'elles ont quelque chose de la figure des nôtres. La premiere espece est de la grandeur d'un veau d'un ou deux ans; leur tête a beaucoup de rapport à celle d'un cerf, & leurs cornes, qui font extraordinaire ment grosses, à celles des beliers. Ils ont la queue & le poil, qui est marqueté, plus courts encore que les cerfs, mais la corne du pied est grande, ronde & fendue comme celle des bœufs. J'ai mangé de ces animaux, leur chair m'a paru fort bonne & fort délicate. L'autre espece de moutons, dont les uns font blancs & les autres noirs, different moins des nôtres. Ils font plus grands & ils ont beaucoup plus de laine. Elle fe file aifément & eft propre à mettre en œuvre. Outre ces animaux, dont on peut se nourrir, il y a des lions, des chats fau vages, & plusieurs autres semblables à ceux qu'on trouve en la nouvelle Efpagne. Nous avions porté dans la Californie quelques vaches & quantité de menu bétail, comme des brebis & des chevres, qui auroient beaucoup multiplié, si l'extrême nécessité où nous nous trouvâmes pendant un temps, ne nous eût obligés d'en tuer plusieurs. Nous y avons porté des chevaux & de jeunes cavales pour en peupler le pays. On avoit commencé à y élever des cochons; mais comme ces animaux font beaucoup de dégât dans les villages, & comme les femmes du pays en ont peur, on a résolu de les exterminer. Pour les oiseaux, tous ceux du Mexique, & presque tous ceux d'Espagne, se trouvent dans la Californie; il y a des pigeons, des tourterelles, des alouettes, des perdrix d'un goût excellent & en grand nombre, des oies, des canards & de plusieurs autres fortes d'oiseaux de riviere & de mer. La mer est fort poissonneuse, & le poisson en est d'un bon goût. On y pêche des fardines, des anchoies & du thon qui se laisse prendre à la main au bord de la mer. On y voit aussi assez souvent des baleines & de toutes fortes de tortues. Les rivages font remplis de monceaux de coquillages, beaucoup plus gros que les nacres de perles. Ce n'est pas de la mer qu'on y tire le sel, il y a des salines dont le fel est blanc & luifant comme le crystal, mais en même-temps si dur, qu'on est souvent obligé de le rompre à grands coups de marteau. Il seroit d'un bon débit dans la Nouvelle Espagne où le sel est rare. Il y a près de deux fiecles qu'on connoît la Californie; ses côtes sont fameuses par la pêche des perles, c'est ce qui l'a rendue l'objet des vœux les plus empressés des Européens qui ont souvent formé des entreprises pour s'y établir. Il est certain que si le Roi y faifoit pêcher à ses frais, il en tireroit de grandes richesses. Je ne doute pas non plus qu'on ne trouvât des mines en plusieurs endroits, si l'on en cherchoit, puisque ce pays est sous le même climat que les provinces de Cinaloa & de Sonora, où il y en a de fort riches. Quoique le Ciel ait été fi libéral à l'égard des Californiens, & que la terre produise d'elle - même ce qui ne vient ailleurs qu'avec beaucoup de peine & de travail, cependant ils ne font aucun cas de l'abondance ni des richesses de leur pays. Contens de trouver ce qui est nécessaire à la vie, ils se mettent peu en peine de tout le reste. Le pays est fort peuplé dans les terres, & furtout du côté du nord, & quoiqu'il n'y ait gueres de bourgades qui ne foient composées de vingt, trente, quarante & cinquante familles, ils n'ont point de maisons. L'ombre des arbres les défend des ardeurs du soleil pendant le jour, & ils se font des branches & des feuillages, une espece de toît contre les mau vais temps de la nuit. L'hiver ils s'enferment dans des caves qu'ils creufent en terre, & y demeurent plusieurs ensemble, à peu près comme les bêtes. Les hommes font tous nuds, au moins ceux que nous avons vus. Ils se ceignent la tête d'une bande de toile très-déliée, ou d'une espece de rézeau; ils portent au cou & quelquefois aux mains pour ornement, diverses figures de nacres de perles assez bien travaillées & entrelafsées avec beaucoup de propreté de petits fruits ronds, à peu près comme nos grains de chapelet. Ils n'ont pour armes que l'arc, la fleche ou le javelot; mais ils les portent toujours à la main, soit pour chasser, soit pour se défendre de leurs ennemis; car les bourgades se font affez souvent la guerre les unes aux autres. Les femmes font vêtues un peu plus modestement, portant, depuis la ceinture jusqu'aux genoux, une maniere de ta blier tissu de roseaux, comme les nates les plus fines; elles se couvrent les épaules de peaux de bêtes, & portent à la tête, comme les hommes, des rezeaux fort déliés; ces rezeaux sont si propres, que nos foldats s'en fervent à attacher leurs cheveux; elles ont, comme les hommes, des colliers de nacres mêlés de noyaux de fruits, & de coquillages qui leur pendent jusqu'à la ceinture, & des brasselets de même matiere que les colliers. L'occupation la plus ordinaire des hommes & des femmes, est de filer. Le fil se fait de longues herbes qui leur tiennent lieu de lin & de chanvre, ou bien de matieres cotonneuses qui se trouvent dans l'écorce de certains fruits. Du fil le plus fin, on fait les divers ornemens dont nous venons de parler, & du plus groffier, des facs pour différens ufages, & des rets pour pêcher. Les hommes outre cela, avec diverses herbes dont les fibres sont extrêmement ferrées |