de plusieurs fimples connues en Europe, & dont ces peuples ne font nul cas, tels que font le fameux arbre de quinquina, & une écorce appellée cascarille, qui a la vertu de guérir toutes fortes de fievres. Les Moxes ont chez eux toute cette botanique sans en faire aucun usage. Rien ne me fait mieux voir leur stupidité, que les ridicules ornemens dont ils croyent se parer, & qui ne fervent qu'à les rendre beaucoup plus difformes qu'ils ne le font naturellement. Les uns se noircissent une partie du visage, & se barbouillent l'autre d'une couleur qui tire sur le rouge. D'autres se percent - les levres & les narines, & y attachent diverses babioles qui font un spectacle risible. On en voit quelques-uns qui se contentent d'appliquer fur leur poitrine une plaque de métal. On en voit d'autres qui se ceignent de plusieurs fils remplis de grains de verre, mêlés avec les dents & des morceaux de cuirs des animaux qu'ils ont tués à la chaffe. Il y en a même qui attachent autour d'eux les dents des hommes qu'ils ont égorgés; & plus i's portent de ces marques de leur cruauté, plus ils se rendent refpectables à leurs compatriotes. Les moins difformes font ceux qui se couvrent la : tête, les bras, & les genoux de diverses plumes d'oiseaux, qu'ils arrangent avec un certain ordre qui a son agrément. L'unique occupation des Moxes est d'aller à la chasse & à la pêche, ou d'ajuster leur arc & leurs fleches; celle des femmes, est de préparer la liqueur que boivent leurs maris, & de prendre foin des enfans. Ils ont la coutume barbare d'enterrer les petits enfans quand la mere vient à mourir; & s'il arrive qu'elle en. fante deux jumeaux, elle enterre l'un d'eux, alléguant pour raison que deux enfans ne peuvent pas se bien nourrir à la fois. 1 Toutes ces diverses Nations sont prefque toujours en guerre les unes contre les autres; leur maniere de combattre est toute tumultuaire; ils n'ont point de chef, & ne gardent nulle difcipline; du reste, une heure ou deux de combat finit toute la campagne; on reconnoît les vaincus à la fuite; ils font esclaves ceux qu'ils prennent dans le combat, & ils les vendent pour peu de chose aux peuples avec qui ils font en commerce. Les enterremens des Moxes fe font presque sans aucune cérémonie. Les parens du défunt creusent une fofse, ils accompagnent ensuite le corps en filence, ou en poussant des sanglots. Quand il est mis en terre, ils partagent entr'eux sa dépouille, qui consiste toujours en des chofes de nulle valeur; & dès lors ils perdent pour jamais la mémoire du défunt. Ils n'apportent pas plus de cérémonie à leurs mariages. Tout consiste dans le consentement mutuel des parens de ceux qui s'épousent, & dans quelques préfens que fait le mari au pere, ou au plus proche parent de celle qu'il veut époufer. On ne compte pour rien le confentement de ceux qui contractent; & c'est une autre coutume établie parmi eux, que le mari suit sa femme par-tout où elle veut habiter. Quoiqu'ils admettent la polygamie, il est rare qu'ils ayent plus d'une femme, leur indigence ne leur permettant pas d'en entretenir plusieurs; cependant ils regardent l'incontinence de leurs femmes comme un crime énorme, & fi quelqu'une s'oublioit de son devoir, elle passe dans leur esprit pour une infâme & une prostituée; souvent même il lui en coûte la vie. Tous ces peuples vivent dans une ignorance profonde du vrai Dieu. Il y en a parmi eux qui adorent le soleil la lune, & les étoiles; d'autres ado rent les fleuves; quelques-uns un prétendu tigre invisible; quelques autres portent toujours fur eux grand nombre de petites idoles d'une figure ridicule. Mais ils n'ont aucun dogme qui soit l'objet de leur créance; ils vivent sans espérance d'aucun bien futur, & s'ils font quelque acte de religion, ce n'est nullement par un motif d'amour; la crainte seule en est le principe. Ils s'imaginent qu'il y a dans chaque chose un esprit qui s'irrite quelquefois contr'eux, & qui leur envoye les maux dont ils font affligés; c'est pour cela que leur foin principal est d'appaifer ou de ne pasoffenfer cette vertu secrette, à laquelle, disent-ils, il est impossible de résister. Du refte, ils ne font paroître au dehors aucun culte extérieur & folemnel; & parmi tant de Nations diverses, on n'en a pu découvrir qu'une ou deux qui usassent d'une efpece de sacrifice. On trouve pourtant parmi les Moxes deux fortes de ministres pour traiter les choses de la religion. Il y en a qui sont de vrais enchanteurs dont l'unique fonction eft de rendre la santé aux malades. D'autres, font comme les Prêtres deftinés à appaifer les Dieux. Les premiers ne font élevés à ce rang d'honneur qu'a près un jeûne rigoureux d'un an, pen dant lequel ils s'abstiennent de viande & de poifon. Il faut outre cela qu'ils ayent été blessés par un tigre, & qu'ils se soient échappés de ses griffes; c'est alors qu'on les révere comme des hommes d'une vertu rare, parce qu'on juge de-là qu'ils ont été respectés & favorisés du tigre invisible, qui les a protégés contre les efforts du tigre visible, avec lequel ils ont combattu. Quand ils ont exercé long-temps cette fonction, on les fait monter au fuprême facerdoce. Mais pour s'en rendre dignes, il faut encore qu'ils jeûnent une année entiere avec la même rigueur, & que leur abstinence se produise au dehors par un visage have & extentné, alors on presse certaines herbes fort piquantes pour en tirer le suc qu'on leur répand dans les yeux, ce qui leur fait fouffrir des douleurs très-aigues; & c'est ainsi qu'on leur imprime le caractere du facerdoce. Ils prétendent que par ce moyen leur vue s'éclaircit; ce qui fait qu'ils donnent à ces Prêtres le nom de Tiharaugui, qui signifie en leur langue, celui qui a les yeux clairs. A certains temps de l'année, & fur |