cès qu'on a eus jusqu'ici; & l'espérance d'une pareille distinction en fera venir d'autres & les engagera à imiter la valeur & la sagesse des premiers. Secondement, il faut faire ensorte que quelques familles de Gentils-hommes & d'Officiers viennent s'établir ici pour pouvoir par eux-mêmes, & par leurs enfans, remplir les emplois à mesure qu'ils viendront à vacquer. Troisièmement, il est de la derniere conféquence que les Missionnaires, & ceux qui commanderont dans la Californie, vivent toujours dans une étroite union. Cela a été jusqu'à présent par la sage conduite & par le choix judicieux qu'en a fait d'intelligence avec nous M. le Comte de Montezuma, Viceroi de la nouvelle Espagne. Mais comme les Miffionnaires font affez occupés de leur ministere, il faut qu'on les décharge du soin des troupes, & que la caiffe royale de Guadalaxara fournisse ce qui leur sera nécessaire. Il feroit à souhaiter que le Roi nommât lui-même quelque personne d'autorité & de confiance, avec le titre d'Intendant ou de Commissaire Général, qui voulût par zele; & dans la seule vue de contribuer à la converfion de ce Royaume, se charger de payer à chacun ce qui lui feroit assigné par la Cour, & de pourvoir au bien des Colonies, afin que tous pussent s'appliquer sans distraction à leur devoir, & que l'ambition & l'intérêt ne ruinât pas en un moment, comme il est souvent arrivé, un ouvrage qu'on n'a établi qu'avec beaucoup de temps, de peines & de dangers. Voilà, ce me semble, Messeigneurs, tout ce que vous avez souhaité que je vous donnasse par écrit. Il sera de votre fagesse & de votre prudence ordinaire, de juger ce qu'il est à propos d'en faire fçavoir au Roi notre maître. Il aura fans doute beaucoup de confolation d'apprendre qu'à son avénement à la Couronne, Dieu ait ouvert une belle carriere à fon zèle. Je venois ici chercher des secours, sans lesquels il étoit impoffible, ou de conserver ce que nous venions de faire, ou de pousser plus loin l'œuvre de Dieu. La libéralité du Prince a prévenu & furpassé de beaucoup nos demandes. Que le Seigneur étende fon Royaume, autant qu'il étend le Royaume de Dieu, & qu'il vous donne, Messei gneurs, autant de bénédictions que vous avez de zèle pour faciliter l'établissement de la Religion dans ces vastes pays, qui ont été jusqu'à présent abandonnés. Je suis, &c. A Guadalaxara, le 10 de Février de l'année 1702. ABRÉGÉ D'UNE RELATION ESPAGNOLE, De la vie & de la mort du Pere Cyprien Baraze, de la Compagnie de Jefus, & Fondateur de la Mission des Moxes dans le Pérou; imprimée à Lima par ordre de Monseigneur Urbain de Matha, Evêque de la ville de la Paix. ON entend par la Miffion des Moxes un assemblage de plusieurs différentes Nations d'infideles de l'Amérique, à qui on a donné ce nom, parce qu'en effet la Nation des Moxes est la premiere de celles-là qui ait reçu la lumiere de l'Evangile. Ces peuples habitent un pays immense, qui se découvre à mesure qu'en quittant Sainte-Croix de la Sierra, on côtoye une longue chaîne de montagnes escarpées qui vont du fud au nord. II ! 1 est situé dans la Zone torride, & s'étend depuis dix jusqu'à 15 degrés de latitude méridionale. On en ignore entiérement les limites, & tout ce qu'on en a pu dire jusqu'ici, n'a pour fondement que quelques conjectures, fur lesquelles on ne peut gueres compter. Cette vaste étendue de terre paroît une plaine affez unie: mais elle est prefque toujours inondée, faute d'issue pour faire écouler les eaux. Ces eaux s'y amassent en abondance par les pluies fréquentes, par les torrens qui defcendent des montagnes, & par le débordement des rivieres. Pendant plus de quatre mois de l'année, ces peuples ne peuvent avoir de communication entr'eux, car la néceffité où ils sont de chercher des hauteurs pour se mettre à couvert de l'inondation, fait que leurs cabanes font fort éloignées les unes des autres. Qutre cette incommodité, ils ont encore celle du climat dont l'ardeur est excessive: ce n'est pas qu'il ne foit tempéré de temps en temps, en partie par l'abondance des pluies & l'inondation des rivieres, en partie par le vent du nord qui y fouffle presque toute l'année. Mais d'autres fois le vent du fud qui vient du côté des montagnes couvertes de neige, se déchaîne avec tant d'impétuofité, & remplit l'air d'un froid fi piquant, que ces peuples presque nuds & d'ailleurs mal nourris, n'ont pas la force de foutenir ce dérangement subit des saifons, fur-tout lorsqu'il est accompagné des inondations, dont je viens de parler, qui sont presque toujours suivies de la famine & de la peste; ce qui cause une grande mortalité dans tout le Pays. Les ardeurs d'un climat brûlant, jointes à l'humidité presque continuelle de la terre, produisent une grande quantité de ferpens, de viperes, de fourmis, de mosquites, de punaises volantes, & une infinité d'autres insectes, qui ne donnent pas un moment de repos. Cette même humidité rend le terroir si stérile, qu'il ne peut porter ni bled, ni vignes, ni aucun des arbres fruitiers qu'on cultive en Europe. C'est ce qui fait aussi que les bêtes à laine ne peuvent y subsister : il n'en est pas de même des taureaux & des vaches; on a éprouvé dans la suite des temps, lorsqu'on en a peuplé le pays, qu'ils y vivoient, & qu'ils y multiplioient, comme dans le Pérou. Les Moxes ne vivent gueres que de la pêche & de quelques racines que le pays produit en abondance. Il y a de cer |