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AVANT-PROPOS

E dessein principal du présent ouvrage est de rappeler, à l'occasion de quelques débats contemporains, l'importance primordiale d'une saine théorie de l'intelligence, et d'ouvrir quelques' perspectives sur la critique de la connaissance selon Aristote et saint Thomas. A défaut d'un exposé systématique et complet, on trouvera du moins dans ce livre une certaine vue de la vie propre de l'intelligence, qui constitue à nos yeux l'essentiel de cette critique, et qui fait l'unité interne des études réunies ici.

Dans les deux premières nous nous sommes proposé de mettre directement en lumière les principes fondamentaux qui commandent la philosophie de la connaissance en général, de l'intelligence et de sa vie propre en particulier.

Après cela il nous a fallu, à propos des théories de M. Blondel, essayer de restituer contre certaines déformations le vrai visage de l'intelligence spéculative, considérée surtout dans son activité philosophique.

Pascal attire notre attention sur un autre

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aspect de la vie de l'intelligence, sur le mouvement concret de l'intelligence vers l'acte de foi surnaturelle, mouvement où interviennent déjà les attraits de la grâce, et où les dispositions du vouloir jouent un rôle essentiel. Déficient dans l'ordre métaphysique, le réalisme pascalien n'a sa vraie signification que dans l'ordre apologétique.

La Mathématique des phénomènes, la science physico-mathématique qui depuis Descartes règne sur la pensée moderne, et dont les théories d'Einstein, quelle que puisse être la durée de leur succès dans le monde savant, sont un aboutissement des plus curieux au point de vue épistémologique, nous fait considérer l'activité de l'intelligence dans un domaine où elle souffre une sorte de violence, et où elle doit, -aveu auquel elle se résigne à grand'peine, et qu'elle reste à chaque instant tentée de démentir, à pénétrer le réel pour mieux dominer les appa

rences.

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renoncer

Par un effet de contraste, les théologiens pragmatistes et pluralistes nous instruisent encore, en nous montrant où conduit une radicale méconnaissance pratique de la vie de l'intelligence, jointe à la prétention de philosopher.

Enfin une étude à grands traits du réalisme thomiste nous ramène à l'idée authentique de l'intelligence et de sa vie, envisagée en connexion avec l'idée authentique de la nature humaine, également essentielle à toute saine

culture, et également corrompue dans les temps modernes.

Le bienveillant lecteur nous permettra maintenant de l'avertir que cet ouvrage ne saurait avoir d'intérêt, ou même de signification, que pour les esprits qui reconnaissent la légitimité et la primauté du point de vue métaphysique. Les problèmes qui concernent la nature et la valeur de la connaissance ne sont pas, comme le croient aujourd'hui tant de gens fascinés par l'illusion du « concret vécu », du ressort de la psychologie, et d'une étude, même « transcendantale (?) du contenu de la conscience. Ils relèvent du métaphysicien, je veux dire qu'ils dépendent d'une lumière qui est celle du degré d'abstraction métaphysique. La métaphysique du connaître forme normalement l'introduction de la métaphysique de l'être. Dès qu'il s'agit du domaine propre de l'intelligence, il faut dire aux passants de bonne volonté : que nul n'entre ici s'il n'est métaphysicien.

CHAPITRE PREMIER

DE LA VÉRITÉ

Q

U'EST-Ce que la vérité? Pilate n'attendait pas de réponse, il tenait la question pour insoluble. C'est pourquoi la Vérité ne lui répondit pas. Le philosophe, lui, doit essayer de répondre.

Mais la manière dont l'idéalisme pose la question ne vaut guère mieux que celle de Pilate. Depuis Kant l'intelligence ne sait que redire : quid est veritas? comme un doute qu'il faut une merveilleuse audace pour seulement formuler, et qu'il suffit d'exprimer pour ne pouvoir pas le résoudre 1.

La grande faiblesse du fondateur du criticisme, c'est de n'être pas assez critique. Il manque de courage critique (le courage du juge). Il a été réveillé par Hume de son sommeil dogmatique, mais il n'a pas creusé

1. Kant lui-même dit, sans sa Logique, que la vérité est l'accord de la connaissance avec elle-même », (Logik, Einleitung, VII) ou encore, dans la Critique de la raison pure, qu'elle git dans la concordance de la connaissance avec... ce qui dans la représentation contient la condition de la règle... qui la distingue de toute autre appréhension, et qui rend nécessaire telle façon de coordonner le multiple. (Krit. der rein Vern., éd. orig., p. 236). Ces définitions ne semblent pas avoir été pour l'intelligence moderne une nourriture très fortifiante,

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